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ALEXANDRIE (ECOLE CHRETIENNE D’)


systématiques. Enfin, à supposer nettement établi le fait d’une filiation doctrinale, si réellement un système rationnel, de provenance humaine, entre dans la trame de l’enseignement catéchétique, encore faut-il se demander s’il entre à titre de source ou bien à titre d’instrument. En toute rigueur de termes, les systèmes rationnels sont plutôt des instruments que des sources de l’exposition théologique. Voir A. de la Barre, La vie du dogme catholique, Paris, 1898, IIe part., c. III, IV. Si l’on veut absolument dire, avec nombre de manuels de théologie fondamentale que la philosophie profane est une source de la théologie chrétienne, il convient d’y apporter les réserves logiques et les explications nécessaires.

II. NATURE DE LA SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE DES ALEXANDRINS.

On ne saurait donc s’appuyer sur l’histoire de la philosophie païenne pour séculariser absolument la synthèse théologique dont Clément et Origène ont tenté l’exécution. On ne peut légitimement la considérer comme une pure réduction du divin à l’humain, une absorption de la théologie surnaturelle dans la théologie naturelle et profane.

Est-ce du moins une synthèse définie suivant une méthode rationnelle ? est-ce une simple encyclopédie ? Les alexandrins partageaient certainement les aspirations de leur milieu scientifique : ils visaient au savoir encyclopédique ; au centre de ce savoir ils voulaient placer la croyance chrétienne. Mais ils ne possédaient encore que de vagues plans d’ensemble, et ne formulaient sur la méthode que des principes très généraux. Il est sage de ne point forcer leur pensée en cherchant à la préciser. On ne doit point leur prêter de vues systématiques et complexes, relativement à l’existence d’une méthode théologique, mais seulement constater et définir une certaine connexion qu’ils prétendent établir entre les sciences humaines et la science divine. Cette connexion se présente suivant une double forme : tantôt ils conçoivent l’encyclopédie profane comme un acheminement, un préambule à la véritable sagesse ; tantôt considérant les vérités de foi comme des principes de synthèse, ils y rattachent les vérités humaines ; ou bien, se servant d’une autre métaphore, c’est sur le fondement de la foi qu’ils élèvent l’édifice de la gnose. Ainsi la seconde méthode encyclopédique répond assez bien à ce que nos manuels de théologie appellent usus rationis post /idem. C’est l’intelligence de la foi telle que l’ont comprise saint Augustin, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Anselme, etc. Voir Hurler, Theolog. gêner., Inspruck, 1880, t. i, n. 220, 657-658.

La première méthode (la science humaine envisagée comme préambule) se rapporte, plus imparfaitement, il est vrai, à nos méthodes d’apologétique contemporaines, usus rationis ante /idem.

1° Premier point de vue : Les sciences humaines sont considérées comme acheminement et comme préambule. — C’est le point de vue souvent adopté par Clément, particulièrement Slrom., 1. I, c. xx, P. G., t. viii, col. 813, de quelle façon la philosophie est utile pour atteindre la vérité divine. D’autre part, Origène conçoit l’ensemble des connaissances comme réparties suivant un triple étage : éthique (moral), naturel (physique), théorique (contemplatif) : Moralis autem disciplina ilicitur, per quant mus vivendi honestus aptatur, et institula ad virtutem lendentia prseparantur. Naturalis est ea, ubi uniuscujusque rei natura discutitur, quo nihil finira naturam geratur in vita… lnspectiva dicitur, qua supergressi visibilia, de divinis aliquid et cxlestibus contemplamur, eaque sola mente intuemur, quoimiiii corporeum supergrediuntur aspectwm. Prolog, in (’.uni. Cant., P. G., t. iixi p. 75. Sur cette conception encyclopédique, remarquable par le point de vue tout à la fois dogmatique et moral qui la domine, voir Capitaine, De Origeni » elhica, Munster, 18 ( J8, p. 12, 13.

En somme, cette méthode, dans la pensée d’Origène comme dans celle de Clément, est une méthode ascendante qui part du visible et du créé pour monter vers l’invisible et l’incréé. Nous la retrouvons dans une idée familière à saint Thomas comme à son maître Albert le Grand. Nous sommes conduits comme par la main, aisément et naturellement, du visible à l’invisible, manuductio. Voir particulièrement saint Thomas, Opusc. LXIII, q. ii, a. 3. Utrum in scienlia /idei, quæ est de Deo, liceat rationibus phijsicis uti" ?… Cum in imperfcctis inveniatur aliqua imitatio pcrfectorum quamvis imperfecla, in his quæ per naturalem rationem cognoscuntur, sunt quædam similitudines corum quæ per fidem tradita sunt. Sicut autem sacra doctrina fundatur super lumen fidei, ita philosopliia super lumen rationis. Unde impossibile est quod ea quæ sunt philosophise, sint contraria iis quæ sunt (idei, sed de/iciunt ab eis ; continent tamen quasdam similitudines eorum et quædam ad ea prseambula sicut natura prseambula est ad graliam. Opéra, Parme, 1865, t. xvii, p. 362. La même idée d’une encyclopédie, où les sciences humaines jouent le rôle d’introductrices et fournissent le préambule naturel de la science sacrée, est reprise un peu plus loin par le docteur angélique, ibid., ad 7um. Scientise quæ liabent ordincm ad invicem, hoc modo se habent quod una potest uli principiis alterius… Unde metaphysica quæ est omnibus superior, utitur his quæ in aliis scienliis sunt prubata : et similiter theologia, cum omnes alise scientise sint ei quasi f’amulantes et prseambulse in via generationis, quant ris sint dignitate posteriores, potest uti principiis omnium aliarum. Voir la même idée dans Albert le Grand, Opéra omnia, Paris, 1896, t. xii, p. 2, où les sciences profanes sont considérées comme gradus et manuducliones ad specidationem divinam. Enfin, cette idée est fondamentale chez saint Bonaventure et chez les écrivains de l’école de Saint-Victor.

Il est évident que chez tous ces écrivains, cette notion d’une encyclopédie préambule de la foi, manuductio, ne saurait se confondre avec les préambules, entendus au sens de l’apologétique moderne. Ce dernier point de vue, quand il est mentionné, par exemple chez saint Thomas, est soigneusement distingué des autres. In sacra doctrina, philosopliia possumus tripliciter uti. Primo ad demonstrandum ea quæ sunt prseambula, fidei… Secundo ad noti/icandum per aliquas similitudines ea quæ sunt fidei, sicut Augustinus in libris de Trinitate utitur multis simililudinibus ex doctrinis philosophicis sumplis ad manifestandumTrinilatem : tertio, ad rcsistendum his quæ contra fidem dicuntur, sive oslendendo esse falsa, sive ostendendo non esse necessaria… Loc. cit.

L’idée de la manuduction est très nettement exprimée par Clément. Nous la trouvons sous la même forme que dans le passage cité de l’opuscule de saint Thomas : les sciences humaines précèdent la foi dans un certain ordre d’acquisition : quasi famulantes et prseambulse m via generationis. Tel est le sens de la fameuse allégorie d’Agar, que Philon avait déjà sans doute vulgarisée dans l’école judéo-alexandrine, et qui devint classique dans l’école chrétienne. Agar est la science humaine ; Sara est la science divine. Il fallait d’abord qu’Abraham eût un fils de la servante, avant d’en avoir de la maltresse : « Il est donc loisible à celui qui a reçu la culture préliminaire, TtpoiraiSeuOévTa, d’aborder la sagesse, mère et mailresse, àpyixwxiTTjv, par qui se propagera la race d’Israël. De la sorte, on voit la possibilité d’acquérir didactiquement la sagesse où parvint Abraham, en s’élèvant de la contemplation des astres à Cette loi et celle justice qui sont en Dieu. Disons donc que la culture préliminaire, Tipouaiôsiav. préparant le repos qui est dans le Christ, est un entraînement pour l’esprit, Y^ixvà ; eiv tbv voOv, un stimulant de l’intelli