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AMBROSIEN (RIT)

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ou peut nous donner un texte ancien du canon romain. Mais cela n’est qu’une conjecture. La seule notion sûre, c’est que le canon ambrosien n’est pas pur et primitif. On ne peut donc l’alléguer comme témoin dogmatique que pour la date des manuscrits qui nous en ont conservé le texte. Cette appréciation va se préciser et se justifier par les considérations suivantes.

2° Ressemblances de la messe ambrosiennè avec la messe romaine et la messe gallicane. — Dans l’état que nous présentent les documents, la messe ambrosiennè est un mélange de cérémonies propres aux rits romain et gallican.

Parmi les traits communs avec la liturgie romaine ou inspirés par elle, il faut mentionner : le salut du commencement de la messe avec la formule Dominus vobiscum (et non Dominus sit semper vobiscum) ; le Gloria in excelsis ; la préparation de l’oblation et l’offrande après l’évangile ; la teneur du canon ; la fraction du pain suivie immédiatement de la commixtion (ordre établi à Rome par Grégoire le Grand).

Il y a des « gallicanismes » évidents dans l’office ambrosien du jeudi saint et du samedi saint. Le jeudi saint, après le récit de l’institution de l’eucharistie, au lieu des prières du canon romain Unde et memores, jusqu’à Nobis quoque inclusivement, on lisait une formule d’épiclèse : Hsec facimus, liœc celebranius, tua, Domine, præcepla servantes et ad communionem inviolabilem hoc ipsuni quod corpus Domini sumimus morlem dominicam.nunliamus. Muratori, Lit. Rom. vêtus, t. i, p. 133. Cette formule est le pendant de la collecte Post pridie des sacramentaires gallicans. A la messe du samedi saint, une formule également unique reliait directement au Sanctus le commencement du récit de l’institution : Vere sanctus (début commun aux liturgies orientales et gallicanes), vere benedictus dominus noster Iesus Christus, filius tuus. Qui cum Deus esset maiestatis descendit de aelo, formant servi qui primus percerai suscepit et sponte pati dignalus est ut eum quem ipse fecerat liberaret. Vnde et hoc paschale sarri/icium tibi offerimus pro his quos ex aqua et Spiritu sancti) regenerare dignatus es, dans eis remissionem omnium peccatorum, ut invenires eos in Christo Iesu domino nostro ; pro quibus tibi, Domine, supplices fundimus preces ut nomina eorum pariterque famuli tui imperatoris scripla habeas in libro viventium. Per Christum dominum nostrum, qui pridie… Duchesne, Origines du culte, p. 20Ô-206. Si l’on réunit ces deux particularités, on a un type de messe sans canon ; c’est précisément le type gallican. Il y a de plus, au jeudi saint, un autre témoin de cet état primitif de la messe milanaise, de sorte qu’à lui seul l’office de ce jour suffirait pour nous reporter à un temps où le canon romain ne faisait pas partie du service. Dans plusieurs manuscrits, on a avant le récit de l’institution de l’eucharistie une formule : Tu nos, Domine, participes Filii tui…, publiée par Gerbert, 1. 1, p. 73, Pamelius, 1. 1, p. 339, Muratori, P. L., t. lxxiv, col. 943. Cette pièce n’est qu’un Post Sanctus gallican, équivalent du Vere sanctus cité plus haut. Mais quand on voulut la conserver après l’adoption du canon romain, on hésita et on l’intercala tantôt à l’intérieur du Communicantes, tantôt après le Communicantes immédiatement avant liane igitur. Ces hésitations suffisent à dénoncer la combinaison. Cf. Paléographie musicale, t. v, avant-propos, p. 63 sp.

Le jour de Pâques, le missel ambrosien présente le prologue gallican du Pater : Divino magisterio edocti et salutaribus monilis insliluti audemm dice.re.

Voici encore un certain nombre de détails communs aux rits ambrosien et gallican : le triple chant du Kyrie eleison, sans lien avec la litanie diaconale (cependant il faut reconnaître que le chant du Kyrie est, semble-t-il, plus ancien à Rome et à Milan qu’en Gaule : concile de Vaison, c. ni) ; l’hymne des trois

jeunes gens dans la fournaise, exécuté à certains jours avant l’Évangile ; la récitation des diptyques, avant la préface (lettre de saint Innocent à Decentius), disparue de bonne heure par suite de l’adoption du canon romain ; la récitation du Pater après la fraction du pain ; la bénédiction solennelle d’avant la communion, si caractéristique de la messe gallicane. Pour d’autres points, nous n’avons que des débris ou des amorces de l’ancien ordo de la messe milanaise. 1° Un trait gallican nous a été conservé dans une rubrique du sacramentaire de Bobbio : la Collectio post Prophetiam. On entendait par Prophetia le cantique Benedictus Dominus Israël, exécuté après le Kyrie dans la liturgie gallicane ; il a disparu de la liturgie ambrosiennè en laissant ce souvenir. 2° La leçon prophétique ne se rencontre plus aujourd’hui qu’aux messes du carême, du saint sacrement, d’après la Pentecôte ; à Pâques, à l’Ascension et à la Pentecôte, elle est remplacée par une lecture des Actes. On avait encore l’habitude au XIe siècle de lire les Gesta sanctorum à la messe des fêtes de saints, transformation de la leçon prophétique entièrement perdue plus tard. Cf. lettres de Paul et Gebebard, Mabillon, Musseum italicum, I, ii, p. 97. Cette lecture des Gesta aux messes des saints est elle-même un trait gallican. Paléographie musicale, t. v, avant-propos, p. 186-187. 3° A Milan, le baiser de paix était placé autrefois après VOrat io super sindonem, prière du voile, équivalent de la secrète romaine. Cette place du baiser de paix est ancienne, puisque Innocent se plaint à Decentius, en 416, de ce qu’on le donne avant la consécration, ante confecla mysteria. Le diacre disait : Pacem habete. Erigile vos ad orationem : on répondait : Ad te Domine, réponse semblable à celle des liturgies grecques : Doî, KOpie. Dans la liturgie gallicane, le baiser de paix a lieu après la lecture des diptyques et la collecte « post nomina ». On sait qu’il se donne dans la liturgie romaine avant la communion. Aujourd’hui encore, le diacre chante avant YOratio super sindonem : Pacem habete, et l’on répond comme plus haut, tandis que le baiser de paix se donne après le Pater. La formule mutilée est restée, sans le rit correspondant. 4° On sait que dans la liturgie romaine, la prière des fidèles, qui avait lieu après l’évangile, a entièrement disparu, de sorte qu’une invitation à prier, Oremus, reste sans réponse. Dans le rit gallican, cette prière existe et commence par une litanie diaconale. A Milan, il n’en subsiste que des restes : 1. après l’évangile de toutes les messes, la triple invocation Kyrie eleison ; 2. la litanie des dimanches de carême, mais transportée au commencement de la messe.

Ainsi, quand on sépare les deux espèces d’éléments, la partie gallicane se révèle à nous comme primitive. C’est la qu’on retrouve des perturbations, des coupures, des traces d’arrachement. La messe ambrosiennè est une messe gallicane romanisée. Cette transformation est ancienne. Elle est antérieure à nos plus anciens documents qui sont du v siècle. Elle a dû se faire progressivement. M. Duchesne, Origi>tes du culte, p. 81, conjecture que le temps de la plus grande influence romaine doit être celui de la retraite de l’archevêque de Milan à Gênes, entre le temps de l’invasion lombarde (.">70) et la prise de Gênes par Rotharis (61l) ; c’est le temps du pontificat de Grégoire le Grand.

V. L’OFFICE iiivin. — L’office, tel que nous le fait entrevoir l’antiphonaire, comportait, à matines, des stations à l’oratoire de la Croix et au baptistère, à vêpres, une station au baptistère. Voici la disposition des pièces de chant pour les matines d’un dimanche de l’A vent : l’tj. post hyninuni, trois antiennes, ad lectiones il. I et 2 ; ant. ad cant. « Cantemus Domino », ant. in « Benedictus », ant. in « Laudate », Capitulum, Psallenda in baptisterio, lî). in bapt., ant. Psall. in alio. Les veilles de fêtes se passaient presque tout entières m chants et en lectures. Ainsi le (i « dimanche de l’Avent, consacré à la Vierge,