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ALEXANDRIE (ÉCOLE CHRÉTIENNE D’)


le Pédagogue ; les Stromates (tapisseries), et le court traité : Quis dires salveturf (Quel riche sera sauvé ?) Voir Clément d’Alexandrie.

Son successeur, Origéne, porta au plus haut point la renommée de l’école catéchétique. A peine âgé de dixhuit ans, il en était le chef. Après deux périodes d’enseignement, entre lesquelles il faut placer une visite à Rome et un premier séjour à Césarée de Palestine (215), Origéne séjourna de nouveau à Césarée et fit un voyage jusqu’à Athènes. Lorsqu’il revint à Alexandrie (231), Démétrius le fit déposer. Il se retira à Césarée de Cappadoce et emprisonné sous la persécution de Dèce, mourut à Tyr en 253, par suite des mauvais traitements subis. Son activité littéraire avait été incomparable. Voir OriGène.

En 231, Héraclas lui avait succédé. Mais il fut remplacé lui-même, dans la fonction de catéchéte, par Denys, disciple d’Origène et converti par ce dernier. Érudit profond, philosophe remarquable, le nouveau chef de l’école suivit souvent les traditions de son maître, autant que nous pouvons le savoir par des fragments conservés. Il illustra le siège épiscopal d’Alexandrie (248-264). Saint Basile lui donne le nom de Grand. Epist., CLXXXvm, P. G., t. xxxii, col. 668. Ses successeurs furent probablement Théognosteet l’ierius, d’après Photius et l’Apologie pour Origéne. Voir Mflf Batillol, Anciennes littératures chrétiennes ; la littérature grecque, p. 184-185, Paris, 1897. Au cours du IVe siècle l’école semble perdre son importance et disparaître graduellement, malgré l’éclat passager que jeta l’aveugle Didyme, prodige de science encyclopédique, dont la réputation fit venir à Alexandrie Rufin et Jérôme. Les Pères Cappadociens recueillent, dans leur dogmatique, l’héritage intellectuel des Alexandrins et ils en perpétuent les éléments vraiment traditionnels.

On a récemment proposé de comprendre sous la désignation générale A’École d’Alexandrie quelques théologiens de la fin du ive siècle et du Ve siècle ; le plus important est saint Cyrille d’Alexandrie. Leur caractère commun, d’après la récente critique allemande, serait « de s’être placés au point de vue antithétique de l’école d’Antioche, et d’avoir été les pères du monophysitisme aussi bien que de l’interprétation antinestorienne du concile de Chalcédoine et, de la sorte, d’avoir été les instigateurs intellectuels, Die gcisligen Urliebcr, des décisions du III* et du Ve concile ». Harnack, dans Realencyclopàdie, 3e édit., Leipzig, 1896, article Alexandria. La formation de ce groupe, d’une part, d’autre part son rattachement à l’école catéchétique, supposent des vues systématiques, surajoutées au point de vue historique proprement dit ; elles ne sauraient être considérées comme l’expression de faits positifs, acquis à la science. Voir Cyrille (Saint) d’Alexandrie.

/L LE MILIEU ET LES DOCTRINES PRÉDOMINANTES. —

1° Tendances idéalistes, éclectiques et morales de l’époque. Transcendance et immanence. — Dans le monde païen, s’opérait alors un vaste travail de dissolution et de reconstitution. Dissolution des vieilles croyances, universellement ébranlées par la critique des sceptiques et sophistes ; disparition ou décadence des anciens systèmes philosophiques, pylbagorisrne, platonisme, aristotélisme : le stoïcisme, l’épicurisme et le scepticisme se disputent leur succession. Mais aussi tentatives de reconstitution : tendances idéalistes et tendances éclectiques.

Les traits généraux du grand mouvement idéaliste au il » siècle, Zeller, Philosophie der Griechen, t. ni b, p. 251, sont « une opposition dualistique de l’élément divin et de l’élément terrestre ; — une connaissance de la divinité toujours enveloppée d’abstraction ; — un mépris du monde sensible, qui se rattache aux doctrines platoniciennes de la matière et (le la descente des âmes dans les corps, l’hypothèse de forces intermédiaires, par où

l’activité divineatteint le monde phénoménal, la recherche d’un ascétisme libérateur de la sensualité, la croyance aux révélations d’un enthousiaste mysticisme ».

Nous pouvons résumer tous ces caractères dans les deux suivants, les plus importants, les plus souvent imputés au néo-platonisme et générateurs logiques de tous les autres : transcendance et dualisme. — 1. Transcendance de la divinité : elle est absolument abstraite, c’est-à-dire absolument indéterminée parce qu’aucune perfection, c’est-à-dire aucune détermination reconnue dans les créatures, ne saurait lui convenir : ni les perfections d’ordre corporel, ni même celles d’ordre spirituel. — 2. Dualisme du monde spirituel et du monde corporel. Dans la tradition platonicienne, le second est conçu comme l’image du premier ; mais plus souvent et surtout sous l’influence de doctrines orientales, le monde corporel est conçu comme principe de déchéance et d’imperfection.

D’ailleurs, cet idéalisme est essentiellement éclectique. Car l’éclectisme est un procédé universellement admis et pratiqué au cours du IIe siècle. On s’empare des débris des anciens systèmes, on veut les utiliser avec discernement pour des constructions nouvelles. Ainsi procédaient les Judéo-Alexandrins, les Néo— Pythagoriciens, tels qu’Apollonius de Tyane et Modératus de Gadès au temps de Néron, les Platoniciens éclectiques (Calvisius Taurus, Atticus, le médecin Galien, Numénius d’Apamée, et Celse, l’adversaire du christianisme : son Aôyoç àXr)6r, ç semble avoir été composé vers 178), surtout les Néo-Platoniciens de l’école d’Alexandrie, et plus tard, ceux de l’école syrienne et de l’école d’Athènes. Ils s’inspiraient tout à la fois de l’Orient et de la Grèce. L’influence orientale qui fournit tantôt la matière, tantôt la forme des doctrines et des institutions nouvelles, est essentiellement caractéristique de cette période, Ritler, Geschichte der Philosophie, t. iv, § 414 ; mais elle ne suffit pas à en expliquer complètement les tendances. Il faut tenir compte de causes plus intimes, des dispositions psychologiques et morales inspirées par la décadence de l’ancien ordre de choses, et le pressentiment d’une rénovation. Zeller, Philosophie der Griechen, 3e édit., t. iii, p. 70.

Ainsi, toutes ces tentatives de reconstitution éclectique portent un caractère commun. Elles sont inspirées par le souci de moralisme et commandées par ses exigences. Cet idéalisme n’est pas une doctrine purement spéculative. Il cherche la restauration des croyances disparues et se propose généralement un but pratique. Il veut la religion pour la morale, c’est-à-dire pour le perfectionnement de l’homme, pour son relèvement et sa purification.

En dehors de l’éclectisme idéaliste, les stoïciens sont les représentants les plus décidés de cette tendance morale et pratique : elle est surtout caractéristique de la période comprise entre Cicéron et le temps des Sévère. Toutefois, en dépit de l’élévation de son but moral, le stoïcisme est vicié par l’insuffisance et la fausseté de ses doctrines spéculatives. Dans l’ordre dogmatique, tout le système repose sur une physique matérialiste et l’idéal moral ne peut s’en dégager. Dieu se confond avec le monde, dont il est l’âme ; la théodicée n’est qu’une cosmologie ; entre l’immatériel et les qualités sensibles la démarcation devient de plus en plus subtile et insaisissable quand on examine de près la philosophie des stoïciens.

Leur philosophie est une philosophie de Vinimani’iiiw Comme telle, en dépit de la communauté d’effort moral, elle s’oppose à tous les systèmes précédemment décrits qui ont exprimé une philosophie de transcendance. La philosophie de transcendance reléguait Iheu dans un lointain inaccessible ; la philosophie de l’immanence l’identifiait avec le lini et le Çféé ; L’une et l’autre compromettaient les vérités religieuses essentielles et la