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ALLEMAGNE, PUBLICATIONS CATHOLIQUES

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philosophie de Kant, ne sut pas se prémunir contre un rationalisme et un scepticisme qui menaçaient les bases mêmes de la théologie qu’il tentait d’étahlir sur un solide fondement. Gûnther (f 1863), dont les audacieuses spéculations devaient opposer une digue infranchissable au panthéisme hégélien, ne sut pas conserver vis-à-vis de son adversaire toute l’indépendance qu’exigeait la pureté du dogme. Baader (f 1841), l’ennemi juré de cet esprit plat et superficiel qui avait caractérisé l’époque précédente, se perdit dans la théosophie d’un Jacques Bôhme. Ils méconnurent tous trois les grandes traditions de la théologie catholique. Le P. Kleutgen (1811-1883) eut le mérite de remettre celles-ci en lumière dans ses deux importants ouvrages, Die Philosophie der Vorzeit vertheidigt, Munster, 1860-1863 ; Inspruck, 1878, 2 vol. ; Die Théologie der Vorzeit vertheidigt, Munster, 1853-1860, 3 vol. ; 1867-1874, 5 vol. Tout le mouvement du romantisme tournait du reste les esprits vers le glorieux passé du catholicisme. Le réhabiliter dans la science théologique tout en tenant compte des besoins du présent, éviter les excès d’une spéculation trop esclave des systèmes mouvants de la philosophie moderne, tout en justifiant par une profonde compréhension de leur immortelle et féconde vérité les dogmes catholiques en face de la pensée moderne et de l’opposition protestante, faire servir à ce travail de saine spéculation tout ce que l’Écriture sainte, tout ce que la tradition catholique offre d’éléments positifs, étudiés eux-mêmes, enchaînés et groupés d’après les principes de la critique et de la compréhension historique, qui leur convient, sans jamais sacrifier la théologie à l’histoire du dogme, telle était la tâche à remplir par les générations suivantes. Les meilleures forces s’y essayèrent, non sans succès.

Un sensible progrès marque déjà les premières étapes de la théologie contemporaine. La dogmatique de Klee, professeur à Munich (f 1840), parue à Mayence en 1837, par la solidité de son érudition, surtout au point de vue patristique, l’abondance serrée de l’exposition, l’àme profondément croyante qu’elle révèle, la haute idée qu’elle donne du dogme catholique mérite, malgré ses lacunes et ses imperfections de détails, une place d’honneur. F. A. Staudenmaier, professeur à Giessen et à Fribourg (f 1856), l’un des plus spirituels représentants de l’école catholique de Tubingue, tenta une fusion plus intime encore de la théologie dogmatique et de l’histoire du dogme, mais tout en élargissant le cadre de la première, il sut lui donner un caractère éminemment et profondément spéculatif. Suivirent la théologie dogmatique de Kuhn (1806-1887), l’une des figures les plus marquantes de cette même école (t. i, Tubingue, 18461849 ; 1859-1862 ; t. n, 1857 ; t. m, P* part., 1868, restée inachevée) dont les thèses spéculatives sur les rapports de la foi et de la raison, de la grâce et de la nature, donnèrent lieu à d’ardentes controverses, celle de Dieringer, professeur à Bonn, Mayence, 1847, remarquable par sa concision, son esprit systématique et son fini, celles de Friedhoff et de Berlage, professeurs à Munster. Les deux grands ouvrages de Scheeben, Handbuch der katholischen Dogmatik, Fribourg, 1815 sq., t. i-iv (traduit en français par Bélet, 4 vol., Paris, 1880 sq. et continué par Âtzberger, 1899), et de ileinrich, Dogmatisrhe Théologie, Mayence, 1881 sq., t. i-vi (continué par C. Gutberlet, t. vu-vin), se distinguent, le premier par sa tendance à la fois spéculative et mystique, le second par la clarté de l’exposition et la richesse de l’érudition. Scheeben et Ileinrich sont tous deux les représentants d’un néo-scolasticisme tempéré et complété par une étude approfondie de l’Écriture et de la littérature patristique. La dogmatique moins volumineuse du professeur Simar, aujourd’hui archevêque de Cologne, oll’re avec celles de Scheeben et de Ileinrich plus d’un point de contact et forme un excellent manuel (le théologie. Celle d’Oswald, professeur à Braunsberg,

en 9 vol., a un caractère plus populaire et plus pratique. L’élément spéculatif, emprunté en partie à l’arsenal de la philosophie moderne, qu’elle poursuit dans ses errements, prédomine dans la dogmatique du professeur Schell, de Wurzbourg, dont nous aurons sans doute bientôt une seconde édition conforme en tout aux prescriptions de l’Église.

Citons pour terminer les ouvrages en langue latine du P. Franzelin qui, par son origine et le caractère de son esprit et de sa langue, appartient à l’école allemande, surtout son De divina Traditione et Scriptura, 3 « édit., Rome, 1882 ; De Deo trino, 3 e édit., 1881 ; De Deo uno, 3 e édit., 1883, les manuels fort pratiques des P. Jungman et Hurter et du professeur Einig de Trêves et enfin l’œuvre plus étendue, bien conçue et bien documentée du P. Chr. Pesch, Prœlecliones dogmaticx, 9 vol., Fribourg, 1894-1899.

IV. Controverse et apologétique. — 1° Du commencement du xvi° siècle au milieu du xvn ». — Après les premières luttes engagées corps à corps avec les chefs de la réforme par les théologiens catholiques tels que Jean Eck (f 1513), Jean Cochlœus (f 1552), Jean Emser (f 1527), C. Schatzgeier (f 1577), P. Canisius (f 1597), J. Hoffmeister (f 1547) et tant d’autres dont les noms méritent d’être arrachés à l’oubli (cf. Falk et N. Paulus dans le Katholik, 1891, I, p. 440 sq. ; 1892, I, p. 540 sq.), Bellarmin inaugurait par ses Disputationes de controversiis christianse fidei, Rome, 1581, l’ère des grands controversistes de la Compagnie de Jésus. Grégoire de Valentia et Martin Becanus firent entrer en Allemagne la controverse dans une voie méthodique et scientifique. La défense de l’autorité doctrinale de l’Église et plus particulièrement de l’autorité papale devint la base de la polémique contre le protestantisme. Ad. Tanner, Jacq. Gretser(f 1625), Seb. Ileiss(fl614), Jacq. Relier (f 1631), le capucin Valerianus Magni (f 1661), dont le point de départ et la méthode furent en partie différents, les deux convertis Adr. et Pierre de Walenburch, pour ne nommer que les plus connus, marchèrent sur leurs traces. Un autre converti, J. Scheffler (Angélus Silesius f 1677), vint s’adjoindre à eux. L’histoire de la « contreréforme » qui rendit à l’Église une grande partie du terrain conquis par le protestantisme montre toute l’importance de cette lutte où la plus grande et la plus glorieuse part revient aux jésuites.

2° Du milieu du xvip siècle à la fin du xvm e. — Depuis le milieu du xvn° siècle la controverse prend un autre caractère. Les manuels de théologie polémique de Burghaber, Fribourg en Suisse, 1678, de Pichler, Augsbourg, 1713, la Theologia dogmatico-polemica de Sardagna, Batisbonne, 1770, la Theologia polemica de Gazzaniga, Vienne, 1778, sont destinés aux écoles. La théologie polémique devient une partie intégrante de l’enseignement et en revêt les formes méthodiques. La controverse aux allures plus populaires et plus hardies trouve encore un rude et acerbe représentant dans J. N. Weislinger, prêtre séculier de la partie transrhénane du diocèse de Strasbourg ; la controverse aux tendances iréniques est cultivée par Eusèbe Amort.

En 1760 l’abbé Gerbert de Saint-Biaise publie sa Demonstratio verse religionis vermque Ecclesite contra guasvis falsas qui marque le passage de la controverse contre l’orthodoxie protestante à ce que nous sommes convenus d’appeler la théologie apologétique, dirigée contre l’indifférentisme et l’irréligion de la fin du xviik siècle. Déjà dans un travail spécial intitulé’Indifferentismus… le jésuite Biner avait, vers le milieu du xviii c siècle, époque où le philosophisme pénétrait en Allemagne, ouvert la lutte contre « les indilférentistes, 1rs syncrétistes et les libertins ». P. Gazzaniga consacra à la lutte contre le naturalisme, ennemi de la révélation, la première partie de son ouvrage, dont la deuxième s’attaque à l’indifférence dogmatique du protestantisme.