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ALEXANDRIE (ECOLE CHRÉTIENNE D’et de mystiques qui s’y rattachent, par saint Thomas et toute l’école du moyen âge. D’ailleurs le fait d’avoir emprunté certaines idées et certaines formules antiques ne suflit nullement pour constituer une altération du dogme catholique : il faut le redire sans se lasser. En second lieu, la terminologie s’explique par les besoins de la controverse. Pour le comprendre, il suffit de se rappeler toute la description précédente du milieu intellectuel contemporain ; il faut spécialement se souvenir des tendances propres à la philosophie stoïcienne, philosophie de l’immanence. L’effort coriimun d’Origène et de Clément est dirigé contre cette philosophie. En troisième lieu, Clément a donné le correctif nécessaire par un clair enseignement de la doctrine complémentaire : Dieu connu par la raison au moyen des choses visibles. On le verra un peu plus loin.

Origène.

Origène s’est également appliqué à faire admettre la transcendance de l’être divin : il y fut amené par la nécessité de combattre non seulement les erreurs épicuriennes et stoïciennes, mais aussi les erreurs anthropomorphiques qui se répandaient alors dans l’Église d’Alexandrie. Voir/n loa., tom.xiii, P. G., t. xiv, col. 433, note 433, relative à toutes les écoles qui matérialisaient la divinité : Oi GîXovts ; elvai <r<5[xa tôv Se™. Il ne se borne donc pas à répéter d’une façon générale que Dieu est supérieur à tout être fini, créatures intellectuelles, essences d’ordre quelconque : « Quand donc nous disons que le Dieu de l’univers, Dieu simple, invisible, incorporel, est une intelligence ou quelque chose de plus élevé que l’intelligence et l’essence… » NoOv, ^ IrcxEiva voO v.cà oùai’a ; . Contra Celsum, 1. VII, n. 38, P. G., t. xi, col. 1473. Il insiste particulièrement sur la transcendance de Dieu, relativement à la matière sensible et visible. Il ne cesse donc d’affirmer que Dieu n’est point corporel, d’expliquer en quel sens il est un esprit, en quel sens des mots, primitivement destinés à exprimer des choses matérielles, telles que lumière, feu, vie, peuvent néanmoins être usités en parlant de Dieu. Voir dans cet ordre d’idées, le début du De principiis, 1. I, c. i, P. G., t. xi, et le Commentaire sur saint Jean, P. G., t. xiv, col. 433. Ce dernier passage est un de ceux qui font le mieux comprendre ses préoccupations polémiques : « Puisque les doctrines émises sur la divinité sont nombreuses et diverses, les uns en faisant une nature corporelle, subtile et éthérée, les autres la voulant incorporelle, d’autres enfin transcendante par la priorité d’origine et par la puissance, ùmèp âxeïva o-Jata ; itps<ToEt’a xoù 8uvâ[L£i, il nous semble à propos de voir si les divines Écritures nous autorisent à dire quelque chose touchant la nature de Dieu. Et ici, il nous est dit que l’esprit est en quelque sorte son essence, X^yetat oîovs’i oùd’a elvat aO-roû xo 7rve0[j.a. « Dieu est esprit » et dans le livre de la loi, c’est un feu, puisqu’il est écrit : « Notre Dieu est un feu. consumant. » Pour saint Jean, il est encore une lumière : « Dieu est lumière, nous « dit-il ; en lui il n’y a pas de ténèbres. » Si nous nous contentons bonnement de descriptions, sans rien chercher au delà de la lettre, il sera tout simple de dire que Dieu est un corps : et cependant un petit nombre saura voir l’absurdité des conséquences où tendrait notre opinion : bien peu en effet se sont mis en peine de la nature des corps. »

Tels sont les traits les plus saillants de la doctrine de la transcendance chez les alexandrins chrétiens. Nous avons dit que cette doctrine s’est continuée dans la théologie subséquente. Elle existait déjà chez Philon. Mais on ne saurait identifier le point de vue de ce dernier avec celui de Clément, encore moins avec celui d’Origène, qui sait amplement compenser et corriger par les formules de la théologie positive, celles de la théologie négative. Au contraire, ce dernier point de vue est absolument prépondérant chez Philon.

II. DIEU PRÉSENT AU MONDE ET ACCESSIBLE A LA

connaissance. — Les alexandrins chrétiens, tout en insistant sur la transcendance, ont su éviter les exagérations néo-platoniciennes et gnostiques. Ils ont professé que Dieu est : 1° intimement présent à ses créatures par son immensité ; 2°accessible à l’intelligence humaine qui le reconnaît dans toutes les créatures.

Dieu présent au monde.

Les alexandrins, comme toute l’antiquité patristique, ont connu et proclamé cette doctrine. Voir Petau, Theologica dogmata, De Deo, 1. III ; Thomassin, Theologica dogmata, t. I, 1. V ; de San, S. J., Tractatus de Deo uno, Louvain, 1894, t. i, p. 310 sq. On a prétendu trouver la thèse contraire dans Clément, en se fondant sur quelques passages des Stromates. Mais d’autres passages sont formels en faveur de la présence divine, telle que les théologiens l’ont toujours entendue, et les textes incriminés s’expliquent, si l’on tient compte de la controverse anti-stoïcienne. Voir de San, loc. cit.

Dieu accessible à la connaissance.

1. Clément d’Alexandrie. — La doctrine de Clément, sur ce point, corrige ses formules négatives. Cette doctrine est professée en divers passages, spécialement dans le I er livre des Stromates. Voir le chapitre xix, P. G., t. viii, col. 806, où l’on montre que les philosophes grecs ont eu, de la divinité., une connaissance certaine, bien que confuse et énigmatique. Cette dissertation est amenée par le discours de saint Paul à l’aréopage et par son allusion au Dieu inconnu. Voir encore Strom., 1. VI, c. xvii, P. G., t. ix, col. 380 sq. : que la philosophie n’a pas donné une connaissance parfaite de Dieu ; qu’elle est pourtant unsecours providentiel. — 2° Origène. — Bienqu’Origène se soit exprimé avec force et insistance sur la transcendance divine, cette doctrine ne l’empêche pas de reconnaître dans les œuvres de la providence une manifestation des perfections de Dieu : « Selon la vérité, Dieu est absolument incompréhensible, mais il ne faut pas en conclure que nous n’en puissions rien entendre : comme nos yeux sont trop faibles pour considérer directement le soleil, mais peuvent en apercevoir quelques rayons, ainsi les œuvres de la providence et l’art qui règne dans l’univers sont comme des rayons de la nature divine, et notre intelligence ne pouvant par ellemême voir Dieu tel qu’il est, conçoit par la beauté de ses œuvres et les ornements des créatures, le Père de l’univers. » Princip., 1. I, c. i, n. 6, P. G., t. xvi, col. 124.

III. L’allégorisme scripturaire, conséquence de la théodicée alexandrine. — Cette thèse de la transcendance se retrouve donc au fond des considération. ; qu’Origène fait valoir contre les stoïciens et les anthropomorphites. Il devait l’accueillir et l’employer avec d’autant plus d’empressement que, d’une part, il y était disposé par le platonisme ; d’autre part, il était facile de confondre cette thèse, proprement philosophique et dogmatique, avec une thèse plutôt exégétique, fournie par la tradition : la thèse du symbolisme scripturaire. Expliquons ces deux points importants.

1° Le symbolisme des faits contingents, conséquence de la théodicée alexandrine. — Dans les doctrines platoniciennes, on a particulièrement relevé (voir le texte de Zeller, Philosophie der Griechen, t. m b, p. 251, cité plus haut) : 1. la conception de l’élément sensible, envisagé comme un élément inférieur, dénué de réalité, ou, du moins, tenant sa réalité tout entière d’un élément supérieur ; — 2. l’opposition dualistique résultant de la conception du double monde, xô<r[io ; ai<j6r)TÔ ; , xôct^o ; vovynk. Pour le moment, peu importe qu’Origène fût un platonicien de profession, connaissant et employant avec rigueur la terminologie de l’École, ou bien qu’il faille reconnaître dans ses développements poétiques le rellet plus ou moins conscient des doctrines ambiantes. Denis, La philosophie d’Origène, Paris, 1884, p. 00. Toujours est-il que l’usage habituel de pareilles conceptions