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ALEXANDRIE (ÉGLISE D’)

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Elle acheva de l’abaisser, de le ruiner. Un de ses titulaires, Athanase III, fut réduit à passer plus de trente ans, de 1276 à 1308, sur les terres de l’empire byzantin ; d’autres y firent tantôt des voyages prolongés, tantôt de rapides apparitions pour solliciter des aumônes et des secours. Une situation si précaire permit au patriarcat œcuménique d’étendre son influence jusqu’aux bords du Nil et de s’immiscer dans les affaires ecclésiastiques des quelques orthodoxes restés là. Il le fit dés la fin du xiv c siècle, vers 1395, à propos d’une élection. Miklosich et Millier, Acta et diplomata grscca medii œvi, Vienne, t. ii, 1862, p. 273-274. Il le fit surtout dans la suite, après la prise de Constantinople par Mahomet II (1453) et plus encore après la conquête de l’Egypte par Sélim I" (1517).

A partir de cette dernière date, l’Église gréco-alexandrine cesse de compter. Au temps des mamelouks, ses patriarches ont plusieurs fois été réduits à séjourner dans le Vieux-Caire, sous l’œil du maître : maintenant que le pouvoir est passé à Constantinople, ils se voient dans l’obligation de fréquenter cette nouvelle capitale et de venir s’y incliner souvent devant le maître nouveau. Hôtes du clergé phanariote, dans les rangs duquel ils sont presque toujours cboisis, ils ne songent même pas à s’insurger contre la protection excessive et humiliante dont le chef dece clergé les entoure. Pasteurs sansouailles, ils occupent leurs loisirs, de loin comme de près, à nouer les intrigues qui amèneront la chute de leur collègue œcuménique, trop heureux s’ils parviennent à lui donner un successeur de leur choix, trop heureux surtout s’ils réussissent à recueillir eux-mêmes son héritage. Le cas se produit rarement. Il se produit cependant pourMélèce Pigas qui gouverne l’Église de Constantinople en qualité de locum tenens pendant une vingtaine de mois, d’avril 1597 aux premiers jours de 1599. Il se produit aussi pour son neveu Cyrille I er Lucaris qui, cinq fois déposé ou démissionnaire et cinq fois rétabli, monte à six reprises différentes sur le trône œcuménique, entre les années 1612 et 1638. Il se produit encore pour Cosmas III, dont le pontificat à Constantinople (1714-1716) s’intercale entre deux pontificats alexandrins. Deux des trois prélats que je viens de mentionner, Pigas et Lucaris, sont les seuls patriarches d’Alexandrie qui se soient fait un nom durant ces derniers siècles. Sur le premier, sur l’influence qu’il a exercée sur le monde orthodoxe, on peut consulter la monographie malheureusement peu critique que lui a consacrée Ivan Maluchevski, Meletius Pigas, patriarclie d’Alexandrie (en russe), Kiev, 1872. Pour le second, pour ses rapports avec le protestantisme, voir Lucaris.

XIII. Situation actuelle et titres. — On sait comment, de 1806 à 1849, la volonté puissante de Méhémet-Ali a créé l’Egypte moderne. Quand Méhémet se mit à l’œuvre, le siège grec d’Alexandrie se traînait dans une situation désespérée : ses titulaires, nommés par les autorités religieuses de Constantinople, avaient fixé leur résidence dans cette ville ; ses rares fidèles étaient livrés aux soins, ou, pour mieux dire, aux exactions d’un archimandrite que le Phanar envoyait. Le pacha réformateur s’accommoda mal d’un état de choses aussi con— j traire à ses vues politiques : il fit effort pour le changer et il y réussit. En 1846, à la mort de Hiérothée I er, tandis que le patriarcat œcuménique s’empressait d’assigner le siège alexandrin au phanariote Artémios, métropolite de Kustendil, les orthodoxes d’Egypte, dociles à l’impulsion du vice-roi, se permirent de procéder eux-mêmes à une élection, et ce fut l’homme de leur choix, Hiérothée II, que la diplomatie russe soutint et que le gouvernement turc agréa. Le Phanar, battu, résolut de venger sa défaite.

En 1856, à la mort de Hiérothée II et à l’élection de Callinique I er, le moment lui parut favorable. Deux partis se disputaient alors la conduite des affaires au sein de la communauté orthodoxe égyptienne et deux commissions

récemment instituées venaient d’inaugurer leurs travaux en se déclarant la guerre. C’était, d’un côté, avec la commission du Caire, le groupe des orthodoxes solidement fixés en Egypte et disposés par cela même à identifier leurs intérêts avec ceux du pays. C’était, de l’autre, avec la commission d’Alexandrie, le groupe des étrangers habitués à ne point détourner les yeux de Constantinople ou d’Athènes et toujours prêts à s’appuyer sur le consulat général du royaume hellène. Dans ces conditions, rien n’était plus facile pour le Phanar que de susciter mille difficultés au patriarche alexandrin choisi contre son gré. Il n’y manqua point. Les désordres nés de ses démarches à Constantinople, à Saint-Pétersbourg, à Athènes, à Alexandrie et au Caire, ont rempli tout un quart de siècle et troublé trois patriarcats successifs, celui de Callinique I er (1856-1858), celui de Jacques (1858-1866) et celui de Nicanor (1866-1870). Voir pour les détails 0. Schneider, Beitràge zur Kenntniss der griechisch-orthodoxen Kirche Mgjptens, Dresde, 187 i. A la mort de Callinique, d’interminables débats amenèrent une première intervention de Constantinople. A celle de Nicanor, la rivalité des deux archimandrites Eugène et Nil, les querelles sanglantes des partis qu’ils représentaient, forcèrent à recourir une seconde fois à l’instigateur unique de tous ces désordres, c’est-à-dire au Phanar. Celui-ci désigna pour le siège d’Alexandrie un vieillard du nom de Sophrone qui avait débuté en 1839 comme métropolite de Chio et avait occupé le trône œcuménique de 1863 à 1866. W Sophronios vient de mourir en 1899, âgé de 105 ans, après avoir ramené la paix et courbé le parti indigène sous le joug des grecs.

Sa résidence favorite était, durant la belle saison, l’île de Léros. Ses deux prédécesseurs passaient l’hiver au Caire, dans le quartier Hamsaoui, et l’été à Alexandrie, dans le monastère joint à l’église Saint-Sabbas que l’histoire mentionne dès l’an 720. Rien n’est moins déterminé que la résidence des quatre prélats, qui, aux termes des décisions prises en 1867, forment le saint synode patriarcal d’Alexandrie. Métropolites honoraires de Péluse, de la Thébaïde, de la Pentapole et de la Libye, ces quatre prélats n’ont aucun diocèse à gouverner et vivent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Le Caire, Alexandrie et Port-Saïd sont les villes où ils séjournent le plus ordinairement. L’un d’entre eux, celui de la Pentapole, dirige à Athènes une sorte de grand séminaire connu sous le nom d’école Rizeios ou de Rizeion.

Le patriarche grec d’Alexandrie porte le titre de béatitude. Les salutations liturgiques officielles le proclament : « Père et pasteur, pape et patriarche de la grande ville d’Alexandrie, de la Libye, de la Pentapole, de l’Ethiopie et de toute la terre d’Egypte, père des pères, pasteur des pasteurs, treizième apôtre et juge de l’univers. » De tous ces titres, le moins curieux n’est pas le dernier. D’après quelques auteurs, il remonterait à l’an 431 et serait la récompense décernée à saint Cyrille pour le rôle qu’il joua dans le troisième concile. D’après quelques autres, il aurait son point de départ dans la sentence rendue au {{rom-maj|XI)e siècle par Théophile d’Alexandrie à propos d’un différend qui divisait l’empereur Basile II le Bulgaroctone (976-1025) et le patriarche de Constantinople SergiusII (999-1019). Ce fait raconté par le grand logothète Épiphane a été inséré par Dosithée dans son Histoire des patriarches de Jérusalem (en grec), 1. VII, c. xix, § 9, Bucarest, 1715, p. 746 ; mais on ne peut l’accepter aveuglément. La seule chose certaine c’est que la judicature universelle des patriarches d’Alexandrie apparaît pour la première fois dans leur titre au {{rom-maj|XVI)e siècle. Dans un discours de saint Grégoire de Nazianze, saint Athanase est appelé « œil de l’univers », mais point « juge », « pontife des prêtres, » mais point « pasteur des pasteurs ». Orat., xxv, in laudem Heronis, P. G., t. xxxv, col. 1113. Dans une lettre plus ou moins authentique de Nectaire à saint Cyrille, le fameux Théophile