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ALEXANDRE DE HALES

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ques détails, elle est encore regardée aujourd’hui au Collège romain, comme exprimant la vraie pensée du docteur angélique. Billot, De Ecclesiæ sacramentis, q. lxii, lxiii, 2 « édit., Rome, 1896, t. ii, p. 50 sq.

Les indulgences et le trésor de l’Eglise.

Alexandre de Halés a été encore le premier à formuler une autre théorie qui est entrée dans l’enseignement catholique. Il fait dériver la valeur des indulgences de ce qu’on appelle le trésor de l’Église. Il distingue le mérite du corps de l’Église, merilum ecclesiasticm unitatis, du mérite propre de chaque fidèle et du mérite du Christ notre chef, 1. IV, q. xxiii, m. i, a. 1. Les indulgences, selon lui, sont tirées du trésor spirituel de l’Église, c’est-à-dire des mérites surérogatoires, soit des membres du Christ, soit surtout du Christ lui-même. C’est pourquoi elles ne sauraient être accordées que par les évêques qui ont la dispensation de ce trésor.

IV. Alexandre de Halés et saint Thomas d’Aquin. — Parmi les grands théologiens du xiiie siècle, ce fut saint Bonaventure qui s’inspira le plus des écrits du docteur irréfragable. Cependant on a accusé saint Thomas de plagiat vis-à-vis d’Alexandre de Halés. Cette accusation était encore insinuée au XVIIe siècle par Jean (et non Bernard, comme plusieurs le nomment) de la Haye, dans une vie d’Alexandre insérée en tête du commentaire sur l’Apocalypse, publié sous le nom de ce dernier, Paris, 1647. Dans les siècles précédents on l’avait surtout fondée sur la ressemblance de la Somme théologitjue de saint Thomas, avec la Summa virtutum, attribuée au docteur irréfragable. Mais nous avons vu que cette Summa virtutum est d’un auteur postérieur ; ce qui ôte à l’accusation sa base principale. Jean de la Haye ne se sert plus de cet argument. Il indique un grand nombre d’articles que, selon lui, saint Thomas a empruntés en partie à la Theologise summa d’Alexandre de Halés. Il prétend même que l’article 2, I a part., q. c, du docteur angélique reproduit textuellement le docteur irréfragable, part. II, m. I, q. xcv. Mais il n’y a de commun entre ces deux articles, que quelques preuves présentées d’ailleurs par saint Thomas dans d’autres termes que ceux d’Alexandre de Halés. Les autres ressemblances signalées par Jean de la Haye sont de même nature, lorsqu’elles existent. Le reproche de plagiat fait au docteur angélique est donc dénué de tout fondement.

Mais il y a lieu de reconnaître que saint Thomas d’Aquin doit quelque chose à Alexandre de Halés. Nous avons vu qu’il avait adopté pour la forme de ses articles, la méthode inaugurée par Alexandre. Il était en outre tout naturel qu’il utilisât aussi le fond de la somme prolixe de ce dernier, puisqu’il y trouvait d’excellents matériaux à mettre en œuvre. Parmi les nombreux arguments présentés par Alexandre, il fallait élaguer et choisir. Le docteur angélique le fit une première fois dans son commentaire sur le Maître des Sentences. Il le fit une seconde fois dans sa Somme théologique qui est plus concise. Il ne choisit pas seulement parmi les arguments à proposer mais encore parmi les questions à traiter. Il semble faire allusion à Alexandre, lorsqu’il parle île ceux qui ont fait des sommes trop prolixes propter niultiplicationem inutilium quæstionum, articulorum et argumentorum. Sum. theol., Proœmium. Sa Somme n’est assurément pas calquée sur celle d’Alexandre, mais traitant la même matière, il lui arrive souvent d’aborder les mêmes questions, et de se servir des mêmes preuves. Bien n’empêche de penser qu’en écrivant il avait l’ouvrage de son célèbre devancier sous les yeux et les rapprochements entre les deux sommes faits par Jean de la Haye semblent le démontrer pour certains passages. La parole attribuée à saint Thomas par Gerson, qu’il recommandait plus que toute autre étude ci Ile d’Alexandre de Halés, n’a donc rien d’invraisemblable. De Hulieis, hic. dt.infra, p.8. Mais avec des ressemblances, il y a entre les deux maîtres une différence

profonde. Nous avons dit que la prolixité d’Alexandre vient en partie de l’éclectisme avec lequel il acceptait ensemble des opinions parfois assez disparates. Tout autre est la manière du docteur angélique. Assurément il a aussi l’habitude de concilier, autant qu’il le peut, les anciences opinions qu’il expose. Mais il les concilie en vertu de principes supérieurs, à la lumière desquels on aperçoit un rapport profond entre des sentiments qui paraissaient irréductibles. Ses synthèses sont neuves et d’une justesse saisissante, là où celles d’Alexandre consistaient parfois en des juxtapositions sans lien. En d’autres termes Alexandre se borne dans bien des cas à entasser des matériaux mal adaptés et mal cimentés, tandis que saint Thomas construit avec ces matériaux un édifice d’une harmonieuse unité et d’une parfaite solidité, n’hésitant jamais à rejetertout ce qui n’entre point dans son plan ou ne cadre point avec ses conclusions.

Le docteur angélique procède en particulier de cette manière pour les données de la philosophie d’Aristote. Il admet ces données comme Alexandre ; mais à la différence de celui-ci, il exclut tous les systèmes qui ne s’harmonisent point avec ces données. Sur ce terrain philosophique son œuvre avait d’ailleurs été préparé par des travaux postérieurs à ceux d’Alexandre, je veux dire par les commentaires d’Albert le Grand (voir ce mot) qui avaient mis la philosophie péripatéticienne en harmonie avec les dogmes et la morale de l’Évangile. Aussi tout en combattant ce qu’il y a de contraire à la doctrine chrétienne dans Aristote, le docteur angélique fait profession ouverte de lui emprunter ce qu’il a de bon et d’appartenir à son école.

Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur le plan de la somme de l’Ange de l’école pour en reconnaître l’incontestable supériorité. La première partie renferme les éléments dogmatiques des deux premiers livres de la Somme d’Alexandre ; la troisième partie contient les éléments dogmatiques des deux derniers. Mais la morale, partagée par Alexandre entre son second livre, où il étudie les péchés qu’il rattache à la chute de l’homme, et son troisième où il étudie les vertus et les lois qu’il rattache à l’incarnation, est réunie tout entière par l’ange de l’école dans une partie distincte, la seconde. Le plan d’Alexandre l’obligeait à des répétitions ; il avait en outre l’inconvénient de laisser dans l’ombre ce qu’il y a de naturel dans la morale. Le plan de saint Thomas n’est pas sujet à ces inconvénients. Il lui permet de faire une construction originale dans laquelle il réunit sans jamais se répéter, ni se contredire, les éléments de la inorale naturelle et de la morale évangélique.

Malgré une originalité et une valeur incontestable, Alexandre de Halés a donc été’bien inférieur à saint Thomas d’Aquin. Mais on doit lui faire honneur d’une partie de la supériorité de l’ange de l’école, parce qu’il lui a préparé les voies et qu’avec Albert le Grand, il a été comme son précurseur.

Alexandre de Halés n’a encore été l’objet d’aucune étude complète et approfondie. On peut consulter spécialement : 1° sur su vie et ses ouvrages : WsAàing, Scriptores ordinis minorum, infol., Home, 1650 ; Sbaralea, Supplementum et castigatio ad scriptares triant ordinutn sancti Francisci, in-fol., Rome, 1806 ; Histoire littéraire de lu France, t. xvui, p. 312- :  : jk, Paris, 1835 (article de Daunou) ; Kirchenlexicon, t. î. p. 496499, Fribourg, 1880 (article de Stockl) ; S. Bonaventurss Opéra, Quaracchi, 1882, Prolegomenu, t. i, p. i. sq. ; Simler, Des sommes <ic théologie, Paris, 1871, p.’J7-io7 : Prosper de Martl gné, La scoluslii/iie et les traditions franciscaines, Paris, 18SH, p.’il sip ; — 2° sur sa méthode : Hameau, Histoire île la philoSophie scolastique, t. ii p. 129-141, Paris, 1880, qui expose

aussi ses doctrines philosophiques, mais d’une manière peu exacte ; Kirchenle.eicon, loc. cit. : l’ii’avol, Mietard et Ale.enndre île Unies créateurs de la méthode SCOlaStique, dans llil/tio thèque de l’École des Hautes-Études : sciences religieuses :

Études de critique et d’histoire, 2’série, Paris, 1896, p. 222280 ; Simler, op. cit., p. 108-188 ; - 3* sur ses doctrines théologiques : Du Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Loil-