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ALEXANDRIE (ÉGLISE D’)

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drie. Menacée par la fondation sur le Bosphore d’une capitale nouvelle, cette suprématie fut définitivement compromise lorsque Théodose I er, renonçant aux palais de Nicomédie comme à ceux d’Antioche, fixa la cour d’une manière effective et permanente à Constantinople. Elle succomba tout à fait dés que l’exemple d’Arcadius et de Théodose II, qui ne parurent jamais à la tête des légions, eut permis aux premiers princes byzantins de rester enfermés dans leur ville impériale et d’y consumer leurs vastes loisirs à discuter de théologie. Les évoques d’Alexandrie se défendirent vaillamment contre leurs rivaux du Bosphore. Pierre II (373-4 février 381) imita son prédécesseur Athanase : il lutta comme lui contre Valens et comme lui courut chercher un refuge à Borne. Son dernier acte fut d’affirmer les prérogatives alexandrines en intervenant, sous Théodose I er, dans les affaires ecclésiastiques de Constantinople. Timothée, son frère, lui succéda : il soutint Maxime le Cynique contre Grégoire de Nazianze et profita du IIe concile œcuménique pour amener la retraite du saint docteur. On a de Timothée 63 réponses canoniques. Pitra, Juris eccl. Grœc. hist. et mon., t. i, p. 630-645. Théophile (39515 octobre 412), Cyrille (412-28 juin 444) et Dioscore (444-451) virent les derniers beaux jours de l’Egypte chrétienne. Ils seront tous trois l’objet d’une étude particulière, mais je dois noter ici les triomphes, tantôt glorieux, tantôt regrettables, qu’Alexandrie remporta par eux sur Constantinople. Théophile ordonna Jean Chrysostome en 398 et le déposa au conciliabule du Chêne en 403. Cyrille présida en 431 le concile œcuménique d’Éphèse qui lança l’anathème à Nestorius. Dioscore dirigea le brigandage de 419 en faveur d’Eutychès contre Flavien. Cette victoire fut sans lendemain. En 451, les Pères de Chalcédoine, non contents de condamner Dioscore et le monophysisme, élevaient l’évëque de la ville impériale au-dessus de tous ses collègues orientaux. Dès ce jour, le fossé qui séparait Alexandrie de Constantinople devint un abîme. Furieux contre un concile dont le 28e canon était la prééminence à leur Église, mal disposés contre l’autorité impériale qui avait convoqué et qui soutenait ce concile, les chrétiens du Nil ne trouvèrent rien de mieux, pour marquer leur mécontentement, que d’embrasser en masse l’hérésie proscrite. Ils se firent monophysites et se proclamèrent coptes, c’est-à-dire égyptiens d’Egypte : aux grecs, fonctionnaires ou marchands, qui restaient sur leur sol, fidèles au dogme catholique, ils donnèrent le sobriquet de melkites, qui signifie impériaux.

X. DU CONCILE DE CHALCÉDOINE A. LA CONQUÊTE ARABE.

— Ces événements portèrent un coup fatal au second siège de la chrétienté. Sous Théophile et Cyrille, son titulaire jouissait, dans les affaires ecclésiastiques et même civiles, d’une puissance presque illimitée : vrai Pharaon de l’Egypte chrétienne, il tenait tous les évêques sous la main et faisait trembler tous les gouverneurs. Désormais, il sera sans prestige et sans influence, tantôt exilé par le pouvoir et tantôt chassé par la populace, victime des caprices impériaux et jouet des émeutes populaires. S’il professe l’orthodoxie, il n’aura qu’un troupeau infime ei ne parviendra à se maintenir qu’en s’appuyant sur la garnison. S’il tient pour le monophysisme, il sera suivi par la majorité des populations égyptiennes, mais les quatre cinquièmes du monde chrétien refuseront de communiquer avec lui. Dans l’un et l’autre cas, il végétera misérablement. Rien n’est misérable en effet, rien n’est digne de pitié comme la double chaîne des pasteurs alexandrins. Au début, cette chaîne se brise souvent. Elle se brise du côté des coptes, quand un empereur plus orthodoxe et plus énergique se résout à faire sentir son autorité sur les bords du Nil. Elle se brise du côté des grecs, lorsque le préfet byzantin ne sait pas tenir tête à la populace d’Alexandrie ou que le prince lui-même a des préférences marquées

pour les hérétiques. Parfois, au lieu de s’unifier, la chaîne devient triple. C’est le cas sous Justin II (565-578) : à la suite d’un fractionnement survenu dans le camp monophysite, le prélat catholique trouve devant lui deux compétiteurs, l’un gaïanite et l’autre théodosien. Jamais, d’ailleurs, ou presque jamais, les anneaux de cette chaîne ne sont très brillants : ils sont en tous cas trop nombreux pour être énumérés ici. Je dis ceci des grecs, n’ayant pas à m’occuper des coptes.

Les prélats grecs, eussent-ils eu d’héroïques vertus, ne pouvaient ramener à l’orthodoxie une province où tout les rendait parfaitement détestables. Soutenus et parfois même nommés par l’empereur, ils participaient à la haine que l’autorité de cet empereur inspirait dans toute l’Egypte. Sacrés par l’évëque de Constantinople, ainsi qu’il arriva pour Paul, sous Justinien I er, et pour Jean, sous Justin II, ils reconnaissaient la déchéance de leur siège et par là même réveillaient tous les vieux ressentiments de l’Egypte contre le concile dont le 28e canon avait sanctionné la suprématie ecclésiastique de la ville impériale. D’ailleurs, les variations de la cour suffisaient à discréditer ses protégés. Tour à tour catholique et monophysite, tantôt monophysite d’une façon et tantôt d’une autre, la cour prit parti dans toutes les querelles religieuses qui se greffèrent sur l’eutychianisme ou surgirent à côté de lui : elle joua son rôle polymorphe et contradictoire dans les interminables débats de l’origénisme et des « trois chapitres » aussi bien que dans la grave affaire du monothélisme. Ses multiples changements, traduits sur le siège gréco-alexandrin par des palinodies ou par la déposition et l’exil, achevèrent de mettre le successeur de saint Marc en fort mauvaise posture vis-à-vis de ses ouailles récalcitrantes. Celles-ci ne voulurent voir en lui que l’instrument plus ou moins docile d’un pouvoir méprisé. A vrai dire, Constantinople leur donna de temps à autre d’irréprochables pasteurs, mais ce fut en vain. Les aspirations nationales, les antipathies de race étaient là qui tenaient l’Egypte plongée dans son hérésie : rien ne fut capable de l’en retirer, ni le sang de Protérius ({ 457), ni les travaux d’Euloge (581-608), ni la charité de Jean l’Aumônier (606-616). Sous Héraclius, à la veille de la conquête musulmane, l’Église grecque d’Alexandrie comptait à peine 200000 fidèles, recrutés presque tous parmi les fonctionnaires, les soldats et les commerçants, c’est-à-dire parmi les gens étrangers au pays ; l’Église copte au contraire groupait 5 à 6 000 000 d’àmes, toute la population indigène ou peu s’en faut.

XL DE LA CONQUÊTE ARABE AU SCHISME PHOTIEN. — En

638, ces coptes accueillirent les Arabes comme des libérateurs : ils allèrent au-devant d’Amr ibn et As, heureux de lui livrer toute la vallée du Nil, fâchés de ne pouvoir lui ouvrir les portes d’Alexandrie où l’élément grec et les troupes impériales s’étaient concentrés. Cette différence entre la conduite des monophysites et celle de leurs adversaires influa sur la politique des conquérants. Comme de juste, les Arabes réservèrent toutes leurs faveurs à qui les avait favorisés, toutes leurs rigueurs à qui les avait combattus. Tandis que le patriarche monophysite Benjamin obtenait une situation privilégiée et léguait à ses héritiers une autorité reconnue du vainqueur, l’Église de ses rivaux faillit disparaître. Un certain Pierre réussit, il est vrai, à prendre la place de Cyrus, patriarche melkite contemporain de l’invasion, mais il n’eut pas lui-même de successeur, et le siège grec d’Alexandrie, devenu monothélite avec ses deux derniers occupants, resta sans titulaire durant près d’un siècle. Ses fidèles, singulièrement réduits par la fuite, n’eurent d’autres pasteurs que de simples évêques soumis au métropolite de Tyr, ou, plus exactement, consacrés à Tyr. Quant à leurs églises, elles passèrent presque toutes aux mains de leurs ennemis qui en firent des mosquées musulmanes ou des temples eutychéens. Sur les églises