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AME DANS LA SAINTE ECRITURE

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de l’âme.
II. Nature de l’âme.
III. Psychologie biblique.
IV. Unité de l’âme.
V. Origine de l’âme.
VI. Résumé.

Je ne ferai guère que résumer l’article Ame de M. Vacant dans le Dictionnaire de la Bible, avec les modifications réclamées par la différence des points de vue ; et je me contenterai de relever les données principales sans essayer de suivre le développement historique.

I. Dénominations de l’ame.

Il y a quatre mots dans la Bible pour désigner l’âme, les trois premiers {néfés, neëàmâh, rûâh) dus à l’analogie du souflle (vent ou souflle vital), le quatrième (leb) étant le nom de l’organe auquel on rapportait vaguement la vie intime de sentiment, de passion, de pensée. Néfés est d’ordinaire rendu en grec par tyv~/r[, en latin par anima ; il s’applique à l’animal comme à l’homme : c’est la vie et le principe de vie, et comme tel il a son siège dans le sang et meurt ; c’est aussi le principe commun des sentiments et des passions, des pensées et de la science ; c’est enfin l’être animé tout entier, homme ou bête, et le mot en vient par là jusqu’à s’appliquer au cadavre ou jusqu’à faire fonction de simple pronom réfléchi, — Nesdmâh est ordinairement tivovï en grec, spiracidum, halilus, spiritus en latin ; les emplois sont analogues à ceux de néfés : souflle vital, vie et principe de vie, principe du sentiment, être animé. — Rùàh, d’ordinaire uveOu. a, spiritus, est tantôt le vent, tantôt le souflle respiratoire (d’où les sens dérivés : vie animale et son principe, principe des passions ou des résolutions, principe de l’intelligence et de la sagesse), tantôt l’esprit de Dieu, agissant au dehors pour donner la sagesse et l’habileté, ou aussi pour punir. — Lêb (xapôt’oc, cor) signifie le cœur, €t par suite le principe des sentiments, des pensées, des résolutions.

Parfois néfés et rùàh sont opposés entre eux : néfés alors s’applique aux bêtes, rùàh à l’homme ; rùàh d’ailleurs ne se dit pas pour l’âme des bêtes (sauf l’exception célèbre, Eccl., ni, 21).

Dans les originaux grecs, les mots <{/u-/r’, xapSt’a, jrvE-jiia ont même sens que dans les Septante. Il faut noter seulement l’emploi plus fréquent de >y/r pour désigner l’âme des morts, l’âme séparée ; noter aussi l’emploi spécial de 7tve-jtj.a pour les dons surnaturels : d’où l’opposition entre l’homme naturel, < ! /u-/tx<51 ; (animalis homo), et l’homme spirituel, uvsufjiaxtxô ; , si fréquente dans saint Paul, et que Tertullien, entre autres, tournera contre les catholiques ; d’où encore, chez saint Paul, l’emploi du mot pneumatique pour distinguer le corps des élus, spirilualisé dans la résurrection, du corps psychique ou animal que nous avons ici-bas. — Enlin, les originaux grecs nous offrent le mot voO ; , principe pensant (en latin sensus ou intellectus), mot sans équivalent en hébreu, mais dont les Septante s’étaient servis parfois pour traduire lêb ou rùàh. En somme, le sens et l’emploi des mots qui désignent l’âme dans la Bible restent vagues, et on ne saurait en tirer — à ne regarder que cela — de notions précises sur les doctrines.

II. Nature de l’ame.

La Bible enseigne ou suppose à chaque instant la distinction de.l’âme et du corps. Diversité d’origine : le corps est formé du limon de la terre, et il est animé par le souflle divin, Gen., ii, 7 ; séparation à la mort : le corps retourne à la terre d’où il vient, l’âme remonte à Dieu qui l’a donnée, Gen., xxxv, 19 ; Ps. ciii, 29 ; Eccl., xii, 7 ; l’âme est dépouillée du corps comme d’un vêtement, Is., lui, 12 ; Job., iv, 19 ; II Cor., v, 2 ; résurrection par le retour de lame dans le corps, Ezech., xxxvii ; Luc, viii, 55 ; opposition fréquente entre les termes, bâsdr d’un côté, leb ou néféè de l’autre. Job, xiv, 22 ; Ps. xv, 9. Enseigne-t-elle la spiritualité de l’âme ? Oui, en termes équivalents ; car elle reconnaît en l’homme l’intelligence, la liberté, la survivance au corps ; elle distingue l’homme des béte6, opposant son âme (rûâh.) qui monte au ciel, à la leur (néfés) qui retourne en terre, Eccl., xii, 7 ; montrant l’homme roi de la création, Gen., i, 26, un peu au-dessous des anges, Ps. VIII, sans qu’il puisse trouver parmi les animaux aucun aide semblable à lui. Gen., ii, 20. Enlin, ce qui est, à cet égard, plus expressif peut-être que tout le reste, elle le montre, seul dans ce monde visible, fait à l’image et ressemblance de Dieu, Gen., i, 26, grâce évidemment au souflle dont Dieu lui-même anima le limon, Gen., il, 7 ; que cette ressemblance soit entendue comme naturelle ou surnaturelle, elle emporte la spiritualité.

III. Psychologie biblique.

Rien d’ailleurs dans la Bible qui ressemble à un traité de psychologie. Nulle distinction entre l’âme et ses diverses puissances, nulle distinction des puissances entre elles, nulle analyse enfin des différents actes pour les grouper ou les distinguer, pour en montrer les nuances délicates : les pensées, les sentiments, les passions, comme la vie même du corps, sont vaguement rapportés à l’âme comme à leur principe ou à leur siège ; les faits intimes, tant de connaissance que d’amour, tant d’ordre moral que d’ordre physique, se passent dans le cœur, sont des actes du cœur ; les idées de connaissance se mêlent avec celles d’amour : le Seigneur connaît la voie des justes, l’époux de la parabole ignore les vierges folles ; les actes extérieurs sont pris pour la mesure des actes intérieurs : si Dieu frappe, il est irrité ; s’il punit, il hait et se venge ; s’il n’agit pas, il dort ; ne pas exaucer, c’est ne pas entendre ; laisser ses parents pour Dieu, c’est les haïr. Les originaux grecs, à cet égard, se distinguent à peine des écrits hébraïques : ils habillent de grec la psychologie juive — sauf exceptions cependant, comme l’adoption des quatre vertus cardinales dans le livre de la Sagesse, viii, 7. Tout cela évidemment est en dehors de toute doctrine psychologique. Partout le langage courant est plein de ces locutions, et nous les employons en français, partie sous l’inlluence biblique, partie comme expression spontanée d’une analyse psychologique toute rudimentaire.

IV. Unité de l’ame.

Sur l’unité d’âme dans l’homme, que dit la Bible ? Au premier aspect, bien des textes sembleraient favorables à une distinction entre le principe de vie et le principe pensant. Nombre d’hérétiques, gnostiques, montanistes, manichéens, apollinaristes, ont cru l’y trouver ; quelques Pères ont penché vers la même opinion, et Joseph de Maistre inclinait à voir dans le récit de la création de l’homme un appui pour les doctrines de Barthez. En fait, l’âme, principe de vie corporelle, est d’ordinaire appelée néfés, et l’âme, principe de vie spirituelle, rùàh. Le cantique des trois jeunes gens dans la fournaise, Daniel, III, 86, distingue les esprits et les âmes des justes. Saint Paul, en maint endroit, oppose l’esprit à l’âme, et semble les regarder comme distincts. I ïhess., v, 23 ; I Cor., ii, 14 ; xv, 45 ; Heb., iv, 12. Un regard plus attentif donne une vue plus exacte. En prenant dans son ensemble le second récit de la Genèse et en le comparant avec le premier, on arrive à conclure que l’âme, principe de vie, est aussi l’âme pensante qui fait l’homme à l’image de Dieu et qui le dislingue des animaux. Ailleurs, cette âme, principe de vie, néfés, nous est aussi présentée comme principe des opérations spirituelles. Prov., xii, 10 ; Ps. lxxxv, 4 ; ciii, 1, 35 ; Prov., xix, 2 ; Ps. cxxxviii, 14. Quant aux textes qui font difficulté, ils s’expliquent sans peine par le désir de distinguer soit ce que l’on a nommé plus tard la partie supérieure de l’âme et la partie inférieure, la vie de l’esprit et la vie des sens, soit, dans plusieurs passages de saint Paul, la vie naturelle et la vie surnaturelle. De même que l’apôtre ne refuse pas une âme spirituelle à ceux qu’il nomme les psychiques ou les charnels, de même il ne prétend pas donner aux pneumatiques une âme distincte, mais simplement