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ALPHONSE DE LIGUORI — ALPHONSE DE SAINT-VICTOR

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devoir. Amour et prière, voilà les deux pivots du système de saint Alphonse. Prière pour attirer Dieu en nous, amour pour nous donner à Dieu. Essayons de donner une rapide synthèse des pensées développées dans les livres ascétiques du saint docteur.

L’homme est créé pour être uni à Dieu par la charité. Cette union, commencée dans le temps, est consommée dans l’éternité. Dieu y trouve sa gloire et l’homme son bonheur. La charité s’alimente par la considération des bienfaits de Dieu, surtout dans le mystère de notre rédemption ; elle est active, et la règle de son activité est la volonté de Dieu. Cet adorable Maître nous demande un double effort : lutte contre les mauvais instincts de la nature, et accomplissement positif de ses préceptes ; deux mots résument cette exigence : agir et soulfrir. L’homme ne saurait faire convenablement ni l’un ni l’autre sans la grâce divine, et cette grâce ne s’obtient que par la prière ; mais elle est accordée infailliblement à la prière humble et persévérante. Marie est la grande distributrice des grâces ; à elle donc nos prières assidues. Saint Alphonse est l’apôtre de la prière, elle est nécessaire, nous dit-il, â la vie de l’âme, comme la respiration est nécessaire à la vie du corps ; celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne.

C’est ici, croyons-nous, le lieu de signaler un éloge particulier donné par l’Église à saint Alphonse. Dans le décret du doctorat, elle lui attribue en grande partie la destruction du jansénisme. Dans sa Théologie morale, il trace aux confesseurs des règles parfaitement sages qui enlèvent à la confession le caractère odieux que les jansénistes lui avaient donné. Dans sa Théologie dogmatique, il fait voir la possibilité d’accomplir les préceptes les plus difficiles avec l’assistance de la grâce divine accordée à la prière dont les mêmes sectaires ne voulaient pas entendre parler. Par ses ouvrages ascétiques, il ajoute dans les âmes la crainte filiale à la crainte servile, il les soulève par la confiance, les anime par la charité et leur fait produire des fruits de vertus. On sait combien ces sentiments faisaient horreur aux jansénistes. Aussi, ne croyons-nous pas téméraire de dire que saint Alphonse peut être appelé, d’après une locution antique, le marteau du jansénisme.

Il serait difficile de se faire une idée de la diffusion des écrits ascétiques de notre saint. Les édilions s’en sont multipliées à tel point qu’il serait trop long de les signaler. Qu’il nous suffise de renvoyer à la statistique (aujourd’hui fort incomplète) insérée dans les Actes du doctorat. L’Imitation seule peut revendiquer un pareil succès. Une récente publication, faite à l’occasion du premier centenaire de la mort de saint Alphonse, est venue accroître le trésor que nous a légué sa plume : ce sont les Lettres du saint, 3 vol. in-8°, Tournai, 1887. On y trouve des détails intéressants sur ses dispositions d’âme, des directions spirituelles d’une grande utilité et des renseignements précieux pour l’intelligence de son système moral. Un vulgarisateur des doctrines ascétiques de notre saint mérite d’être signalé, c’est le Père Saint-Omer. Se contentant d’exploiter ses écrits, il a publié : Le Sacré-Cantr de Jésus ; Le très saint Cœur de Marie ; La pratique de la perfection chrétienne ; Les plus belles prières de saint Alplionse, et plusieurs autres opuscules. Un autre fils du saint docteur a voulu réduire en une vaste synthèse la doctrine pastorale de son bienheureux Père ; elle se trouve formulée dans le remarquable, très original et non moins savant ouvrage : La charité sacerdotale, ou leçons élémentaires de théologie pastorale, par le T. R. P. Achille Desurmont, 2 vol. in-8°, Paris, 1899.

Les œuvres complètes de saint Alphonse forment une bibliothèque bien assortie des sciences ecclésiastiques ; morale et pastorale, histoire et dogme, ascétisme et mysticisme : rien n’y manque de ce qui doit former le pasteur des âmes. Peu de collections offrent au prêtre la même utilité. L’Église n’a cessé de recommander ces ouvrages depuis la mort du saint ; pas un seul pape qui n’ait apporté le tribut de ses éloges, tous ont célébré à l’envi la haute sagesse et la parfaite discrétion de ses écrits, ainsi que leur singulière efficacité pour enflammer les âmes de l’amour de Dieu. Voir dans les Vindicix alphonsianee : Jydicia et testimonia, S. Sedis.

IV. éditions et traductions. —

Sur les éditions parues du vivant de l’auteur, on consultera avec intérêt l’étude du professeur Candido Roinano, Délie opère di S. Alfonso M. de Liguori ; saggio storico, 1 voj. in-8°, Rome, 1896. Les principales de celles qu’on a publiées après sa mort sont en italien, celles de Naples, 1840, de Venise, 1830, de Monza, 1819, et de Turin, 1824.

Les ouvrages écrits en italien furent traduits en bon nombre de langues étrangères. Citons la traduction française par les abbés Vidal, Delalé et Bousquet, Paris, 1842, celle des Pères Dujardin et Jules Jacques, Tournai, 1856, et une autre encore, inachevée, parle Père Pladys. Nous avons une traduction allemande par les Pères Hugues et Haringer, Ratisbonne, 1840 sq. (elle a subi d’heureuses retouches dans une récente édition, 1869) ; deux traductions anglaises, une en Angleterre, Londres, 1862 sq., par les soins du R. P. Coffin, que la mort n’a pas laissé achever son œuvre ; l’autre, en Amérique, rapidement menée à bon terme, par le R. P. Grimm, Baltimore, 1887 sq. ; une traduction hollandaise, el une flamande, Tuynhout. Quelques livres, d’une utilité plus immédiate, ont été traduits dans des idiomes orientaux.

Il existe bon nombre de biographies de notre saint. Nous mentionnons les plus importantes : Mémoires sur la vie et l’institut de saint Alphonse de Liguori, par le R. P. Tannoja, 3 vol. in-8° Naples, 1793-1802. C’est la première source à laquelle il faudra toujours revenir. Vie de saint Alphonse de Liguori, par Jeancard, l vol. in-12, Lyon, 1855, 3’édit. C’est un résumé français do Tannoja qui a beaucoup contribué à faire connaître le saint docteur en deçà des Alpes, il a été traduit en plusieurs langues. Via et Institut de saint Alphonse de Liguori, 4 vol. in-8° Tournai, 1863, par le cardinal Clément Villecourt. C’est la vie la plus développée qui ait été écrite en français. Leben des heiligen Alphons, Ratisbonne, 1887, 2 vol. in-8° par le R. P. Dilgski’on : l’auteur est le premier qui a pu profiter de documents inédits. Histoire de saint Alphonse de Liguori, publiée sous les auspices de M Dupanloup, 1 vol. in-8° Paris, 1877 : s’adresse surtout aux gens du monde. Vie de saint Alphonse de Liguori, docteur de l’Église (titre en italien), par le cardinal Alphonse de Capecelatro, archevêque de Capoue. Cet ouvrage a été traduit en français par M. Le Monnier, 2 vol. in-8° Rruges, 1805 ; il fait bien connaître le cadre historique dans lequel le saint agit. Saint Alphonse de Liguori, par le R. P. Berthe, 2 vol. in-8° Paris, 1900. C’est, croyons-nous, la vie définitive du saint docteur.

J. Kannengieser.



7. ALPHONSE DE SAINT-VICTOR naquit à Bruxelles. Il revint avec sa famille à Burgos (Espagne), ville natale de son père, où il embrassa la vie bénédictine dans l’abbaye de Saint-Jean, de la congrégation de Valladolid. Sa science et sa vertu le firent préposer successivement au gouvernement des abbayes de Burgos, de Salamanque, de Madrid et enfin de toute sa congrégation. Il fut en outre nommé qualificateur du conseil de l’inquisition et prédicateur du roi. Il monta sur le siège épiscopal d’Almeria en 1652, d’où il passa à celui d’Orense (1654) et enfin à celui de Zamora (1659). Son zèle pour le maintien de la discipline ecclésiastique lui attira des épreuves assez pénibles. Il se fit remarquer par l’importance qu’il accordait â tout ce qui concernait le culte divin. Sa mort arriva en 1660.

Alphonse de Saint-Victor «’tait surtout très versé dans la connaissance du droit, île l’ascèse, de l’histoire et des coutumes monastiques. Il a publié un commentaire estimé de la règle de saint Benoît sous ce litre : El sol del Occidente, el gran Padre San Benito, principe de todos los monges, patriarca de todas las Religiones :