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ALLEMAGNE, PUBLICATIONS CATHOLIQUES

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(† 1177), au xin « Albert le Grand, au xi » Ludolphe le Chartreux († 1344), dont la vie de Jésus fut depuis le XVe siècle plus de trente fois éditée, et enfin au XVe siècle Denys le Chartreux († 1471).

II. Temps modernes. Aperçu général. — Trois graves événements contribuèrent vers la fin du XVe et dans la première moitié du XVIe siècle à imprimer aux sciences sacrées une direction nouvelle, la renaissance des lettres classiques, la réforme protestante, suivie de la conlre-rè forme catholique et l’invention de l’imprimerie.

La Renaissance, en ressuscitant (le mot n’est pas tout à fait exact) l’étude des anciens, devait donner avant tout un nouvel essor aux sciences linguistiques et historiques. Les premiers humanistes allemands, Nicolas de Cuse, Rodolphe Agricola, Al. Hegius, Jacques Wimpheling, Séb. Brant et de concert avec eux les meilleurs théologiens du temps, tels que G. Biel, J. Geiler et J. Trithemius, saluèrent en elle le renouveau des sciences bibliques et patristiques, persuadés qu’une étude plus approfondie des sources de la théologie était l’indispensable condition de son progrès dans l’esprit même de l’Église.

Aussi devons-nous à Trithemius une œuvre patrologique de haute importance, le De scriptoribus ecclesiasticis, et à un certain nombre d’autres humanistes les premières éditions imprimées de Pères grecs et latins. Malheureusement, l’esprit louvoyant, sceptique et frondeur qu’Érasme de Limbourg, l’homme le plus inlluent de son époque, imprima à la jeune école humaniste, devait faire aboutir tout ce beau mouvement à une fatale issue. L’opposition au formalisme exagéré de la scolastique décadente se changea en lutte acharnée contre le scolasticisme en général ; sous prétexte de ramener la théologie à sa source, on ne craignit point d’en altérer la pureté. La réforme ne fit qu’accentuer cette direction anticatholique et, en brisant l’unité religieuse, brisa les liens qui rattachaient la théologie du xvie siècle à son glorieux passé. Un déclin rapide des études théologiques fut le premier effet de la « réforme ». Celle-ci, cependant, avait trop besoin pour se maintenir des armes de la science si dédaigneusement traitée par Luther. L’humaniste Mélanchthon les remit entre ses mains ; il devint, par ses loci communes, le Magister locorum de la réforme et l’université de Wittenberg le Centre d’action intellectuel du protestantisme.

Ce revirement ne resta pas sans influence sur la théologie catholique. C’en était fait cependant des’heureuses influences de l’ancien humanisme, si enthousiaste à la fois pour l’Église et la « science nouvelle ». De part et d’autre, les meilleures forces s’usèrent à la polémique, à une polémique ardente et passionnée d’abord, outrepassant dans ses iormes, à l’exemple de la polémique de Luther, tout ce que les plus virulentes controverses avaient mis au jour jusqu’alors, ensuite, plus calme, plus froide, plus raisonnée, plus systématique. Pour la théologie catholique en Allemagne était arrivée l’époque de la grande controverse. Les jésuites en eurent le principal mérite et la « contre-réforme » fut, en très grande partie, leur œuvre. Le terrain, cependant, était devenu d’autant moins favorable aux grandes études scolastiques, historiques et bibliques que l’Allemagne, déchirée par les luttes intestines, décimée parla guerre de Trente ans, ne pouvait songer à rivaliser avec l’Espagne, la France et l’Italie, alors à l’apogée de leur gloire intellectuelle.

Si elle eut de dignes successeurs de Bellarmin, elle n’eut ni un Baronius, ni un Suarez, ni un liossuel, ni un Mabillon. Quand les temps furent redevenus meilleurs, l’ère de la grande théologie était passée. La scolastique était encore une fois à son déclin. On se contenta de reproduire les œuvres de la grande époque sous une forme plus concise, plus didactique, plus méthodique,

on les adapta aux besoins de l’enseignement. On fit, dans le sens strict du mot, de la théologie de l’école.

Cependant à côté des jésuites qui continuaient toujours la tâche ardue de la lutte, les autres ordres religieux commençaient à se relever. La Theologia Salisburgensis achevait dignement, avec la Theologia Wirceburgensis, l’œuvre dogmatique du xviie et du xviiie siècle ; les études historiques, patristiques et bibliques reprenaient leur essor, surtout dans les couvents bénédictins. On sentit le besoin d’élargir, en y faisant entrer les études positives, le cadre de l’enseignement théologique et de lui donner un couronnement pratique. De nouvelles branches surgirent, telles que la patrologie et la pastorale. C’était un incontestable progrès. Malheureusement, la théologie dogmatique, loin de gagner à ce développement, grâce à l’esprit sceptique, superficiel et militariste du temps, y perdit singulièrement en profondeur spéculative. Les tendances anti-romaines et ultra-nationalistes s’y mêlèrent et la période joséphiste devint pour la théologie allemande une période de profond déclin, dont elle ne devait se relever définitivement que vers 1830. Cependant, les premières années du xixe siècle laissèrent déjà entrevoir l’aurore d’une ère nouvelle. En Bavière, Sailer, le Fénelon allemand, et son école, s’émancipaient de plus en plus de l’esprit du xviiie siècle décadent et faisaient passer comme un souffle de vie sur une terre aride et desséchée. En Westphalie, le noble comte de Stolberg passait du rationalisme protestant au catholicisme et inaugurait par son Histoire de la religion chrétienne l’historiographie catholique du siècle. Joseph de Gôrres, après avoir salué la Révolution française comme la libératrice des peuples, se tournait vers l’Église, comme la seule sauvegarde de la société. Autour de lui, une élite d’hommes distingués, prêtres et laïques, allaient tenter de faire comprendre à leur temps, par d’impérissables travaux, qu’une intime union de l’Église et de la société, de la foi et de la science, des légitimes aspirations du présent et des saines traditions du passé, devait être le programme intellectuel et social de l’avenir et, 1a condition indispensable de la vraie grandeur de leur nation. Le romantisme catholique, le renouveau de la vie religieuse qui suivit le relèvement politique et qui, dans la lutte contre l’absolutisme de l’Etat, — législation matrimoniale en Bavière, événement de Cologne, 1837, — s’accentua plus vivement encore, ne furent pas étrangers à ce mouvement.

La philosophie idéaliste de Fichte, Schelling et Hegel, les efforts scientifiques de la théologie protestante le stimulèrent, non sans lui préparer de dangereuses crises. Hermès et Gùnther en font foi. Dans le sens même de la théologie orthodoxe, des tendances diverses se firent jour, selon l’influence plus ou moins prépondérante que le milieu ambiant, la conscience des besoins intellectuels du présent ou le respect et l’admiration pour les grandes œuvres du passé, la confiance dans l’inépuisable force d’une glorieuse tradition scientifique exerçaient sur les esprits. Ce fait, du reste, n’avait rien de surprenant. Dans les limites de la plus stricte orthodoxie, l’antiquité chrétienne comme le moyen âge n’avaient-ils pas eu leurs écoles théologiques aux tendances les plus variées ? L’histoire de la théologie allemande au XIXe siècle offre, d’ailleurs, plus d’une fois le spectacle instructif d’un croisement d’écoles el de tendances dont les résultats furent les plus heureux. Rappelons d’abord la grande part que prit au relèvement des sciences théologiques l’école catholique de Tubingue, dont les ramifications s’étendirent à Munich, Fribourg et Donn. Le néo-scolasticisme doit aux théologiens du collège romain, et surtout aux remarquables travaux du P.Kleutgen, sa restauration en Allemagne. Plusieurs des plus illustres représentants de la science catholique doivent en même temps à l’une et à l’autre de ces deux écoles leur formation théologique.