Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/410

Cette page n’a pas encore été corrigée

777

ALEXANDRE DE HALÉS

778

rance et de la charité, à la suite de laquelle il étudiait les vertus et le décalogue. Alexandre de Halés place également l’étude de la morale à la suite de celle du Christ, objet de notre foi. Mais son plan de morale, qui prépare encore celui de saint Thomas, est supérieur à celui du livre des Sentences. Il commence par l’étude des lois, sur lesquelles il s’étend longuement : il entre en matière par deux questions, q. xxvi, xxvn, De lege œterna et De lege naturall, pour passera la loi de Moïse, q. xxvmlv, dans laquelle il étudie tout le décalogue, et à la loi évangélique, q. lvi-lx. Il traite après cela de la grâce, q. lxi-lxvii. Son plan comprenait ensuite un traité des vertus, des dons et des béatitudes. Mais, comme nous le dirons, il ne l’a pas rempli et n’a pu rédiger que deux questions, q. lxviii et lxix, De jide formata et De articulas fidei.

La partie IVd’Alexandre de Halés suit aussi le même plan que le IV e livre des Sentences. Elle devait embrasser la matière des sacrements en général, des sept sacrements en particulier et des fins dernières ; mais elle est inachevée et s’arrête au milieu du sacrement de pénitence. Alexandre insiste sur les questions générales relatives aux sacrements et sur les œuvres de satisfaction, en particulier sur l’aumône, q. xxix-xxxv, ce qui lui donne occasion de s’arrêter longuement à la pauvreté volontaire, telle que la prescrit la règle de saint François. A la question x, au milieu du membre v, relatif à la consécration, se trouve intercalé un Tractât us de officio missse, qui n’est pas annoncé dans le plan de l’ouvrage. C’est un commentaire des prières et cérémonies de la inesse depuis l’Introït jusqu’à la communion.

3° Imperfections et lacunes. — Nous savons par la bulle d’Alexandre IV, du 28 juillet 1256, qu’Alexandre de Halés, surpris par la mort, a laissé son œuvre inachevée, ■perfectœ pietatis imperfectus est labor. Telle que nous la possédons, elle renferme, par suite, des matières qui n’entrent pas dans le plan annoncé, comme le Tractatus de officio niissœ dont nous venons de parler. D’autres sont développées en dehors de leur place naturelle. C’est ainsi que nous trouvons, à la troisième partie, q. xj.-xliv, une étude sur les obligations des juges, des accusés, des accusateurs et des avocats, à l’occasion des préceptes judiciaires de la loi mosaïque. Il y a surtout ■dans cette vaste encyclopédie théologique de nombreuses lacunes, c’est-à-dire de nombreuses omissions de parties nécessaires ou annoncées comme devant être traitées. Voici les principales de ces omissions. Il n’y a pas de prologue général en tête de l’ouvrage bien qu’il y en ait un en tête du livre III. Le livre I parait complet. Le livre II se termine par la question CLXix, De scandalo. En tête de cette question, on annonce cependant des •études sur l’homicide, soit en duel, soit dans les tournois, la rapine, l’usure, le contrat frauduleux, le vol. Ces études ne se trouvent pas à la suite de la question. Celles sur l’homicide (non sur le duel et les tournois), et le vol (non sur l’usure et le contrat frauduleux) sont l’objet des questions xxxiv, De quinto prsecepto, et xxxvi, De septimo prsecepto, du livre III II manque dans ce livre III les traités sur les vertus en général, la vertu formée d’espérance, la charité, les vertus cardinales, les ■dons, les fruits et les béatitudes, traités qui devaient ■être faits d’après le prologue du livre III et les introductions aux questions XXVI, lv, lxi, lviii. Il manque au livre IV ce qui concerne les sacrements d’extrême-onction, d’ordre et de mariage, et les fins dernières, matières qui étaient annoncées par le prologue du livre III. Voir sur < ; es lacunes une dissertation de De Rubeis, dans Summa Iheol.D. Thomse Aquinatis, t. iv, p. m-xx, Naples, 1763.

Ces imperfections ne sont pas imputables à Alexandre de Halés, car il les aurait fait certainement disparaître si la mort ne lui en avait ôté le temps. En les laissant dans son ouvrage, les frères mineurs du xm e siècle et les éditeurs du xiv e, du xv e et du xvi e siècle, nous ont

fourni la preuve que nous possédons vraiment l’œuvre d’Alexandre sans retouche, et telle qu’elle est sortie de ses mains. Il y a lieu de nous en féliciter.

Cette raison et les autres que nous avons indiquées plus haut dans l’histoire de la Théologies summa nous semblent mettre l’authenticité de cette somme au-dessus de toute contestation, au moins pour les parties qui rentrent dans le cadre tracé en tête des questions. Le savant P. Mandonnet dit cependant avoir des raisons de lui attribuer une date postérieure au milieu du xm e siècle ; mais il n’indique pas ces raisons. Revue thomiste, janvier 1899, p. 691. Roger Bacon semble dire au contraire que cette somme serait antérieure à Alexandre. Il affirme qu’elle lui a été attribuée, à son entrée chez les franciscains, par respect, opusniinvs, Londres, 1859, p. 326. C’est une boutade qu’explique sa mauvaise humeur contre le docteur irréfragable. En d’autres endroits il reconnaît l’authenticité de cette somme. Em. Charles, Roger Racon, Bordeaux, 1861, p. 107.

4° Editions et résumes. — La somme d’Alexandre de Halés a eu un assez grand nombre d’éditions : Venise, 1 175, 4 in-fol., sous le titre de Summa D. Thomse. Alensis ; Nuremberg, 1481, 1482, 4 in-fol. ; Pavie, 1489, 4 in-4° ; Venise, 1496, 4 in-fol. ; Bàle (Nuremberg, suivant Sbaralea), 1502 ; Lyon, 1515, 1516, 4 vol. in-4° (sous le titre Quœstiones in quatuor Sentenliarum libros, avec le complément de Guillaume de Méliton) ; Venise, 1576, 1575, 4 vol. petit in-fol. Cette édition est la meilleure. Elle contient en tête cinq excellentes tables, imprimées en 1576. Le texte de la somme a été imprimé en 1575, avec additions de titres, de résumés, de conclusions pour chaque article, de références marginales pour les citations faites dans le texte. L’ouvrage y porte le titre de Universse theologise summa. Une dernière édition, publiée à Cologne, en 1622, en 4 grands in-fol., reproduit complètement l’édition de 1575, mais sur un mauvais papier que l’encre a jauni. La division en questions n’est pas la même dans ces deux éditions que dans les précédentes, nous l’avons déjà remarqué.

Pierre Roschinger a composé un résumé ou une clef du grand ouvrage d’Alexandre de Halés : Repertorium in universam summam Alensem, Venise, 1502 ; Lyon, 1517. On en trouve d’autres résumés manuscrits dans quelques bibliothèques. Cf. Sbaralea, p. 17.

IV. Méthode. — Depuis longtemps déjà, on rédigeait des sommes où l’on cherchait à synthétiser en un corps de doctrine l’ensemble de la théologie. Les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard étaient une somme véritable, publiée sous un autre titre. On avait fait d’autres sommes dans l’école d’Abélard (voir ce mot) et dans celles de Saint-Victor. En composant la sienne, Alexandre de Halés n’entrepr.t donc rien de nouveau. Le but qu’il se proposait était celui de ses devanciers ; il voulait laisser une synthèse de la théologie qui servit à l’enseignement des écoles, comme en témoigne la bulle d’Alexandre IV, du 28 juillet 1256 : Studia sua publias utilitatibus commodavit et laboriosi operis sanctum aggrediendo proposition super quœstionibus theologicis… quant prolixam molilus est summam profeclibus in lege Domini sludere volentium compendiosius profuluram.

Cependant, son œuvre se distingue des sommes antérieures par deux caractères qui font d’Alexandre de Halés le précurseur de saint Thomas d’Aquin : 1° l’usage non seulement de la logique, mais de presque toute la philosophie d’Aristote, et 2° la manière d’étudier chaque question en particulier.

1° Jusqu’au xm e siècle, on ne possédait d’Aristote que des traités de logique ; au commencement du xm e siècle, on ne connut les autres ouvrages de ce philosophe que par des résumés ou des traductions faites sur l’arabe et entachées d’erreurs qui les firent proscrire des écoles de Paris, en 1215, par le légat Robert de Courçon. Alexandre