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AMBITION — AMBROISE (SAINT)


l’honneur d’une manière déréglée, soit qu’on ne le mérite pas, soit qu’on ne le rapporte pas à Dieu, mais uniquement à son avantage personnel. » Et saint Thomas écrit dans le corps de l’article en question : « Le désir des honneurs peut être déréglé de trois manières : 1. en ce que l’on désire qu’il soit rendu témoignage à une supériorité qu’on n’a pas, ce qui est rechercher les honneurs au delà de ses moyens ; 2. en ce que l’on désire les honneurs pour soi sans les rapporter à Dieu ; 3. en ce que l’on s’arrête à la jouissance des honneurs eux-mêmes, sans les faire servir à l’avantage des autres. »

II. Moralité.

Mettons de suite hors de cause l’ambition entendue dans le sens large. Non seulement elle n’est pas péché, mais elle est souvent méritoire. « Je sais, dit Massillon, Sermon sur les tentations des grands, Œuvres complètes, Bar-le-Duc, 1871, t. I, p. 26, qu’il y a une noble émulation qui mène à la gloire par le devoir… C’est elle qui donne aux empires des citoyens illustres, des ministres sages et laborieux, de vaillants généraux, des auteurs célèbres, des princes dignes des louanges de la postérité. La piété véritable n’est pas une profession de pusillanimité et de paresse : la religion n’abat et n’amollit point le cœur ; elle l’ennoblit et l’élève… Le citoyen inutile n’est pas moins proscrit par l’Évangile que par la société. » L’ambition ainsi comprise n’est autre chose que la vertu définie et étudiée par saint Thomas, sous le nom de magnanimité. Sum. theol., II* II*, q. cxxix.

Mais que penser de l’ambition entendue dans le sens restreint et proprement théologique du mot ? — « L’ambition, écrit le docteur angélique, loc. cit., q. cxxxi, a. 1, impliquant un désir déréglé des honneurs, il s’ensuit évidemment qu’elle est toujours un péché. » De quelle nature ? On classe généralement ce péché parmi ceux qu’on appelle « les filles de l’orgueil », c’est-à-dire qui dérivent du premier des péchés capitaux. « Les filles de l’orgueil, lisons-nous dans saint Liguori, 771eoio< ; ia moralis, 1. II, n. 66, Paris, 1884, t. i, p. 258, sont la présomption, l’ambition, la vaine gloire. » Ainsi classée, l’ambition est opposée, comme l’orgueil, à la vertu cardinale de tempérance. — A un autre point de vue, qui est celui de saint Thomas, on la trouve opposée à la vertu cardinale de force. Voici comment : « L’ambition, dit le saint docteur, est opposée à la magnanimité. Nous avons dit, en effet, que l’ambition implique un désir déréglé de l’honneur. Or, la magnanimité a pour objet les honneurs, et en use comme il convient. Il est donc évident que l’ambition s’oppose à la magnanimité, comme ce qui est déréglé à ce qui est réglé. » Sum. theol., IIa-IIæ, q. cxxxi, a. 2. Nous savons d’autre part que la magnanimité n’est qu’une partie intégrante, nous pouvons dire une des formes, de la vertu de force. Donc l’ambition est opposée à la force.

Quelle est la gravité du péché d’ambition ? Voici la réponse du savant Busenbaum, Medulla theologise moralis, 1. V, c. iii, Bruxelles, 1661, p. 527, adoptée et reproduite sans commentaire par saint Liguori, Theol. mor., 1. 1.1, n. 66, 2°, et par Ballerini, Opus theologicum morale, Prato, 1889, t. I, p. 571 : « L’ambition est un péché véniel de sa nature ; mais il peut devenir mortel, ou en raison des dignités qu’on poursuit, ou en raison des moyens qu’on emploie pour arriver aux honneurs, ou en raison enfin du dommage qui est causé à autrui. » Exprimons la même idée sous une autre forme : Les péchés d’ambition ne peuvent être déclarés d’une manière générale et a priori mortels ou véniels. Ils seront graves ou non, selon les cas. Chaque cas doit être apprécié en particulier en raison des circonstances complexes qui le constituent et lui donnent son caractère moral.

Cf. les ouvrages cités dans l’article. De plus : J. Busée, Panariumseu Summa rcmediorum spiritualium, Paris, 1894, t. I, p. 11-20 ; Bossuet, Sermon sur l’ambition, Œuvres com plètes, Bar-le-Duc, 1879, t. iiv p. 533 ; Bourdaloue, Sermon sur l’cimbition, Œuvres complètes, Bar-le-Duc, 1871, t. ii, p. 342 ; Massillon, Sermon sur les tentations des grands, (Eûmes complètes, Bar-le-Duc, 1871, t. I, p. 26.

A. Beignet.

I. AMBROISE (Saint). _ I. Vie. II. Écrits. III. Doctrine.

I. Vie.

Ambroise naquit vers 3’10, d’une race illustre et chrétienne, probablement à Trêves, où son père était préfet du prétoire pour les Gaules. Une sœur, Marcelline, qui devait recevoir le voile des mains du pape Libère, et un frère, Satyre, l’avaient précédé. Après la mort prématurée de son père, conduit à Borne par sa pieuse mère, il y reçut une forte culture littéraire et juridique ; en 374, ses rares talents le firent désigner à Valentinien I er pour le gouvernement de l’Emilie et de la Ligurie dont Milan était la capitale. L’évêque légitime de Milan, saint Denis, était mort en exil, et l’intrus arien Auxence, qui venait de mourir, avait, durant près de vingt ans, opprimé les catholiques. Survenant, comme un pacificateur, dans une élection épiscopale que des divergences tumultueuses rendaient difficile, Ambroise, quoique simple catéchumène, fut acclamé évêque et, malgré ses résistances, ne put se dérober à une charge aussi lourde qu’imprévue. Devenu chrétien et évéque, il s’initia par une étude incessante et approfondie à la doctrine qu’il avait mission d’enseigner, se dépouilla au profit des pauvres de son riche patrimoine, racheta les captifs en vendant les vases de son église, etse fit l’homme de tous. Son éloquence captivait la foule, attira Augustin et dissipa les derniers doutes du futur évêque d’Hippone. S. Augustin, Confession., 1. V, c. xiii ; 1. VI, c. m. IV ; De utilitate credendi, c. VIII, P. L., t. xxxii, col. 717, 720, 721, 722 ; t. xlii, col. 79. L’action d’Ambroise s’exerçait bien au delà de sa ville épiscopale. Défenseur en Occident de la doctrine orthodoxe, il assiste au concile d’Aquilée (381) où furent déposés les évêques ariens Palladius et Secundianus ; il préside, en 381 ou en 382, un concile des évêques du vicariat d’Italie qui condamna l’apollinarisme ; il se rencontre avec saint Épiphane de Salamine et Paulin d’Antioche au concile romain de 382, et dans les Actes il est nommé le premier après le pape saint Damase. En 390, Ambroise tient à Milan contre Jovinien un concile où la sentence portée l’année précédente par les évêques des Gaules contre les ithaciens fut confirmée. Écouté de Valentinien I er, Ambroise le fut surtout de Gratien et ensuite de Valentinien II. La mère de ce prince, l’arienne Justine, rencontra dans l’évêque de Milan un adversaire inilexible ; Ambroise refuse deux fois à l’impératrice la basilique Porcia et, à défaut de celle-ci, la basilique neuve qu’elle exigeait pour les ariens (385 et 386) ; il s’oppose à la loi qui rendait la liberté aux adhérents du concile de Bimini, et interdisait, sous peine de mort, aux catholiques toute résistance ; il brave les menaces d’exil et récuse les juges qu’on voulait lui donner ; il subit enfin des tentatives d’assassinat. Epist., xx, xxi, P. L., t. xvi, col. 9941002, 1002-1018 ; VitaS-AmbrosHaPaulinoconscripia, n. 20, P. L., t. xiv, col. 33, 34. Ambroise cependant était déjà allé défendre à Trêves, auprès de l’usurpateur Maxime, meurtrier de Gratien, les intérêts du jeune Valentinien (383) ; en 387, il tenta une seconde démarche, qui n’arrêta point Maxime sur le chemin de l’Italie. Après la mort de sa mère, Valentinien. irrévocablement gagné à la cause de l’orthodoxie, suivit la direction d’Àmbroise, notamment en s’opposant au rétablissement de la statue de la Victoire dans le Sénat. Étouffé par ordre du Goth Arbogaste (392), Valentinien II laissa seul maître de l’empire Théodose, son puissant associé. Ambroise fut l’ami de Théodose, mais un ami qui ne se tut et ne faiblit jamais. En 388, il l’avait décidé à retirer un édit qui ordonnait aux chrétiens de Callinique, en. Mésopotamie, de rebâtir une synagogue. Epist., xii, P. L.,