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ALEXANDRE DE HALES

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celui des autres hommes, a vécu un certain temps avant l’inlusion de son âme raisonnable (c’est le sentiment d’Aristote, soutenu aussi par saint Thomas d’Aquin), il en conclut que la sainte Vierge n’a pas été sanctifiée avant cette infusion, ni par conséquent au moment de sa conception (active), ou immédiatement après sa conception (active), parce que la sanctilication ne peut s’appliquer qu’à une âme raisonnable, a. 3. Il ne parle pas expressément du moment de l’infusion de l’àme raisonnable dans le corps de Marie, c’est-à-dire du moment de sa conception passive, dans lequel nous devons croire aujourd’hui qu’elle fut immaculée. Il soutient seulement qu’après l’infusion de l’âme raisonnable de la sainte Vierge, Dieu l’a sanctifiée avant sa naissance, a. 4, que cette sanctilication l’a purifiée, non seulement du péché, mais encore de la concupiscence ou du fomes peccati, c’est-à-dire de l’inclination au mal et de la difficulté de faire le bien, a. 4. Il croit en conséquence que la sainte Vierge a été, dès lors, toute sainte dans sa personne ; mais il estime que sa nature a dû être encore sanctifiée au moment de la conception du Sauveur, in ordine ad filium ex ea generandum, et qu’elle a été alors délivrée du pouvoir de pécher. Ibid., m. iii, a. 1, 2.

Les diverses espèces de foi.

La théorie d’Alexandre de Halés sur la foi mérite aussi d’être signalée. Il l’expose aux questions lxiv et lviii de sa troisième partie. Je ne vois pas qu’il ait examiné quel est le motif de la foi, ni qu’il ait remarqué nettement qu’elle ne peut avoir pour objet que les vérités révélées de Dieu. Cette observation ne se trouve dans aucune des nombreuses définitions qu’il donne de la foi, part. III, q. lxviii, m. v. a. 1. Il dit que l’objet de la foi est le vrai, en tant qu’il est bon, verum in quantum induit ralionem boni, q. lxiv, m. iv. Mais il étudie surtout cette foi au point de vue de son principe subjectif. Il distingue trois sortes de foi : 1. La fui humaine et naturelle qui n’est pas un don de Dieu mais un état (ftabitus) acquis par le raisonnement ou sur un témoignage. Cette foi naturelle nous fait croire ex ralione vel ex auditu Scripturæ, q. LXIV, m. v, a. 1. C’est par cette foi naturelle que les démons croient à la vue des miracles, q.LXiv, m. viii ; — 2. La foi informis qui n’est pas accompagnée de la charité. Alexandre la range parmi les grâces gratis datse, donnant à ce mot un sens plus large que celui que nous lui attribuons. Voir Grâce. Il étudie en conséquence la foi informis, en traitant des grâces gratis datse, q. lxiv, tandis qu’il étudie la foi formata, q. lxviii, en traitant des vertus. La foi informis est donc une grâce surnaturelle qui nous donne de connaître la vérité et d’y donner notre assentiment, mais non de tendre à la vérité, q. liv, m. ni. En un endroit, Alexandre, empruntant une formule de saint Jean Damascène (cf. q. lviii, m. n), définit cette foi indijudicabilis spes eorum quæ a Deo nobis annuntxata sunt, q. lxiv, m. II. On croirait à ce moment qu’il entend la loi comme les protestants du xvie siècle ; mais il y a entre lui et eux une profonde différence. Il regarde en effet cette foi informis comme ne pouvant inspirer l’amour de Dieu, mais seulement une crainte servile, q. lxiv, m. vi. Il admet même que les démons ne l’ont pas perdue au moment de leur chute, qu’ils la gardent dans l’enfer avec la foi naturelle dont nous parlions plus haut, et qu’elle est pour eux une source de tortures, en les éclairant sur leur malheur, q.LXiv, m. vii-ix ; — 3. La foi formata est celle qu’accompagne la charité. Elle nous donne de tendre vers Dieu aflectivement, en croyant en lui, q. lxiv. m. v.

Alexandre regarde la fides informis et la fides formata comme deux habilus surnaturels qui restent distincts l’un de l’autre dans les fidèles justifiés. Mais il pense que lorsque la fides formata est entrée dans une âme, c’est elle qui produit tous les actes de foi, et que la fidis informis, capable seulement d’actes de crainte ser vile, cesse d’agir dans cette âme et y demeure à l’état de pur habitus, q. lxiv, m. VI.

3° Institution des sacrements en général, et du sacrement de confirmation en particulier. — Pierre Lom bard n’était pas encore bien fixé sur l’institution des sacrements de la nouvelle loi par le Christ. Il admettait que le mariage a été institué au temps d’Adam. Pour les six premiers sacrements, il estimait qu’ils n’ont pu être institués avant la venue du Sauveur ; mais il ne faisait qu’eflleurer la question et n’examinait point s’ils ont été établis par le Christ lui-même, par les apôtres ou par l’Église. Sent., 1. IV, dist. II, P. L., t. cxcu.col. 842.

Alexandre de Halés étudie la matière en détail. Considérant la question d’une façon générale, il admet que le Christ a institué tous les sacrements de la loi nouvelle par lui-même ou par ses apôtres agissant en vertu de son autorité et de ses instructions. Le baptême et l’eucharistie ont été établis par Jésus-Christ lui-même ; la confirmation et l’extrème-onction ont été établies par les apôtres en vertu de l’autorité et des instructions de Jésus-Christ. La pénitence, l’ordre et le mariage, qui existaient déjà dans l’Ancien Testament, ont reçu de Jésus-Christ des compléments qu’ils n’avaient pas jusqu’à lui. Tel est l’enseignement d’Alexandre dans son étude générale sur les sacrements, 1. IV, q. v, m. ii, a. 1. Mais plus loin, lorsqu’il traite en particulier de la confirmation, il soutient une doctrine toute différente. Il rejette, en effet, expressément le sentiment qui en attribue l’institution aux apôtres, et cela, dit-il, parce que les apôtres donnaient le Saint-Esprit par la seule imposition des mains, sans onction ni paroles ; d’où il conclut qu’ils ne donnaient pas le sacrement. A son avis, le sacrement de confirmation a été institué, par l’inspiration du Saint-Esprit, au concile de Meaux quant à la tonne des paroles et à la matière des éléments ; et le Saint-Esprit lui a donné la vertu de sanctifier, 1. IV, q. ix, m. i.

Si Alexandre avait apporté la dernière main à son œuvre, il y a lieu de croire qu’il aurait mis ces articles d’accord et qu’il aurait effacé de son ouvrage cette opinion singulière qui est en contradiction avec son propre enseignement.

Causalité des sacrements.

Alexandre a montré un coup d’oeil plus sûr dans l’exposé original et protond qu’il fait de la causalité des sacrements. Nous ne trouvons rien dans Pierre Lombard de la théorie qu’il formule ; elle ne se trouve pas davantage dans le De sacramentis, attribué à Hugues de Saint-Victor, auquel le docteur franciscain emprunte pourtant quelques éléments. De sacramentis, 1. I, part. XI, c. v, P. L., t. clxxvi, col. 323-326.

Voici le système d’Alexandre de Halés. Tous les sacrements sont non seulement des signes, mais aussi des causes efficientes, par une vertu accidentelle qui leur vient surtout de l’institution du Christ et de sa passion. Ils ont la vertu de produire la grâce sanctifiante ; mais c’est Dieu lui-même qui répand cette grâce dans l’âme, à cause du sacrement, et il ne la répand que dans les âmes qui n’y mettent pas d’obstacles. Il est un autre effet que la bénédiction renfermée dans les sacrements produit dans tous ceux qui les reçoivent même indignement. En effet, tous les sacrements impriment euxmêmes dans l’âme un caractère ou un ornement. La différence qu’il y a entre le caractère et l’ornement ainsi imprimés par les sacrements, c’est que le caractère est ineffaçable, tandis que l’ornement s’efface avec le temps. Le baptême, la confirmation et l’ordre impriment dans l’âme un caractère ineffaçable ; c’est pourquoi on ne saurait les réitérer ; les quatre autres sacrements impriment un ornement qui n’est pas ineffaçable : aussi peuton les recevoir plusieurs fois, 1. IV, q. v, m. iv. Si je ne me trompe, c’est cette théorie d’Alexandre de Halés, que saint Thomas indique comme soutenue avant lui et accepte, In 1 V Sent., . IV, dist. I, q.i, a. 4, q. I ; à part quel-