Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
56
ABÉLARD (ÉCOLE THÉOLOGIQUE D’) — ABELLY

lociens de la génération suivante eurent une position difficile. Ainsi peu s’en fallut que la condamnation ne fut prononcée contre les Sentences de Pierre Lombard. » Précis de l’histoire des dogmes, trad. Choisy, Paris, 1893, p. 330. Sans parler du fougueux Gauthier de Saint-Victor, auteur du pamphlet Contre les quatre labyrinthes de France (Abélard, Gilbert de la Porrée, Pierre Lombard et Pierre de Poitiers, cf. P. L., t. cic, col. 1129 sq.), les meilleurs esprits, comme Guibert de Nogent, Guillaume de Saint-Thierry, saint Bernard, étaient effrayés des méthodes nouvelles. Cf. Mignon, op. cit., t. i, p. 165. Étienne de Tournay lançait de terribles accusations « contre ces faiseurs de nouvelles Sommes. » Epist. adrom. pont., dans Denifle, Die Universitäten des Mittelalters, t. i, p. 746. Il fallut la parfaite orthodoxie de l’école de Saint-Victor et toute sa prudente modération dans l’usage du nouveau système, pour faire oublier que ses premiers promoteurs se nommaient Scot Érigène, Bérenger, Abélard, pour rassurer les croyants alarmés, et acclimater la nouvelle théologie dans les écoles catholiques. Tel fut le vrai rôle de Hugues de Saint-Victor et de son école. Aussi bien que les critiques catholiques, Harnack a proclamé Hugues de Saint-Victor « le plus influent des théologiens du xiie siècle », parce que, plus qu’aucun autre, il contribua à la fusion des deux tendances en lutte, l’orthodoxie dogmatique et la science philosophique. Voir Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. iii, p. 532 ; cf. Précis de l’histoire des dogmes, trad. Choisy, p. 330 ; dom Baltus, loc. cit., p. 214.

À consulter : les études citées des PP. Denifle et Gietl ; H. Hurter, Nomenclator literarius, 3e édit., Inspruck, 1906, t. ii, col. 99-105 ; l’abbé Mignon, Les origines de la scolastique et Hugues de Saint-Victor, 2 in-8o, Paris, 1895 ; l’abbé Féret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, in-8o, Paris, 1894, t. i.

E. Portalié.

ABELIENS, ABELOITES ou ABELONIENS. Secte hérétique née dans un coin du diocèse d’Hippone, et qui a peut-être des attaches avec quelqu’une des nombreuses ramifications de la gnose manichéenne. Elle ne nous est connue que par saint Augustin, De hæresibus, lxxxvii, P. L., t. xlii, col. 47, qui fournit sur son organisation les détails suivants. Les abéliens admettaient le mariage et, loin de s’y soustraire, l’envisageaient même comme obligatoire ; mais dans cet état ils pratiquaient une continence absolue. Pour parer à l’absence de descendance, les conjoints, d’un mutuel accord, adoptaient deux enfants : un garçon et une fille, qui grandissaient à leur foyer, devenaient les soutiens de leurs vieux ans et, après décès, entraient en jouissance de leurs biens à la condition de se comporter eux-mêmes de semblable manière. Il paraît que ces prétendus imitateurs d’Abel arrivèrent à se perpétuer de la sorte sans trop de difficultés, car les pauvres gens du voisinage, étrangers à d’aussi singulières pratiques, consentaient sans peine à leur céder leurs enfants, sûrs de les voir richement établis. Malgré tant de bonnes volontés la secte dut pourtant se résigner à disparaître, et à l’époque où saint Augustin écrivait son Traité des hérésies, les quelques familles de paysans indigènes qui la composaient encore étaient rentrées dans le giron de l’Église. L’auteur du Prædestinatus, P. L., t. liii, a reproduit presque textuellement la notice de l’évêque d’Hippone, c. lxxxvii. On ne voit pas bien les raisons qui font supposer à G. W. Walch, Ketzergeschichte, t. i, p. 608, que ces hérétiques pourraient bien n’avoir jamais existé.

L. Guilloreau.


ABELLY Louis, théologien français, né à Paris ou près de Paris dans le Vexin français en 1603. Il étudie à Paris et c’est peut-être dans cette ville qu’il prend le bonnet de docteur en théologie. Il s’attache à Vincent de Paul qui le donne en qualité de grand-vicaire à François Fouquet, évêque de Bayonne. Peu de temps après, il revient à Paris ; en 1644, il est nommé curé de Saint-Josse. Désigné pour l’évêché de Rodez en 1662, sacré en 1664, il se démet de cette dignité trois ans plus tard et se retire à Paris chez les Pères de la Mission dans la maison Saint-Lazare. Il y demeure jusqu’à sa mort (4 octobre 1691), partageant son temps entre la prière et l’étude. C’était un prélat d’une haute piété ; comme saint Vincent de Paul il combattit énergiquement le jansénisme.

Abelly a beaucoup écrit. (Voir dans les Mémoires de Nicéron, Paris, 1740, t. xli, p. 183 sq, la liste de ses travaux). Voici les principaux de ses ouvrages théologiques : 1o  Medulla theotogica, ex sacris Scripturis, conciliorum pontificumque decretis et sanctorum Patrum ac doctorum placitis expressa. La première édition de cet ouvrage (2 in-12, Paris, 1650) fut suivie de beaucoup d’autres (7e édition en 1662, 13e édition, Anvers, 1698). La Medulla est un manuel pratique à l’usage de ceux qui se préparent au ministère pastoral ; les questions purement spéculatives sont exclues ; Abelly n’a voulu donner que les notions essentielles, la « moelle » de la théologie. De là le titre de l’ouvrage ; de là vient aussi l’épithète de « moelleux » que Boileau (Lutrin, chant iv) attache au nom de l’auteur. En morale, Abelly combat le rigorisme des jansénistes ; il est probabiliste. Aussi les écrivains de la secte ne lui ménagent ni leurs critiques, ni leurs railleries. M. de la Berchère, archevêque d’Aix, ayant ordonné aux directeurs de son séminaire de remplacer par la Medulla la rigide Théologie de Grenoble, un écrivain janséniste s’en plaignit amèrement ; dans un libelle paru à Luxembourg, il reproche à Abelly de renverser par son probabilisme la règle la plus certaine de la bonne conscience ; il l’accuse de réduire à presque rien le précepte de l’amour de Dieu et les dispositions nécessaires pour l’absolution. 2o  Tradition de l’Église touchant la dévotion des chrétiens envers la sainte Vierge, in-8o, Paris, 1652. 3o  Les Sentiments des Pères et des Docteurs de l’Église touchant les excellences, les prérogatives et les cultes de la sainte Vierge sont une réponse au fameux libelle, Monita salutaria B. V. Mariæ ad cultores suos indiscretos, traduit en français par le bénédictin Gerberon. Le livre d’Abelly provoque une réplique de Gerberon, bientôt suivie d’une nouvelle Réponse de M. Abelly à la lettre qu’on lui a écrite au sujet des avertissements, in-8o, Paris, 1674. 4o  Défense de l’honneur de la sainte Mère de Dieu, contre un attentat de l’Apologiste de Port-Royal, in-12, Paris, 1666. 5o  De l’obéissance due à N. S. P. le Pape en ce qui regarde les choses de la foi, in-8o, Paris, 1654, réédité en 1870 par P. Cheruel. 6o  Défense de la hiérarchie de l’Église et de l’autorité du pape, contre un libelle anonyme, in-4o, Paris, 1659. 7o  Traité des hérésies, in-4o, Paris, 1661. 8o  Éclaircissement des vérités catholiques touchant le très saint sacrement de l’eucharistie, in-12, Paris, 1667. 9o  Les vérités principales de la foi et de la justice chrétienne, expliquées clairement et méthodiquement, in-4o, Paris, 1675. 10o  Éclaircissement utile pour la paix des âmes et le soulagement des consciences touchant la nécessité de la contrition ou la suffisance de l’attrition pour l’effet du sacrement de pénitence, in-12, Paris, 1675. 11o  La conduite de l’Église catholique touchant le culte du très saint sacrement de l’eucharistie, in-12, Paris, 1678. 12o  La Vie du vénérable serviteur de Dieu Vincent de Paul, in-4o, Paris, 1664. Cet ouvrage écrit sans art, sans méthode, sans élégance, intéresse pourtant, parce que l’historien « représente au naïf la figure de Vincent, parce qu’il s’efface toujours devant lui et lui cède le plus qu’il peut la parole ». Maynard, Saint Vincent de Paul, introduction. Ce livre déplut aux jansénistes. Abelly, l. II, c. xxvii et xxviii, n’ayant rien caché de l’horreur qu’avaient inspirée à M. Vincent les idées