Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée
69
70
ABGAR

t. lxxxvi b, col. 2748. — 5° S. Jean Damascène, De fuie orthodoxa, iv, 16 ; Epist. ad Theophilum, P. G., t. xciv, col. 1173 ; t. xcv, col. 352. —6° Théodore Studite, Lettres, I, xxxm ; II, xii, lxv, P. G., t. xcix, col. 1020, 1153, 1288. — 7° Georges le Syneelle, Chronogr., sous l’année 5536, 36 de Jésus-Christ : Corpus h. byz., t. i, p. 622-623. — 8° Cedrenus, Historiée contpendiiun. Corpus, t. I, p. 308-315. —9° Nicéphore Calliste, istoire ecclésiastique, t. ii, p. 7 ; P. G., t. cxlv, col. 772-773. Il faut aussi placer parmi les témoins de la légende Jules Africain, qui, selon Moïse de Khorène, II, x, mit à profit les manuscrits et les archives d’Édesse, et la pèlerine espagnole, Euchérie.. F. Gamurrini, S. Sylvix Aquitanæ peregrinatio ad loca sancta, Rome, 1887, p. 385-388.

Ces récits se perpétuèrent dans l’Occident. On les retrouve dans la lettre de Darius à saint Augustin, P. L., t. xxxiii, col. 1022 ; Etienne III, Sijnod. lat., P. L., t. xcviii, col. 1256 ; Haymonde Halherstadt (853), Historiée eccles. breviarium, Dohschùtz, p. 201’; Ordéric Vital (1141), Histor. eccles., I, ii, 14, P. L., t. clxxxviii, col. 163 ; Vincent de Beauvais (1224), Spéculum historiale, viii, 29, Dobschùtz, p. 237* ; Jacques de Voragine (1298), Legenda aurea, Leipzig, 1846, p. 39.

De la comparaison des documents, en négligeant ceux dont le simple témoignage n’ajoute aucun point nouveau aux données historiques, il résulte que l’original de la légende est un texte syriaque. En effet, les historiens grecs et arméniens disent avoir puisé à des sources syriaques, et Eusèbe, le premier en date, déclare reproduire les documents officiels des archives royales d’Édesse. Zahn, Tatian’s Dialessaron, Erlangen, 1881, voyait dans la Doctrine d’Addée la rédaction primitive de cette légende, qu’il plaçait entre les années 270 et 290. Bickell et Phillips, op. cit., admettent que lu Doctrine est la copie authentique des archives d’Edesse, qu’Eusèbe aura traduites en les abrégeant. Il est plus vraisemblable que l’original syriaque sur lequel a été fait directement le récit d Eusèbe, qui est de beaucoup le. plus court, est aujourd’hui perdu, et que la Doctrine donne l’amplification de ce texte ancien des archives royales. Comme cette narration de la Doctrine a servi de base à l’œuvre de Moïse de Khorène (471), c’est dans l’intervalle qui sépare Eusèbe (325) de l’historien arménien qu’il convient de placer la rédaction de la Doctrine, ce qui nous ramène à l’époque où Edesse brillait comme un foyer actif de productions littéraires. R. Duval, Histoire d’Édesse, p. 150, 162, 177, 181.

Mais dès la fin du {{rom|iv)e siècle. Sylvie (Euchérie) reçut de l’évêque d’Édesse une copie des lettres d’Abgar et du Sauveur, plus étendue que le récit que l’on connaissait dans son pays, Gamurrini, p. 68. La traduction de Ruffin n’était pas encore connue.

III. Données delà légende. — Suivant cette légende, le roi Abgar, malade, envoie à Jérusalem son courrier, suivant Eusèbe, Ta^ûôpo^o ;  ; d’après Moïse de Khorène et Euchérie, cursor, tabellârd (tabellarius) ; dansla version syriaque d’Eusèbe, Ancient syriac documents, p. 2, son secrétaire assermenté, ou son secrétaire commissionnaire, tabûlârd ; dans la Doctrine, p. 1 (tabularius), [w]sarîrâ. Le messager est porteur de la lettre suivante adressée à Jésus : « Abgar le Noir à Jésus, le bon médecin, qui a paru dans le pays de Jérusalem : mon seigneur, salut ! J’ai entendu dire de toi et de tes cures, que tu opères sans médicaments et sans plantes médicinales ; mais que, par ta parole [Eusèbe : à ce que l’on dit], tu fais voir les aveugles et marcher les paralytiques. Tu purifies les lépreux [Doctrine : et tu fais entendre les sourds] ; tu chasses les esprits impurs ; tu guéris les possédés et ressuscites les morts. Lorsque j’ai appris sur toi tout cela [D..-ces grands miracles], je me suis mis dans l’esprit ou que tu étais Dieu descendu du ciel pour faire ces actes, ou que tu étais le fils de Dieu, toi qui fais toutes ces choses. C’est pourquoi je t’ai écrit pour te prier de

venir chez moi [D. : pour que je t’adore], afin que tu guérisses une maladie dont je souffre. Car j’ai appris que les Juifs murmurent contre toi [D. : et te persécutent ; qu’ils cherchent à te crucifier] et veulent te faire du mal. Je possède une ville petite, mais belle, qui est suffisante pour nous deux [D. : qui suffit à deux personnes pour y demeurer en paix]. » Le document syriaque et l’ouvrage arménien de Léroubna font suivre cette lettre d’une réponse orale. Jésus dit à l’envoyé syrien : « Va et dis à ton maître. » Dans Eusèbe, la réponse est donnée par écrit, soit que Jésus l’ait dictée, soit que, suivant les développements de la légende, il l’ait écrite de sa main. Celte réponse est ainsi conçue : « Heureux es-tu, toi qui as cru en moi sans m’avoir vu. Car il est écrit de moi que ceux qui me verront ne croiront pas en moi, et que ceux qui ne me verront point croiront en moi. Quant à ce que tu m’écris devenir chez toi, l’œuvre pour laquelle j’ai été envoyé ici est désormais achevée, et je vais remonter vers mon père, qui m’a envoyé [Eusèbe : il est nécessaire que j’accomplisse ici tout ce pourquoi j’ai été envoyé, et, après l’avoir accompli, je remonterai vers celui qui m’a envoyé]. Lorsque je serai remonté vers lui, je t’enverrai un de mes disciples qui guérira la maladie dont tu souffres et procurera la vie à toi et aux tiens [D. : et convertira à la vie éternelle tous ceux qui sont auprès de toi. Ta ville sera bénie et aucun ennemi ne prévaudra plus contre elle]. » R. Duval, Histoire d’Edesse, p. 83-85. Voir le texte syriaque dans Tixeront, Origines de l’Église d’Édesse, p. 195, 196.

Eusèbe fait suivre ces lettres du récit delà mission de Thaddée, l’un des soixante-dix, envoyé par saint Jude ou Thomas, après l’ascension du Seigneur. L’apôtre instruit Abgar, le guérit, prêche la religion du Christ aux Édesséniens, et ceux-ci se convertissent en grand nombre. Au lieu de l’an 310 des Séleucides, 29 après Jésus-Christ, qu’indique l’auteur grec, la Doctrine fournit comme date un mercredi du mois d’avril de l’an 343 (32), pour la venue à Jérusalem du messager, qu’elle appelle Hannan. Elle désigne comme le lieu de sa rencontre avec Jésus la maison de Gamaliel. Elle nomme l’apôtre d’Édesse Addée. Le récit ancien commence à s’enrichir de variantes et de développements ; les écrivains cherchent à combler les lacunes de l’histoire en précisant les événements, les dates, les titres. De plus, la Doctrine ajoute au premier récit de nombreux épisodes : la légende de la Croix et de Protonice, femme de Claude, les lettres d’Abgar et de Tibère, le fait de Nersès, roi d’Assyrie, demandant des missionnaires, la prédication d’Addée, sa mort, le martyre d’Aggée, son successeur, et l’avènement de Palout. La version arménienne, à son tour, accommode les noms et les faits à la langue et à l’histoire du pays. Dans les récits grecs postérieurs, le courrier s’appelle Hananias (Sylvie : Ànanias), et l’élément juif a une part dans les rôles. Thaddée devient un savant juif d’Édesse, et son action s’étend des Syriens aux Arméniens et aux Chaldéens. Il se rend à Amid (Diarbékir) et revient à Béryte (Bèyrout).

Suivant le Berésliit rabba, au temps môme de Notre-Seigneur, les Juifs de Jérusalem, notamment Gamaliel, entretenaient des relations amicales avec les rois d’Adiabène, de la famille dTzate. Un roi de ce nom, le fils d’Hélène d’Adiabène fut amené au judaïsme par un marchand juif du nom de Hananias. Cf. Josèphe, Ant. jud., xx, 2. LesJuifs de Palestine et d’Antioche faisaient en effet un commerce actif de soieries avec ces régions, et la route des caravanes passait alors, comme aujourd’hui, parÉdesseetBirédjik. La tradition juive que nous citons doit entrer comme facteur dans la légende, laquelle d’ailleurs se rattache aux données du Beréshil rabba lorsqu’elle nous présente les mêmes noms juifs, et qu’elle nous fait voir, au berceau du christianisme édessénien, des chrétiensjudaïsants. Ces faits prouvent en outre que les missions juives précédèrent la prédication évangélique, comme pour lui préparer le terrain.