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ALEXANDRIE (ÉGLISE D’)


d’Alexandrie, voir [E. Bouvy], Alexandi’ie. La ville chrétienne, Paris, s. d., et l’article grec de G. Mazaraki,

Les temples chrétiens d’Alexandrie avant la conquête, paru dans VAnatoitkos Astu ; n. 35 et 36, Constantinople, 1884.

La tempête se calma sous le califat d’Hescharn (724743). Ce prince autorisa la réorganisation de l’Eglise antimonophysite et accepta comme patriarche un artisan du nom de Cosmas, qui ne savait ni lire ni écrire, mais chez lequel beaucoup d’habileté rachetait beaucoup d’ignorance. Cosmas se rendit à la cour des Ommiades, à Damas : il s’insinua dans les bonnes grâces de quelques secrétaires et obtint par eux que la communauté orthodoxe rentrât en possession des églises dont les coptes l’avaient dépouillée. Le médecin Politianos fut le second titulaire du patriarcat restauré. Mandé’dans la capitale des Abbassides à Bagdad, auprès d’une favorite dIIaroun-al-Baschid, il guérit cette femme qui simulait, dit-on, une maladie de langueur et reçut, entre autres récompenses, des lettres qui lui permettaient de recouvrer de nouvelles églises. Acheter les favoris et les secrétaires du prince, intriguer au moyen des chrétiennes du harem, telle fut la grande occupation des prélats qui suivirent Cosmas et Politianos. Les difficultés de leur situation les excusent : il leur fallait se maintenir coûte que coûte, il leur fallait arrêter l’accroissement des impôts, défendre les édifices du culte, résister tout ensemble à la haine des monophysites et au fanatisme des musulmans. Ce fanatisme finit en effet par se faire sentir, et lourdement. Aux jours de tolérance, qui avaient marqué le premier siècle de la domination arabe, succédèrent, même pour les coptes, les jours de persécution. Il suffit, pour s’expliquer ce changement, de se rappeler les vicissitudes politiques traversées par l’Egypte. De 610 à 870, l’Egypte obéit aux califes ; de 870 à 905, aux sultans Toulounides, dynastie locale issue d’un esclave turc ; de 905 à 934, aux Abbassides, comme avant 870 ; de 934 à 9(59, aux sultans Ikhcidites, seconde dynastie turque ; de 909 à 1171, aux Fatimites de Kaïrouan ; de 1171 à 1250, à la dynastie des Ayoubites fondée par le fameux Youssouf Sahah-ed-Din ou Saladin ; de 1250 à 11582, aux mamelouks Baharites ou Maritimes ; de 1382 à 1517 aux mamelouks Bordjites ou Circassiens. Devenue province de l’empire turc en 1517, elle lui reste soumise, au moins dans une certaine mesure, jusqu’au xix c siècle. Tant de gouvernements, établis les uns par la conquête et les autres par la révolte ou l’usurpation, ne pouvaient se remplacer, on ne le conçoit que trop, sans modifier la politique libérale adoptée au début par les successeurs directs de Mahomet. Si les monophysites en souffrirent au point d’apostasier et de s’enrôler en masse dans les bataillons de l’Islam, les melkites n’eurent pas non plus à s’en féliciter. Leur nombre baissa de jour en jour : ils tombèrent dans une ignorance profonde. Soumis à des lois d’exception, ils furent condamnés par les Abbassides à porter des habits qui permissent de ne jamais les confondre avec les musulmans, mais ils n’obtinrent point d’ouvrir des écoles qui eussent perpétué parmi eux une langue différente de celle de leurs persécuteurs. L’arabe ne pénétra jamais dans leur liturgie ; mais, dans l’usage courant, il remplaça le grec sur leurs lèvres. Le patriarche Christophe, qui siégea de 805 à 830, prêchait encore dans le parler de saint Athanase, P. G., t. C, col. 1215 ; mais un siècle plus tard Eutychius (83381O) composai ! ses Annales en arabe. Cet ouvrage témoigne d’une décadence intellectuelle effroyable : ses multiples erreurs attestent que l’écrivain n’a pas eu beaucoup d’anciens documents sous la main ; ses listes épiscopales, arrêtées pour Rome à saint Agathon (670681) el poussées pour Constantinople jusqu’à Théodote Cassitéras (815-821), montrent que les relations n’étaient alors ni faciles, ni fréquentes entre l’Egypte et la

chrétienté d’Occident. De fait, on le sait par ailleurs, tout se bornait, entre les deux pays, à des relations commerciales. Venise en profita, au début du IXe siècle, pour dérober le corps de saint Marc. Bernardi, ltinerarium in loca sancta, P. L., t. cxxi, col. 369.

Avec le patriarcat œcuménique, Alexandrie entretenait des rapports meilleurs et plus suivis. Ces rapports se multiplièrent surtout lorsque Byzance affaiblie eut cessé d’inspirer la moindre crainte au Caire, mais ils existaient dès avant cette époque et ils eurent comme conséquence fatale d’entraîner les melkites dans le schisme de Photius.

XII. Du schisme a Méhémet-Ali. — Une fois dévoyé, le patriarche alexandrin suivit généralement la même ligne de conduite que son collègue du Bosphore. Il se contenta presque toujours de ratifier après coup les décisions prises par lui, pourvu que ces décisions fussent hostiles à Rome. L’Eglise d’Alexandrie ne joue aucun rôle dans les tentatives d’union qui occupent un instant, au xiir siècle, le synode de Nicée (1234) et les deux conciles généraux de Lyon (1245 et 1274) ; mais son patriarche, Athanase III, intervient à Constantinople en 1283 pour condamner Jean Beccos, trop favorable aux latins. L’Église alexandrine reste également étrangère aux démarches faites auprès des Pères de Constance (1418) et de Bàle (1434-1437) : il faut que l’empereur Jean VII Paléologue l’y invite par deux fois (1436 et 1437) pour que son patriarche Philothée confie à deux prélats byzantins, Antoine, métropolite d’Héraclée, et Grégoire Mainmas, protosyncelle de Constantinople, le soin de le représenter aux assises de Ferrare (1438) et de Florence (1439). Cela, d’ailleurs, n’empêche pas ce même Philothée de prendre part, en 1450, à l’un des synodes byzantins qui abrogent l’union. Deux de ses prédécesseurs s’étaient, par exception, montrés beaucoup mieux disposés vis-à-vis de Borne : l’un d’eux, Nicolas I er, avait reçu en 1210 du pape Innocent III une lettre des plus élogieuses, et, treize ans plus tard, il avait lui-même écrit en d’excellents termes à Honorius III ; l’autre, Niphon, s’était adressé à Urbain V qui lui avait répondu en 1367.

L’adhésion d’Alexandrie au schisme s’explique également par ses relations avec les patriarcats d’Antioche et de Jérusalem, relations faciles et fréquentes, surtout durant les périodes relativement longues où la S) rie appartint aux mêmes maîtres que l’Egypte. Ces rapports survécurent aux brillantes campagnes que dirigèrent contre l’Orient arabe Nicéphore Phocas (963-969) et Jean Tsimiscès (969-976), ainsi qu’à la grande lutte des croisades. Il nous en est resté un monument dans le travail canonique rédigé par Théodore Balsamon, patriarche d’Antioche, en réponse aux soixante-quatre doutes que le patriarche Marc, d’Alexandrie, lui soumit au mois de février 1195. P. G., t. cxxxviii, col. 951-1012. Les questions du prélat alexandrin jettent un certain jour sur la situation de. son Eglise. Celle-ci, infiniment peu nombreuse (col. 993), végète au milieu des infidèles, c’est-àdire des Sarrasins, auxquels s’adjoignent des juifs (col. 994), et au milieu des hérétiques, c’est-à-dire des coptes, auxquels s’ajoutent des latins, des arméniens, des nestoriens et surtout des monothélites (col. 981, 985). Elle a des fidèles qui prétendent choisir eux-mêmes, et eux seuls, leurs évoques, leurs prêtres et leurs diacres (col. 989, 1(K)7) ; des couvents où les supérieures enlen| dent confesser elles-mêmes leurs religieuses (col. 985) ; un patriarche dont les questions trahissent parfois une ignorance extrême.

Telle était la situation à la fin du XIIe siècle., ll’lque quatre-vingts ans plus tard, la brutalité des musulmans faisait rage parmi les chrétiens. Cette persécution, il faut le reconnaître, pesa indistinctement sur foutes les confessions représentées en Kgyptc, mais elle fut plus particulièrement nuisible au siège grec de saint Marc.