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ALEXANDRIE (ÉGLISE D’)


sa croix, tirait son origine de Cyrène. Matth., xxvii, 32 ; Marc, xv, 21 ; Luc, xxiii, 26. Aux miracles de la Pentecôte assistaient, entre autres témoins, des gens venus de l’Egypte et de la Cyrénaïque. Act., ii, "10. Les deux synagogues des Cyrénéens et des Alexandrins, à Jérusalem, comptaient des représentants parmi les contradicteurs du diacre Etienne. Act., VI, 9. Lucius et plusieurs de ceux qui évangélisèrent les premiers Antioche étaient des Cyrénéens, établis, semble-t-il, dans la ville sainte. Act.. xi, 20 ; iixi 1. Apollos, un des plus vaillants auxiliaires des apôtres, appartenait par sa naissance à la communauté juive d’Alexandrie. Act., xviii, 24. Ces quelques faits et les étroites relations qu’ils supposent entre la Palestine et le nord-est de l’Afrique ne permettent pas de douter que cette dernière contrée n’ait reçu la bonne nouvelle bien avant la prédication de l’évangéliste saint Marc.

II. Mission de saint Marc.

A saint Marc cependant revient l’honneur d’avoir constitué l’Église alexandrine. Si la tradition tardive qui nous montre l’apôtre Simon sur les bords du Nil n’a, pour ainsi dire, aucune valeur historique, Acta sanct., t. xii octobris, p. 424, 425, celle qui se rapporte au disciple préféré de saint Pierre paraît infiniment plus fondée. Recueillie par Eusèbe, H. E., ii 16, P. G., t. xx, col. 173 ; Chrome, il, P. G., t. xix, col. 539, elle a été acceptée par saint Épiphane, Adv. hxr., haïr, li, 6, P. G., t. xli, col. 900, par saint Jérôme, De viris ill., iivi P. L., t. xxiii, col. 621, et par tout le monde après eux. Au rapport d’Épiphane, loc. cit., et de Jérôme, loc. cit., Marc tenait sa mission du prince même des apôtres : c’est pour ce motif que le sentiment de l’antiquité chrétienne, si bien interprété par saint Grégoire le Grand, Epist., 1. VII, epist. xl, P.L., t. lxxvii, col. 899, et si énergiquement rappelé par Nicolas I er, Responsa ad consulta Bulgarorum, P. L., t.cxix, col.976, n’a jamais hésité à reconnaître des fondations de saint Pierre dans tous les sièges primitivement patriarcaux, c’est-à-dire dans les sièges d’Antioche, de Rome et d’Alexandrie. Les dates assignées à l’arrivée de saint Marc en Afrique sont trop contradictoires pour être relatées ici. L’itinéraire de ses courses n’est guère plus connu. On dit pourtant que l’évangéliste, en partant de Rome, prêcha tout d’abord dans la Cyrénaïque ; on ajoute même que cette province le revit une seconde fois peu de temps avant sa mort. Sans être historiquement prouvé, l’apostolat de Marc à Cyrène et aux environs ne laisse pas que de présenter quelque vraisemblance : il explique, beaucoup mieux que la position géographique elle-même, la juridiction constamment exercée par le siège alexandrin sur l’Église cyrénéenne. Cette juridiction n’a pu découler de la situation politique où le nord-est de l’Afrique se trouvait alors. Unie à la Crète, formant avec elle une province dévolue au Sénat, la Cyrénaïque avait à sa tête un propréteur, investi du titre de proconsul ; l’Egypte au contraire était une province impériale, ou, pour mieux dire, un domaine de la liste civile administré au nom de César par un simple chevalier. Voir J. Marquardt, Organisation de l’Empire romain, trad. franc de P. Louis-Lucas et A. Weiss, 2 in-8 », Paris, 1889-1892, t. ii, p. 405, 432. Dans ces conditions, et malgré la position géographique, l’Kglise de Cyrène aurait dû plutôt, semble-t-il, se rattacher, comme celle de Crète, au patriarcat d’Occident. Si elle n’en lit rien, c’est que, peut-être, en dehors du voisinage, de pressants motifs d’ordre religieux, des origines chrétiennes communes, l’enchaînaient ailleurs.

III. Premiers évêques.

Au ive siècle, les chrétiens d’Alexandrie vénéraient les reliques de leur premier pasteur à l’est de la ville, dans le quartier nommé linukolia. Acta S. Pétri Alex., P. G., t. xviii, col. 161. Là reposaient également les successeurs de l’évangéliste martyr, op. cit., col. 162. Eusèbe nous a conservé leur nom avec la date, d’ailleurs impossible à contrôler, de

leur pontificat. Ses Chroniques, P. G., t. xix, col. 543, 549, 551, 555-, 555, 558, 559, 560, 561, 565, et son Histoire ecclésiastique, ii 24 ; iii, 14, 21 ; iv, 1, 4, 5, 11, 19 ; v. 9, 22, jP. G., t. xx, col. 205, 248, 249, 256, 303, 308, 309, 329, 377, 453, 489, permettent d’établir pour les deux premiers siècles la liste suivante : Annianus, Abilius, Cerdon, Primus, Justus, Eumenes, Marcus II, Celadion, Agrippinus et Julianus. Ce dernier mourut probablement le 4 mars 189. Les pontifes qui le suivirent sont, pour la plupart, illustres à plus d’un titre. Il sera question d’eux, d’après Eusèbe et divers autres auteurs, soit en des articles spéciaux, soit à propos de 1’école catéchétique et de ses docteurs, soit à propos d’Arius et de son hérésie : qu’il me suffise ici de les noter au passage. Démétrius, l’ami et plus tard l’adversaire d’Origène, semble avoir occupé le siège de saint Marc jusqu’au 8 octobre 232, pendant un épiscopat de 43 ans ; il éleva son Eglise à un tel degré de splendeur que celles d’Antioche et d’Éphèse s’en trouvèrent éclipsées. Héraclas poursuivit son œuvre de 232 à 247 ; il garda la même ligne de conduite vis-à-vis d’Origène. Photius, Interrog. ix, P. G., t. civ, col. 1229. Denys, dont l’œuvre sera étudiée à part, attira pendant dix-sept ans tous les regards de la chrétienté. Après lui, Maxime et Théonas brillèrent, mais d’un éclat moins vif, le premier de 265 à 282, le second de 282 à 300. Puis vint saint Pierre, qui mourut pour la foi en 311 ou 312, après un épiscopat troublé par la persécution, le schisme et l’hérésie. Saint Alexandre siégea de 313 au 17 avril 328 : ses efforts contre l’arianisme, qu’il combattit en Egypte et à Nicée, remplissent les premières pages de l’histoire de cette hérésie.

IV. Sièges suffragants d’Alexandrie. — En 328, lorsque le diacre Athanase recueillit la succession de saint Alexandre, le patriarcat d’Alexandrie, pleinement constitué, étendait sa juridiction sur une centaine d’églises. Cet état de choses ne remontait pas bien haut. Jusqu’au iiie siècle, en effet, l’Egypte ne formait qu’un seul diocèse, dont l’évêque d’Alexandrie partageait l’administration avec un collège de douze prêtres institué par saint Marc. C’est là, du moins, ce que racontent les Annales d’Eutychius. Le Quien corrige Eutychius touchant la qualité des douze coadjuteurs qu’il transforme, à tort ou à raison, en évêques auxiliaires, mais il admet dans une certaine mesure le fond même de son récit, Oriens christianus, t. H, col. 316 ; peut-être faut-il l’imiter en cela. De fait, à défaut de toute autre preuve, l’organisation politique de l’Egypte d’alors parle très haut dans le sens du tardif historien. Ce qui frappe dans cette organisation, c’est la centralisation administrative exceptionnelle voulue par Auguste. Ailleurs, en Italie et dans la plupart des provinces, le pays se divise en un certain nombre d’unions communales et de territoires urbains administrés par des assemblées et des magistrats locaux. Ces autonomies, indépendantes l’une de l’autre, fonctionnent côte à côte, librement, sous le seul contrôle de l’autorité romaine. En Egypte, rien de pareil. Marquardt, op. cit., t. ii, p. 409 sq. L’ancien royaume de Cléopâtre forme un ensemble compact dont toutes les parties se commandent l’une l’autre comme les rouages d’une machine : il est divisé en épistratégics, chaque épistratégie en nomes, chaque nome en toparchies, chaque toparchie en territoires, chaque territoire en districts. Le régime des libertés communales y est inconnu, sauf, partiellement, à Alexandrie et dans trois ou quatre villes dotées de privilèges. Cela revient à dire que l’Egypte n’a pas de cités. Or, ce sont les cités et les cités seules qui reçurent des évêques aux deux premiers siècles. Rien d’étonnant, dès lors, que les terres évangéliséès par saint Marc aient attendu le pontificat de Démétrius pour se fractionner en plusieurs circonscriptions épiscopales. Avec Démétrius, les choses Commencèrent à se passer aux bords du Nil comme sur la rive gauche du Jourdain et dans la Palestine du Sud.