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ALEXANDRIE (ÉGLISE D’)

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Le bourg principal de chaque territoire se mit à jouer un rôle : sous le nom de métrocomie, il devint presque le rival de la cité et reçut comme elle son évêque propre. Telles sont les considérations, tels sont les faits, qui me semblent plaider en faveur des renseignements fournis par Eutychius : à ces renseignements il faut, si je ne me trompe, reconnaître un fond de vrai. Mais ceci, bien entendu, supplique à la seule Egypte. La Cyrénaïque jouissait d’une organisation toute différente. Comme l’indique son nom de Pentapole, elle possédait avec Cyrène, Ptolémaïs, Bérénice, Apollonia et Arsinoë, cinq cités particulièrement remarquables, toutes désignées pour devenir très vite autant d’évêchés. Voilà tout ce qu’on peut dire sur le début des Églises suffragantes d’Alexandrie. Quoi qu’il en soit de leur origine, il est certain qu’au synode tenu contre Arius, en 320 ou 321, saint Alexandre réussit à réunir près de cent évêques. Sur le nombre, ceux de Cyrénaïque seuls avaient une sorte de métropolitain : tous les autres relevaient du patriarche alexandrin sans intermédiaire aucun. Peu à peu, grâce à l’influence lente mais inéluctable de divisions administratives introduites par Dioclétien et par Théodose, cette organisation spéciale au patriarcat d’Alexandrie se modifia et les suffragants s’y groupèrent, comme ailleurs, en différentes provinces. Nous connaissons actuellement 103 sièges de l’ancienne Église égyptocyrénéenne : 1 patriarcal, 8 métropolitains ou quasi métropolitains, 94 épiscopaux. On les trouvera dans Le Quien, Oriens christianus, t. ii, col. 385-640. Je me borne ici à donner la liste des 9 provinces avec leur centre ecclésiastique et le nombre de leurs diocèses simplement épiscopaux : 1° Egypte I re, Alexandrie, 13 évèchés, sans compter celui que les eusébiens réunis à Tyr en 335 prétendirent ériger à Maréotis en faveur d’Ischyras ; 2° Egypte II e, Cabasa, 8 évêchés ; 3° Augustanmique I re, Péluse, 13 évèchés ; 4° Augustamnique II e, Léontopolis, 7 évèchés ; 5° Arcadie, Oxyrrhynchus, 10 évêchés ; 6° Thébaïde 1°, Antinoé, 8 évêchés ; 7° Thébaïde II e, Ptolémaïs Hermii, 14 évêchés ; 8° Libye I n ou Pentapole, Ptolémaïs, 14 évêchés ; 9° Libye IIe ou Marmarique, Darnis, 7 évêchés. La prétendue province de Libye métropolitaine, insérée par Migne dans son —Dictionnaire géographique, t. I, col. 818, n’a jamais existé qu’au sein de notices fautives.

V. Bibliothèque et mouvement scientifique.

C’est à Xicée, dans le 6e canon du concile, que l’Église de saint Marc vit sa juridiction solennellement confirmée. Pitra, Juris Ecoles. Grxcorum hist. et monumenta, in-4°, t. i, Borne, 1864, p. 429. Elle l’avait mérité par les services rendus, services d’ordre surtout scientifique, dont il faut chercher la cause principale, bien qu’indirecte, dans la présence de la fameuse bibliothèque. Celle-ci a toute une histoire. Créée par les premiers Lagides, fort éprouvée durant la révolte du futur Ptolémée VII contre son frère Ptolémée VI, relevée et développée par leurs successeurs, elle comptait, dit-on, jusqu’à 700 000 volumes rangés mi-partie dans le Sérapéion et mi-partie dans le Musée, le jour où ce dernier monument partagea le sort de la flotte égyptienne incendiée par Jules César. Pour réparer ce désastre, Antoine offrit à Cléopâtre tous les trésors littéraires des Attalides, et Caracalla, 250 ans plus tard, releva l’édifice détruit. Les dépouilles de Pergame et les dépôts du Sérapéion constituaient encore une assez belle bibliothèque : malheureusement cette collection sans rivale eut beaucoup à souffrir des luttes qui ne tardèrent pas à éclater entre le christianisme triomphant et le paganisme vaincu. Sous Théodose, le temple de Sérapis était la principale citadelle du polythéisme égyptien, le principal centre de résistance à la politique des empereurs : il fut livré aux flammes et presque tous ses volumes périrent avec lui. Les rouleaux recueillis sous les cendres ou conservés ailleurs disparurent définitivement au

viie siècle, par le fait de la conquête musulmane, sans qu’on puisse dire comment. D’après Aboul Faradj, le général Amr ibn et As, lieutenant du calife Omar, les aurait employés à chauffer les bains de la ville : mais cette affirmation d’un historien relativement tardif passe aux yeux de beaucoup pour une légende, bien que d’autres auteurs arabes l’aient répétée. Avant ces malheureux événements, durant les premiers siècles de notre ère, la vieille bibliothèque des Ptolémées attirait encore les savants de tous les pays. Alexandrie, grâce à elle, se maintenait toujours au rang de capitale des lettres qu’elle avait précédemment conquis. Fixée dans cette ville, placée dans le centre le plus intellectuel de l’époque, sortie du judaïsme le plus éclairé, obligée de tenir tête au paganisme le plus séduisant, l’Église de saint Marc devint, parmi les communautés chrétiennes, la reine de la science et des idées. En 325, le concile de Nicée lui reconnut presque officiellement cette suprématie : s’il laissa, comme de juste, à l’autorité romaine le soin de promulguer la date annuelle de Pâques, c’est le savoir alexandrin qu’il chargea de calculer cette date. Cyrille d’Alexandrie, Epist., lxxxvii, P. G., t. lxxvii.coI. 385 ; Léon I er Epist., cxxi, P. L., t. liv, col. 1056. Mieux que par ce fait la supériorité intellectuelle d’Alexandrie nous est prouvée par le grand nombre et le grand renom des hommes qu’elle a fournis à l’Église des IIIe et ive siècles. Je ne puis toutefois les citer ici, car leur place est toute marquée dans l’article relatif à 1ÉCOLE chrétienne d’Alexandrie.

VI. Hérésies et schisme.

Avant de produire d’illustres écrivains et d’illustres pontifes, l’Église de Marc avait témoigné de sa vitalité féconde en donnant le jour à de multiples hérésies. Cela ne saurait étonner : les Alexandrins d’alors remuaient une masse effrayante d’idées, et toutes les doctrines, les plus sensées comme les plus folles, passaient parmi eux en changeant. La gnose ne pouvait qu’y fleurir : elle y fleurit à merveille. Cf. L. Duchesne, Les origines chrétiennes, lithograph., Paris, p. 139-156. C’est à Alexandrie, que Basilide et Carpocrate dogmatisèrent sous Hadrien : c’est d’Alexandrie que Valentin vint à Borne sous Antonin le Pieux. C’est de là aussi que le pape Anicet vit accourir Marcellina ; c’est là également qu’Apelles, forcé de quitter l’Italie, alla chercher la somnambule Philomène et le livre des Bévélations. Je n’ai pas à énumérer les disciples et les émules de ces hérésiarques : on les trouvera mentionnés à l’article Gnose, avec le résumé général de leurs doctrines. Quant aux détails de leur vie ou aux particularités de leur système, il faut les chercher sous le nom de chacun d’eux.

Après le gnosticisme, qui fut la plaie du IIe siècle, l’Église d’Alexandrie fut travaillée par l’hérésie antitrinitaire de Sabellius. Cet homme était né en Libye : les erreurs qu’il enseignait à Borne sous le pape Zéphirin (202-217) eurent vite fait de pénétrer dans sa patrie. Au milieu du siècle, elles avaient gagné plusieurs évêques de la Pentapole. Athanase, Epistola de sententia Dionysii, 5, P. G., t. xxv, col. 485. Pour les ramener, saint Denys écrivit plusieurs lettres ainsi qu’un traité en quatre livres. Eusèbe, H. E., VII, 26, P. G., t. xx, col. 708. Son action n’empêcha pas le sabellianisme de se maintenir en Egypte et d’y compter encore de nombreux partisans au temps de saint Pierre. Les efforts de saint Athanase ne devaient pas être de trop pour la réprimer. Voir Sabellius.

Je ne m’arrête point aux erreurs d’Origène ni à l’hérésie d’Arius. Outre que les tempêtes qu’elles soulevèrent sont plutôt postérieures, elles ont trop d’importance pour ne pas être traitées à part. En attendant les fatales divisions qu’elles allaient provoquer, l’Église égyptienne eut à subir le schisme de Mélèce, évêque de Lycopolis, qui se révolta contre saint Pierre et ne craignit pas d’instituer toute une hiérarchie à côté de la hiérarchie légi