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805 ALEXANDRIE (ÉC. JUIVE D’) —ALEXANDRIE (ÉC. CHRÉTIENNE D’) 806

de bonnes raisons. Valkenær, Diatribe de Aristobulo Judseo, 1806.

III. Importance.

Pour plusieurs historiens de la philosophie (Iiavaisson, Vacherot, Fouillée, etc.), il y a eu à Alexandrie une véritable fusion du génie grec et -du génie hébreu. La pensée juive et la pensée grecque se cherchaient en quelque sorte, disent-ils, et leur pente naturelle, une nécessité logique, devaient les amener à se rencontrer et à se mêler. Sans doute, il y a très loin du naturalisme de la première philosophie grecque au Dieu transcendant de la religion juive, mais des deux côtés, une évolution aurait eu lieu qui, par des mouvements parallèles et de sens contraire, aurait effacé les différences primitives entre la théologie juive et la philosophie grecque et les aurait préparées à s’unir. C’est par la théorie des intermédiaires divins, les Idées et le Bien chez Platon, la sagesse chez les Juifs, que les deux courants intellectuels devaient parvenir à se joindre. Cette théorie, dictée surtout par le désir de construire une vaste synthèse, ne peut pas être maintenue après une étude complète des productions diverses du judaïsme alexandrin et après l’analyse de la notion biblique de la Sagesse. Les œuvres précédemment énumérées ont un caractère artificiel des plus marqués ; elles semblent plus d’une fois de purs jeux d’esprit. Au lieu d’une fusion, il faut parler de rapprochements forcés entre des données juives et des données grecques : de là tant d’identifications fantaisistes de personnes et de lieux, tant d’étymologies complaisantes, tant d’allégories conciliantes, et la métaphysique disparate destinée à accorder la Bible et Platon. Or, pour ce dernier chef, on peut montrer que la notion biblique de la Sagesse n’a rien de commun avec les préoccupations métaphysiques d’où sortiront plus tard les intermédiaires divins chers à quelques Judéo-Alexandrins. Si cette personnification doit être prise à la lettre, il faut l’interpréter autrement. En résumé, il n’y a pas eu de préparation juive de la littérature judéo-alexandrine : celle-ci est née, non pas d’une nécessité logique, mais d’une nécessité historique : le rapprochement subit et la vie côte à côte de deux races tout à fait étrangères l’une à l’autre. Cette conclusion est rendue plus manifeste encore par l’étude de la philosophie de Philon, le représentant le plus complet et le vulgarisateur du judéo-alexandrinisme, dont il a déterminé la destinée et l’influence. Voir Philon.

Dàhne, Geschichtliche Durstellung der jiidisch-alexandrinischenReligions philosophie, Halle, 1831 ; Biet, Essai sur l’École juive d’Alexandrie, Paris, 1804 ; Bois, Essai sur les origines de la philosophie judéo-alexandrine, Toulouse, 1890 ; Sclitirer, Ceschichte desjudisclien Volkes, 3° édit., 1898, t. iii, p. 304 sq.

L. Saltet.

IV. ALEXANDRIE (École chrétienne d>). — I. Données historiques. L’époque et le milieu. IL La théodicée alexandrine. III. L’allégorisme scripturaire, conséquence de la théodicée alexandrine. IV. Les fondements de la morale. Anthropologie. V. Premières conceptions d’une synthèse théologique. Rapports de la foi et de la raison. VI. Premières ébauches d’une exposition systématique des. mystères. La théologie du Verbe.

I. Données historiques. L’époque et le milieu. —

L L’ÉCOLE ET SES MAITRES. EXPOSÉ CHRONOLOGIQUE. —’1° L’école. — D’après une ancienne tradition (Eusèbe, 11. E., ii, 16, P. G., t. xx, col. 173 ; S. Jérôme, De vir. illustribus, viii, P. L., t. xxiii, col. 654), l’évangéliste saint Marc aurait fondé l’Église d’Alexandrie. Le christianisme y fit de rapides progrès ; et cette ville devint bientôt la métropole de l’Orient chrétien et lettré. Dans l’antique capitale des Ptolémées abondaient les ressources d’une haute culture scientifique : centre intellectuel où s’unissaient les influences orientales et occidentales. De bonne heure, suivant le témoignage d’Eusèhe, H ip/aiou eôo-j ; , H. E., V, 10, P. G., t. XX, col. 453, il exista une institution scolaire portant le titre

d’école des catéchumènes, tt, ç xa-rr|-/TJ<T£io ; 618aaxa>, eïov. Eusèbe, H.E., i,’S, P. G., t. xx, col. 528 sq. Dans la seconde moitié du il’siècle, elle prend une grande importance et devient une véritable école de théologie scientifique. D’après toutes les apparences, cette école est une dépendance de l’Église. L’évéque intervient dans la nomination et la révocation de ses chefs : elle a un caractère officiel ou semi-officiel. De la sorte, elle semble la première institution de ce genre, ayant avec l’Eglise d’étroites relations ; les écoles de Justin, Tatien, etc., étaient plutôt des écoles privées. Harnack, Realencyclopàdie fur protestantisclie Théologie, 3e édit., Leipzig, 1896, art. Alexandria. Autant que nous pouvons en juger, du temps d’Origène, l’organisation paraît avoir été des plus rudimentaires. Point de local déterminé, semble-t-il ; on se réunissait à la maison du maître, à une heure quelconque de la journée. Pas d’appointements, mais des libéralités privées — du moins dans cette période primitive du n* et du iiie siècle. Un riche Mécène, Ambroise (voir Mo r Batiffol, Anciennes littér. chrét. ; la littérature grecque, Paris, 1897, p. 182) entretenait pour Origène tout un personnel de scribes : « Sept tachygraphes et plus, qui se relevaient à tour de rôle, écrivaient sous la dictée d’Origène : il y avait autant de bibliographes, et aussi des jeunes filles exercées à calligraphier. » Eusèbe, H. £.. vi, 23, P. G., t. xx, col. 576.

Le recrutement des auditoires se faisait dans les milieux les plus divers : étudiants de toute condition et de tout âge, idolâtres aussi bien que catéchumènes et chrétiens baptisés. Dans son Panégyrique, saint Grégoire le Thaumaturge nous donne quelque idée du programme des études : vaste encyclopédie, où l’esprit se formait d’abord par une culture générale des sciences, puis étudiait et commentait les écrits des poètes et des philosophes de toute école. Il n’y avait d’exclusion que pour les épicuriens. Platon et Aristote étaient tenus en grande estime. La préoccupation morale pénétrait et dominait tout cet enseignement. Surtout, l’effort total semblait converger vers la méthode dialectique. Sans doute, il faut entendre par là une méthode avant tout préoccupée de distinguer et de définir les notions fondamentales de la morale et de la religion.

Les maîtres.

La direction de l’école était confiée à un chef, dans certains cas assisté d’un coadjuteur. C’est ainsi que se succédèrent : Pantène (finalement assisté par Clément), Clément, Origène (avec l’aide d’Héraclas), Héraclas et Denys, puis probablement Théognoste, Pierius, Sérapion, Pierre, Macaire (’?), Didyme et Rhodon.

La critique actuelle rejette le témoignage de Philippe de Side suivant lequel Athénagore aurait précédé Pantène. De Pantène nous savons fort peu de chose. D’après Eusèbe, H. E., v, 10, P. G., t. xx, col. 453, c’est un stoïcien converti, quelque temps occupé à propager le christianisme dans les Indes. Clément, qui se donne pour son disciple, Hypotyposes, dans Eusèbe, H. E., vi, 13, ibid., col. 548, parle d’ailleurs dans ses Stromates, i, 1, P. G., t. iivi col. 700 : « De ces hommes saints et dignes de toute louange dont il a eu le bonheur d’être le disciple ; l’un en Grèce, il était Ionien ; deux autres en grande Grèce, l’un était de Cœlé-Syrie, le second d’Egypte ; deux autres en Orient, l’un d’Assyrie, l’autre un Hébreu de Palestine. Mais celui que j’ai rencontré le dernier et qui était le premier pour la valeur, je le trouvai caché en Egypte, et n’en ai plus cherché d’autre que lui. » Ge dernier semble bien être Pantène.

Sans doute originaire d’Alexandrie et païen converti, Clément succède à son maître vers 190. Origène, d’abord son disciple, le remplace durant la persécution de Septime Sévère. A cette époque, Clément semble avoir quitté Alexandrie sans retour. Il mourut vers 215. H avait composé de nombreux ouvrages, dont nous possédons encore : le Protrepticos (avertissement aux Grecs],