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AME. DOCTRINES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES

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Theil, Leipzig, 1893 ; P. Batifful, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature grecque, Paris, 1897 (en attendant l’abbé Lejay pour la littérature latine) ;

Pour l’époque patristique qusqu’à saint Isidore et saint Jean Damascène) : O. Bardenhewer, Palrologie, Fribourg-en-Brisgau, 1894 (trad. franc., Paris, 1899), mieux au point que même la dernière édition de Fessier, Inslituliones patroloyiæ, Inspruck, 1890 sq.

Pour les Pères latins : Ebert, Histoire générale de la littérature du moyen âge en Occident, trad. de l’allemand, Paris, 1883 sq. ; dom Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclés., Paris, 1729-1763. Voir la Table générale, par Bondet, Paris, 1782, au mot Ame.

Pour les Pères et les scolastiques : Ueberweg-Heinze, Geschichte der Philosophie, t. il, Berlin, 1898 ; Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, Paris, 1872 et 1880 ; Id., Notices et Extraits des manuscrits, Paris, 1890 sq. ; de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1900.

Pour les temps modernes (1109-1894) : Hurter, Nomenclator literarius recentioris theologise, Inspruck, t. IV, 1899, de 1109 à 1563 ; t. I-III, 2e édit., 1892-1895, de 1564 à 1894 (ne s’occupe directement que des traités théologiques).

J. Bainvel.



III. AME. Doctrines des trois premiers siècles.
I. Comment se posait la question.
II. Saint Justin.
III. Talien.
IV. Athénagore.
V. Saint Irénée.
VI. Tertullien.
VII. Clément d’Alexandrie.
VIII. Origéne.
IX. Vue rétrospective : Origène et Tertullien.
X. Arnobe.
XI. Lactance.
XII. Résumé. La question de l’âme au début du IVe siècle.

Il court tant d’erreurs, il règne tant d’incertitude et de confusion sur la doctrine de l’âme chez les Pères anténicéens, qu’il est nécessaire d’insister et de mettre les textes sous les yeux du lecteur. Tous ceux qui s’intéressent aux origines et à l’histoire des idées comprendront qu’on fasse la part très grande à ces premiers essais tentés pour exprimer ou pour expliquer les croyances chrétiennes.

I. Comment se posait la question.

La question parmi les philosophes païens.

Quand parut le christianisme, une grande incertitude régnait dans les questions de l’âme. A la base, absence de toute idée claire sur la création, et partant sur l’origine de l’âme : on est dualiste, matérialiste, panthéiste ; la vraie explication reste inconnue. Privée de cette lumière, la science de l’âme ne pouvait se constituer. La notion du spirituel s’était obscurcie de nouveau après Aristote et Platon ; les doctrines les plus diverses se mêlaient dans un amalgame confus. ^Pux 1 !’âme, principe de vie, et nve-jixa, esprit, ne présentaient rien de net à la pensée. Tandis que les épicuriens restent grossièrement matérialistes, les stoïciens font du monde un animal immense animé par Dieu même ; chaque âme est une parcelle de cette âme divine ; par une curieuse confusion entre l’image et l’idée, on lui attribue par l’imagination les propriétés du souflle matériel, mais, par la pensée, on spiritualise ce souflle, et ainsi, sans paraitre s’en douter, on donne à une même substance les propriétés incompatibles de la matière et de l’esprit. Les platoniciens — dans la mesure où il y en avait — mêlaient également âme et corps en niant qu’il y eût âme sans corps, ni corps sans âme ; ils regardaient l’âme comme immortelle, mais aussi comme incréée ; ils en faisaient une parcelle de Dieu. Sur la distinction entre l’âme de l’homme et celle des bêtes, sur l’unité d’âme en l’homme, sur le rapport du uveOu-a à la’(/uyri dans chaque homme et sur celui de l’âme individuelle à l’âme du monde, sur la nature et l’origine du composé humain, rien que des notions confuses et indécises. Un chaos d’où sortiront bientôt les systèmes gnostiques et le néo-platonisme. Les premiers Pères n’arriveront pas tous à se débarrasser de ces vues incohérentes : Tatien se brouillera dans la théorie de son jivî’ju.a ; Tertullien continuera de dire que l’âme est corps, ce qui n’est pas corps n’étant rien ; Clément se perdra à distinguer les diverses âmes ou parties de l’âme. Ils affirmeront le dogme en ses points essentiels ; ils ne sauront le philosopher qu’avec leurs idées confuses de philosophes.

Il suffit de rappeler les expositions de Lucrèce, de Virgile, de Sénéque, d’Epictète. Les Pères eux-mêmes nous renseignent très bien à ce sujet. Voir notamment Justin, Clément, Tertullien, Origène, Nemesios. On peut consulter aussi, outre les histoires de la philosophie : J. Simon, L’école d’Alexandrie, Paris, 1845 ; H. Siebeck, Gescliichte der Psychologie, Gotha, 1884 sq. ; Chaignet, La psychologie des Grecs, t. m-v, Paris, 1890,’1893.

La question pour les premiers chrétiens.Épitre à Diognète.

En face des incertitudes et des erreurs païennes sur les questions de l’âme, l’Écriture et, à défaut d’enseignement exprès sur ce point, les exigences logiques de la doctrine révélée offraient aux premiers chrétiens une lumière sûre pour guider, à l’occasion, leurs recherches ultérieures. D’autre part, quelques-uns des dogmes chrétiens, celui du péché originel surtout et de la prédestination, l’insistance de saint Paul sur la servitude du péché, sur la lutte intime entre la chair et l’esprit, sur la distinction entre les charnels et les spirituels, sur notre vie supérieure par l’Esprit-Saint, tout cela soulevait des problèmes difficiles sur la liberté humaine, sur l’origine de l’âme, sur son unité dans chaque homme ; tout cela remettait les chercheurs en face des questions agitées dans les écoles philosophiques et devait suggérer sur plus d’un point à des esprits imbus des opinions platoniciennes des solutions analogues à celles de Platon et de ses disciples. Tant qu’on se contentait d’affirmer les vérités pratiques, tant qu’on catéchisait sans philosopher, l’enseignement était sûr et net ; la difficulté commençait avec l’explication philosophique. Un passage célèbre de l’épître à Diognète est instructif à cet égard. Que cette pièce mystérieuse soit ou non des tout premiers siècles, peu importe ici : elle reflète certainement les idées depuis longtemps courantes, car ces idées sont ici supposées. L’auteur, pour montrer ce que sont les chrétiens pour le monde, part de ce qu’est l’âme pour le corps. Je cite les premiers termes du parallèle : « L’âme est répandue par tous les membres du corps… L’âme demeure dan6 le corps, mais elle n’est pas du corps… L’âme est contenue invisible dans le corps visible… La chair poursuit l’âme, la hait, lui fait la guerre, sans en être injustement traitée, mais étant seulement empêchée de satisfaire ses convoitises… L’âme au contraire aime le corps et les membres, quoique haïe elle-même… L’âme est, il est vrai, enfermée dans le corps, mais c’est elle qui donne au corps son unité consistante… L’âme immortelle habite dans une tente mortelle… L’âme, mal traitée à l’égard du boire et du manger, s’en trouve d’autant mieux… » P. G., t. ii, col. 1176. Cf. Funk, Opéra Patrum apostolicorum, 1. 1, p. 319, Tubingue, 1887.

II. Saint Justin.

Ni l’inquiétude philosophique, ni les exigences de la lutte contre les gnostiques ne pouvaient se contenter de cette simple affirmation de la vérité. Justin ouvre la voie. Lui-même a mis en face, en rapportant son entretien avec le mystérieux vieillard qu’il rencontra au bord de la mer, ses doctrines de platonicien, avec leurs incertitudes, et « la vérité » que le christianisme lui apporte. Le philosophe admet nettement une âme spirituelle, capable, selon lui, de voir la divinité, l’immatériel. Dial., iv, P. G., t. VI, col. 481-48L S’il la croit de même nature que celle « du cheval et celle de l’âne », c’est qu’il regarde celles-ci comme spirituelles aussi ; c’est le corps qui les rend pour le moment incapables de toute opération spirituelle, ibid. ; celui de l’homme est bien un embarras aussi, pas au point cependant de rendre impossible toute vision de Dieu. Ibid., col. 485. Cette âme a une certaine parenté avec la divinité, et non pas purement morale, car « elle est divine et immortelle, partie de cet esprit royal », ibid., col. 484, dont Platon avait parlé et dont pariaient aussi les gnostiques. Sur l’origine de cette âme et sur son