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AME. DOCTRINES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES

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ni sur le moment où elle commence d’exister. Sur les points qu’il a touchés — entendez ceux qui concernent le présent sujet — on voit qu’il brouille les questions plutôt qu’il ne les éclaircit ; mais deux choses le rendent intéressant pour l’histoire du dogme : la première synthèse des idées platoniciennes avec les données chrétiennes (notez que Justin juxtapose aussi, mais en évitant expressément de synthétiser, D’taL, VI, col. 4-88, B. C, avec la réponse du vieillard : « l’eu m’importe ici Platon ou Pythagore, » ibid., VI, col. 489) ; la première apparition de ces idées sur le corps des esprits que nous retrouverons si souvent.

Le Nourry, Appavatus ad Biblioth. maximum veterum Patrurn, Paris, 1703, diss. V, c. ii, § 3, p. 035, et § 4, p. 538. Édition critique de l’Oratio ad Grœcos, par Ed. Schwartz, Leipzig, 1888, dans Texte und Untersuchungen, t. iv.

IV. Athénagore.

Athénagore, comme tous ceux qui ont traité de la résurrection, a surtout mis en relief l’unité du composé humain. Mais en même temps il montre à merveille la supériorité de l’homme grâce à sa raison. Les créatures sont pour lui, lui-même n’est pour aucune autre créature, mais pour qu’en lui resplendisse la sagesse et la bonté de Dieu. De resurrectione, xii, P. G., t. vi, col. 996. Chacune des deux parties dont il est composé a son rôle et son œuvre, conformes à sa nature propre : à l’âme de gouverner le corps, de juger, d’ordonner, ibid., col. 1000, de vivre sagement et de contempler la magnificence et la sagesse du créateur. C. Xlll, col. 1000. Plus clairement encore : « La nature humaine, dit Athénagore, est composée d’une âme immortelle et d’un corps unis ensemble dès l’origine et ce n’est ni à la seule nature de l’àme, ni à la nature du corps prise à part que Dieu a donné l’être et la vie et toute l’activité humaine, mais aux hommes composés de l’une et de l’autre… A elles deux elles ne font qu’un animal, et c’est lui qui soutire et les douleurs de l’àme et celles du corps, lui qui opère et ce qui est sensation et ce qui est connaissance raisonnable… Tout concourt en une seule harmonie, une même sympathie de tout l’homme… et ce qui vient de l’àme et ce que fait le corps… L’àme ne fait pas la nature de l’homme ; l’être intelligent et raisonnable, c’est l’homme, ce n’est pas l’âme toute seule. » C. xv, col. 1004-1005.

Pour tant insister sur l’unité humaine, Athénagore n’ote rien à l’âme de ses prérogatives. Nettement il voit dans sa nature spirituelle le fondement de son immortalité ; mais l’expression est curieuse : « Si l’intelligence, si la raison a été donnée aux hommes pour discerner les intelligibles, non seulement les essences, mais aussi la bonté, la sagesse, la justice du donateur, il faut, tant que demeure ce pourquoi a été donné le discernement raisonnable, que demeure aussi le discernement donné pour cet objet. » Ibid., col. 1004. Il ne cherche pas d’ailleurs à prouver l’immortalité de l’âme : ce qu’il veut, c’est montrer que l’immortalité de l’àme entraîne la résurrection du corps. — On voit combien nette est la doctrine d’Athénagore sur l’âme et sur le composé humain. Sur l’origine de l’âme, il affirme la nonpréexistence ; mais il ne parle pas expressément de création ex ni/iilo.

Édit. critique par Ed. Schwartz, Lepzig, 1891, Texte und Unter-SUchungen, t. iv ; Fr. Schubring, Die Philosophie des Athenagoras, Berlin, 1882 ; Laforêt, Athénagore. La philosophie chez un Père du ir siècle, dans Hev. catholique, Luuvain, 1871, t. xxxii, p. 204-iJlu.

V. Saint Irénée.

Irenée, en face des rêveries gnostiques, commence par maintenir que tous les hommes sont de même nature et ont même origine : pas de psychiques ou d’hyliques ou de pneumatiques selon les diversités d’origines, Adversus /imreses, l. I, c. vi, P. (’-., t. VII, col. 504 S(|. ; cf. I. IV, c. XI.I, xi.ii, col. 1115. Dans chaque homme d’ailleurs une seule âme, celle que Dieu unit au limon pour le viviiier, l’âme raisonnable, dont l’union au corps fait de l’homme un animal raisonnable ; le corps reçoit de l’âme toute vie : Non… est fortins corpus quam anima, quod qu’idem ab Ma spiratur et vivificatur, et augetur et arliculatur. Il est comme l’instrument, l’àme est l’artiste, l. IV, c. xxxiii, XXXIV, cꝟ. l. V, c. I, n. 3. Mais instrument uni, vivant lui-même, l. V, c. iii, n. 3, col. 1131. On a prêté à Irénée, comme à Justin ou à Tatien (Semisch, Justin, t. il, p. 363 ; Freppel, Tertullien, t. ii, p. 357), des idées trichotomistes. C’est faute d’avoir compris comment la grâce et le Saint-Esprit deviennent dans les justes, en s’unissant à l’âme, un principe de vie supérieure surnaturelle et divine ; et comment Dieu, pour employer le mot de saint Augustin, est la vie de l’âme comme l’âme est la vie du corps. Il est visible, en effet, qu’Irénée n’entend pas autre chose quand il parle d’un troisième principe en nous, de l’esprit distinct du corps et de l’âme. Lui-même s’en est expliqué maintes fois. Voici en résumé le chapitre vi du livre V. C’est de la résurrection qu’il s’agit. Pour en montrer la convenance, Irénée, comme les auteurs que nous avons cités, irrsiste sur l’unité du composé humain. « C’est l’homme, non une partie de l’homme, qui est à la ressemblance de Dieu. Or l’âme et l’esprit peuvent être partie de l’homme (voilà un texte qui, s’il était seul, indiquerait une pensée trichotomiste, mais la suite est claire), ils ne sont pas l’homme : l’homme parfait, c’est le mélange et l’union d’une âme qui reçoit l’Esprit du Père avec cette chair qui a été faite à l’image de Dieu. » J’ai dit l’homme parlait, remarque Irénée, c’est à la suite de l’apôtre qui appelle parfaits ceux qui ont reçu l’Esprit de Dieu et les dons divers de cet Esprit… devenus spirituels par la participation de cet Esprit. « Car, ajoute-t-il, si l’on ôte la substance de la chair, c’est-à-dire du limon façonné, plasmatis, pour ne voir que l’esprit tout seul, ce n’est pas l’homme spirituel, ce qui reste ainsi, c’est l’esprit de l’homme ou l’Esprit de Dieu. Mais quand cet Esprit mêlé à l’àme s’unit au limon, par cette effusion de l’Esprit l’homme devient spirituel et parfait ; et voilà l’homme qui a été fait et à l’image et à la ressemblance de Dieu (l’image pour Irénée s’entend selon l’ordre naturel, la ressemblance selon l’ordre surnaturel). Mais si l’Esprit manque à l’àme, l’homme ainsi laissé est vraiment l’homme animal et charnel (dont parle saint Paul), il sera imparfait : il a l’image dans le limon, mais il ne reçoit pas la ressemblance par l’Esprit. Mais comme celui-là est imparfait, de même si l’on ôte l’image en méprisant le limon, ce n’est plus l’homme qu’on a, mais ou bien une partie de l’homme, ou quelque autre chose que l’homme. Car ni la chair façonnée, plasmatio carnis, à elle seule n’est l’homme parfait, mais bien le corps de l’âme, une partie de l’homme ; ni l’âme à elle seule n’est l’homme, mais bien l’àme de l’homme, une partie de l’homme ; ni l’Esprit n’est l’homme, car on l’appelle l’Esprit et non l’homme. C’est le mélange et l’union des trois qui fait l’homme parfait. » L. V, c. vi, n. 1, col. 1137, 1138. Et il confirme son direpar saint Paul, et montre dans le corps inclue le temple du Saint-Esprit. Il est plus clair encore, si c’est possible, au chapitre vin. Partant des paroles de l’apôtre, il dit : « Ceux qui ont le gage de l’Esprit et n’obéissent pas aux convoilises de la chair, mais qui se soumettent à l’Esprit, l’apôtre à bon droit les nomme spirituels, puisque L’Esprit de Dieu habite en eux. Ce ne soiil pas « les esprits incorporels qui seront les hommes spirituels ; c’est notre substance, c’est-à-dire l’union de l’àme et de la chair qui, recevant l’Esprit tic Dieu, fait l’homme parfait. » L. V, c. viii, n. 2, col. 1142. Il explique ensuite en quel sens l’apôtre a nommé hommes animaux et charnels ceux qui vivent comme des brûles. L. V, c. viii, n. 2, 3. — « Il y a donc, conclut Irénée, trois principes de l’homme parlait, la chair, l’âme, l’Esprit : l’un qui sauve et qui forme, altero salvante ri figurante, c’est l’Esprit ; l’autre qui est uni et formé, la chair,