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ALEXANDRIE (ÉCOLE CHRÉTIENNE D’)


gence, <tûvetiv, qu’elle produit cet affinement spirituel, naturellement inquisiteur au moyen de la véritable philosophie : philosophie que possèdent les initiés, l’ayant trouvée, ou plutôt l’ayant reçue de la vérité même. » Strom., 1. I, c. v, P. G., t. iivi col. 723, 727.

Tel est encore un des sens — et probablement le sens primitif — de la fameuse formule Philosophia ancilla theologiee. Clément semble avoir été le premier qui l’ait vulgarisée dans le programme des études chrétiennes. Voir Petau, Theolog. dogmala, Prolegomena, c. iv, n. 4, 5.

2° Deuxième point de vue : La foi considérée comme un principe, un point de départ, un fondement. — Ce point de vue est également très fréquent chez Clément. Voir par exemple Stromates, 1. II, c. xi, P. G., t. viii, col. 984. Que la connaissance déduite de la foi est la plus certaine de toutes. Ce qui ne l’empêche pas de tenir compte des motifs de crédibilité, et d’en ébaucher la théorie, spécialement dans Stromates, 1. I, c. xx, ibid., col. 813. En quelle manière la philosophie nous aide pour atteindre la divine vérité. Au même point de vue, et sans exclure l’usage préalable de la raison, Origène affirme la certitude fondamentale de la foi ; tous deux parlent d’une gnose édifiée sur la foi. Ils distinguent la foi simple,’J/iXt) niort ; , et la foi précisée, enrichie, développée au moyen des connaissances humaines. C’est en partant de la m’artç qu’on arrive à la yvdSai ; . Cette conception de la gnose chrétienne, considérée comme un développement de la foi, est devenue plus tard celle de saint Anselme, de saint Augustin et des scolastiques. Voir Didiot, Logique surnaturelle subjective, Paris, 1891, p. 254 sq., théorème lx. La théologie est l’évolution vitale en même temps que scientifique de la foi, ayant à l’égard de celle-ci le rapport d’un effet à l’égard de sa cause, et le reconnaissant par une vraie subordination morale envers elle. Chez Clément, et chez d’autres anciens, spécialement saint Basile, cette théorie de la foi surnaturelle se complique d’une autre théorie, analogue et parallèle dans l’ordre naturel ; là encore, la foi, c’est-à-dire l’adhésion aux premiers principes, se trouve être le fondement de la science. C’est à cette foi, à cette adhésion aux premiers principes que plusieurs écrivains modernes veulent donner le nom de croyance. Voir les textes patristiques dans Petau, Dogmala. theolog., Prolegomena, c. iivi n. 2 ; et, en ce qui concerne spécialement Clément, dans.1. Cognât, Clément d’Alexandrie, sa doctrine et sa polémique, Paris, 1859, p. 183 sq. Voir l’explication de ce point de vue dans Kleutgen, La philosophie scolastique, trad. Sierp, Paris, t. ii, p. 400. Voir l’explication du point de vue aristotélicien, aussi bien que du point de vue moderne, dans Ollé-Laprune, La certitude morale, p. 217-218, et l’usage des termes « sentiment » et « croyance », par exemple dans les écrits de Claude Bernard, dans A. de la Barre, Certitudes scientifiques, Paris, 1897, p. 36, 45.

VI. Premières ébauches d’une exposition systématique des mystères. La théologie du Verbe. — Les alexandrins furent moins heureux dans leurs tentatives d’exposition des principaux mystères. Ils ont fourni à la théodicée nombre de conceptions importantes ; on doit se défier de leur terminologie, quand on aborde l’étude de la doctrine trinitaire et de la christologie. D’ailleurs, sur ces points importants une exposition générale serait insuffisante et trompeuse. Clément et Origène, les seuls maîtres que nous connaissions, ne sauraient être confondus dans un même résumé doctrinal. Il faut se borner à quelques points spéciaux les plus importants, à des indications générales, ultérieurement complétées par les monographies.

L la théologie du verbe. — Que les plus illustres représentants de l’école catéchétique aient nettement professé la foi orthordoxe, touchant la divinité de JésusChrist, rien de plus incontestable. Clément est formel

sur ce point. Voir surtout l’éloge du Verbe qui termine le chapitre x du Protrepticos : « Notre purificateur etsauveur plein de douceur, le Verbe divin, manifestement et réellement Dieu, ô cpavEpwTato ; ovto> ; Qeôç, égal au Maître de l’univers, tû ôe<77t<5ty) tùv oXtov èÇkjwÔesç, puisqu’il était son Fils et que le Verbe était en Dieu, etc. » Voir aussi les savantes controverses de Bull, Defensio fidei Nicsenæ Pavie, 1784, t. i, p. 299, sect. ii c. v ; ibid., t. ii, p. 28, sect. iii, c. n. On a voulu, néanmoins, s’appuyer sur d’autres passages pour trouver dans Clément des traces de subordinatianisme. Les protestants Bull et Dorner combattent absolumeut cette manière de voir. Huet l’accepte. Redepenning, protestant, recourt à une solution intermédiaire. Schwane s’exprime ainsi : « Le Fils est élevé au-dessus de toutes les choses créées et finies, et rangé dans la catégorie du divin, dans les écrits de l’alexandrin ; cependant, Clément voit dans son rapport au Père une subordination, et ne s’élève pas encore à une conception parlaite du dogme de la Trinité. » Histoire des dogmes, traduction Belet, Paris, 1886, t. i, p. 146. Ces incertitudes ne peuvent être éclaircies que par une étude consciencieuse de la question subordinatienne.

Le langage d’Origène et de ses successeurs n’offre pas moins de contradictions apparentes et de points obscurs. Bien loin de regarder le Fils de Dieu comme une créature, il l’appelle l’incréé, le premier-né de la création. Par exemple, Contra Celsum, c. ni, n. 37, P. G., t. xi, col. 1239. A la façon dont il défend la divinité du Sauveur, ibid., c. iii n. 27, 41, il est évident qu’il s’agit pour lui du point le plus important de notre foi. Et pourtant, ses explications inexactes, ou même fautives, tendent à donner au Fils un rang intermédiaire, où la divinité n’apparaît plus que comme une dérivation. Aussi, des Pères et des écrivains subséquents l’ont accusé d’athéisme. Dans sa 64e hérésie, n. 73, P. G., t. xli, col. 1197 (hérésie d’Origène), saint Épiphane le compare à un serpent venimeux. Saint Thomas dit de lui : Ariani quorum fons Origenes invenitur, posuerunt Filium alium a Pâtre esse in diversitate substantiæ. Sunu iheol., K q. xxxiv, a. 1.

Toutefois, pour la saine interprétation d’un grand nombre de passages, il ne faut pas perdre de vue la position d’Origène en face des hérésies de Sabellius et de Bérylle, par conséquent la nécessité où il se trouvait d’insister sur la personnalité distincte du Verbe, d’exagérer les rapports d’origine, exagération qui prenait la forme du subordinatianisme.

La même remarque s’applique évidemment aux alexandrins postérieurs. Il faut constamment se souvenir de la diffusion du sabellianisme vers le milieu du ine siècle, de sa pénétration dans la Haute-Lybie, dans la Pentapole, et particulièrement dans le diocèse d’Alexandrie. Le plus illustre des successeurs d’Origène, l’évêque Denys, dans son écrit à Armodius et à Euphano, r (maintenant perdu), entreprit d’affirmer avec force et clarté la personnalité distincte et éternelle du Verbe incarné. Mais il tomba dans l’exagération coutumière à ses contemporains. Il n’était guère possible alors de choisir ses expressions assez exactes pour rejeter directement et explicitement toutes les hérésies imaginables. Ce que saint Basile, dans le siècle suivant, écrivait touchant Denys d’Alexandrie, on peut l’entendre plus ou moins de plusieurs apologistes antérieurs au concile de Nicée : « Nous n’admirons pas tout ce que ce grand homme a écrit ; il y a au contraire certains points que nous rejetons. Car le premier il a répandu, autant que nous pouvons le savoir, pour ainsi dire les semences de la doctrine anoméenne qui se propage maintenant. La faute en est, selon moi, non pas à des vues erronées, où ; rovi, p ! a Yv<i|jt.7"|Ç, mais à un zèle excessif dans la polémique anti-sabellienne. Lorsqu’un jardinier veut redresser une plante, il la fait pencher du côté opposé.