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ALLEMAGNE (EMPIRE D : ), ÉTAT RELIGIEUX


COOOOO enfants issus de mariages mixtes, la confession protestante en possédait 68299 de plus que la confession catholique. En Bade, les mariages mixtes profitent à la confession protestante : d’après le recensement de 1890, 10275 enfants de mariages mixtes étaient protestants, et 8C74 seulement catholiques. En Hesse, les deux tiers des enfants de mariages mixtes, d’après le recensement de 1885, étaient protestants ; Prusse, Bade et liesse réunis ont environ 340000 mariages mixtes, et le nomhre des enfants protestants nés de ces mariages dépasse de 81 600 celui des enfants catholiques. Quant à la Saxe, à la Bavière et au Wurtemberg, les statistiques sont à cet égard insuffisantes ; mais il semble que, somme toute, dans les deux premiers États, les mariages mixtes profitent au protestantisme, et que, dans le Wurtemberg, le catholicisme plutôt en bénéficierait légèrement : c’est du moins l’impression de M. le pasteur Schneider, Kirchliches Ja/trbuch auf das Jahr 1900, p. 153. Voir sur la question des mariages mixtes, outre les ouvrages cités de MM. Pieper et Schneider : Braasch, Das Conto zwischen der evangelischen und katlwlischen Kirche auf dem Gebiet der Mischehen in Deutschland, Iéna, 1883.

L’immigration, en troisième lieu, exerce une réelle inlluence sur la situation confessionnelle des divers États de l’Allemagne. Munich, Cologne, Fribourg-en-Brisgau étaient au début du siècle des villes purement catholiques ; elles comptent respectivement, aujourd’hui, 48000, 34000 et 13000 protestants. Berlin, autrefois, était une cité exclusivement protestante : elle compte maintenant près de 100000 catholiques. Les États héréditaires de Saxe furent longtemps exclusivement protestants ; on y comptait, en 1887, 57000 catholiques. C’est la loi sur la libre circulation dans l’empire, Freizûgigkeit, qui, dès le lendemain de l’unité allemande, permit et provoqua ces échanges de populations et amena la dislocation des anciens noyaux confessionnels homogènes. Par surcroit, dans certaines régions, Alsace d’une part, Pologne prussienne d’autre part, la Prusse protestante introduisit systématiquement des éléments protestants ; la Ligue évangélique, l’Association de Gustave-Adolphe, au nom des intérêts communs du protestantisme et du germanisme, secondèrent cette immigration ; et c’est ainsi que les combinaisons de la politique, non moins que les exodes spontanés de paysans ou d’ouvriers, ont contribué à un certain mélange des confessions dans les régions mêmes où, depuis la Béforme, l’une ou l’autre confession était à peu près exclusivement maîtresse du terrain.

Voir sur ces divers points : Rebensburg, Festschrift zur Einweihung der evangelischen Christuskirche in Kôln, Cologne, "1894 ; Rogge, Die Zunahme des Katholicismus in der Pr ovin z Brandenburg, Leipzig, 1893 ; Riedel, Katholisches Leben in der Mark Brandenburg, Rerlin, 1894 ; Scheuffler, Der Besitzstand des Katholicismus in Sachsen, 1815 und 1888, Neusalza, 1889 ; Hermens, Die gemeinsame Gefahr der evangelischen Kirche und der deutschen Nationalitàt in der Diaspora der deutschen Grenzmarken, Leipzig, 1895 ; Rlondel, Les populations rurales de l’Allemagne, Paris, 1898 ; Goyau, L’Allemagne religieuse, Paris, 1898.

C’est par ces trois faits : conversions individuelles, mariages mixtes, déplacements des populations, que s’expliquent les dill’érences survenues au xixe siècle dans la situation confessionnelle de l’Allemagne. Deux cartes nous ont paru nécessaires pour faire mesurer la portée de ce phénomène : la première nous met sous les yeux les divisions religieuses de l’Allemagne en 1555 ; la seconde nous met sous les yeux les divisions religieuses de l’Allemagne à l’époque contemporaine.

III. La situation juridique des confessions religieuses en Allemagne : les concordats. — De 1555 à 1750, se formèrent définitivement les noyaux religieux,

petits ou grands, que l’Allemagne unifiée par Napoléon I er, puis par Bismarck, a peu à peu broyés les uns contre les autres. La paix d’Augsbourg, de 1555, garantissait aux souverains ou aux villes libres le droit de professer la religion qui leur plaisait : les sujets dans les États souverains ou les seigneuries, les citoyens dans les villes libres, eurent dès lors leur conscience enchaînée par la religion du prince, du seigneur ou de la ville. Or, cette ancienne Allemagne était une mosaïque d’innombrables souverainetés ; et ces souverainetés, souvent, s’enclavaient les unes dans les autres ; de là la juxtaposition, très fréquente au xviiie siècle, de villages exclusivement protestants et de villages exclusivement catholiques, où l’on retrouve, aujourd’hui encore, des majorités protestantes ou des majorités catholiques. L’état confessionnel de tel village allemand subsiste de nos jours comme l’indice ineffaçable de l’option faite jadis entre les deux confessions par le petit seigneur dont le hasard avait fait le maître de ce village. Ainsi le morcellement politique de la vieille Allemagne eut des conséquences religieuses durables : si le grand-duché de Bade, actuellement, est infiniment divisé au point de vue religieux, c’est que les territoires qui le composent appartenaient, il y a cent cinquante ans. aux possesseurs les plus divers : maison d’Autriche, catholique ; margraves de Baden-Durlach, protestants ; margraves de Baden-Baden et électeurs Palatins, sans cesse oscillant entre les deux confessions, etc. De même, dans la Prusse orientale, l’ancien domaine de l’évêque d’Ermeland est demeuré catholique, au milieu des terres du duché de Prusse, faites protestantes par Albert de Brandebourg.

Lorsque la Bévolution française et le premier Empire amenèrent un remaniement de la carte de l’Allemagne, la situation religieuse du pays préoccupa tout de suite les diplomates. La diète de Batisbonne, le 25 février 1803, décida que les morceaux de territoires qui, par l’effet des changements politiques, passaient entre les mains d’un souverain d’une autre confession, devraient être respectés dans leur foi ; il était désormais permis, d’ailleurs, à tout souverain allemand, d’introduire la liberté de conscience dans ses États. Ce fut la fin du principe : Cujus regio, ejus religio, qui, depuis 1555, livrait l’Allemagne religieuse à l’arbitraire des chefs d’États ou des petits seigneurs.

Le congrès de Vienne, de 1815, consacra les nombreuses sécularisations d’évèchés qui avaient soustrait aux pouvoirs ecclésiastiques de l’Empire toute propriété territoriale : le pape protesta, en principe ; mais des concordats conclus progressivement par le pape avec les États allemands pourvurent à la dotation des évêchés dépouillés et réglementèrent à nouveau les divisions diocésaines de l’Allemagne. Le pape traita d’abord avec la Bavière, le 5 juin 1817 ; puis avec la Prusse (bulle De sainte animarum, du 16 juin 1821) ; puis avec le Hanovre (bulle Impensa Ramanurum pontificum, du 26 mars 1824) ; enfin les bulles Provida solersqne, du 16 août 1821, et Ad dominici gregis custodiam, du 11 avril 1827, qui réglaient la situation religieuse de Bade, du Wurtemberg et des Hesses, furent, de 1827 à 1829, successivement acceptées par ces divers États. Telles furent, dans leurs grandes lignes, les assises du nouvel ordre politico-religieux de l’Allemagne. Voir, pour plus de détails, l’article Concordat.

Il y a un certain nombre de petits États où la liberté religieuse des catholiques fut longtemps marchandée ou refusée par les autorités protestantes ; et malgré l’établissement de l’unité de l’Empire en 1871, le duché de Brunswick et les deux Mecklembourgs peuvent être cités comme imposant, encore aujourd’hui, à la libre pratique du catholicisme, beaucoup d’entraves légales absolument archaïques, — et parfaitement distinctes des mesures de défiance et de vexation qui subsistent encore