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ALEXANDRE VIII, PROPOSITIONS CONDAMNÉES PAR LUI


Ces deux propositions avaient été dénoncées comme étant d’Antoine Arnauld, De la fréquente communion, édit. citée, préface, p. 24, puis part. I, c. iv, et de Gilles de Gabriel, Specimina moralis christiantB, part. II, § 20, édit. citée, p. 139. Toutefois elles ne représentent pas, la première surtout, la lettre même d’Arnauld, mais elles résument les conclusions qui se dégagent de plusieurs passages, où il rapporte et interprète l’ancienne discipline, préface, p. 23-25 ; part. I, c. ii, p. 10, et c. xxi ; part. II, c. iv, iivi etc.

Cette doctrine janséniste méconnaissait pleinement la nature et la fin du sacrement de l’eucharistie. Il n’a pas été institué comme récompense de la vertu, mais pour entretenir et fortifier dans nos âmes la vie de la grâce et de la sainte charité ; il suppose l’état de grâce que le pécheur peut recouvrer avant que d’avoir fait une pénitence proportionnée à ses fautes. L’Église ne requiert rien de ce qui est exigé dans les propositions d’Arnauld et de Gilles de Gabriel, pour permettre et même enjoindre aux fidèles de s’approcher de la sainte table. Ainsi, au temps de Pâques, elle prescrit à tous la communion, bien que le plus grand nombre n’aient certainement pas encore un amour de Dieu très pur et sans aucun mélange. Ce qui est strictement requis, c’est que le fidèle dont la conscience est chargée d’un péché mortel, purifie d’abord son âme par la confession sacramentelle. Concile de Trente, sess. XIII, c. vu. On peut donc dire de ces deux propositions ce qui a été dit des seizième, dix-septième et dix-huitième ; elles sont téméraires, scandaleuses, de nature à déprécier le sacrement d’eucharistie tel qu’on l’administre d’ordinaire dans l’Église, injurieuse envers l’Église elle-même.

24. Oblatio in templo, qnæ fiebat a beata Virgine Maria in die puriQcationis su ; e per duos pullos columbarum, unum in holocaustum et alterum pro j eccatis, sufficienter testatur, quod indiguerit purificatione, et quod filius (qui offerebatur), etiam macula matris maculatus esset, secundum verba legis.

Proposition tirée d’un opuscule flamand : Imvendighe ceffenhnghen om in den glteest te sterve, etc., c’est-àdire Exercices intérieurs pour mourir en esprit, distribués en sept jours par un prêtre de l’Oratoire. L’opuscule avait été imprimé à Bruxelles, en 1657, avec l’approbation d’un licencié de Louvain, Josse van der Linden. Spécimen doctrinee, p. 401. Voici les paroles du Lévitique, xii, 2-i, auxquelles la proposition se rapporte : Mulier, si suscepto semine peperit masculum, immunda erit septem dies, juxta dies separationis menstruæ, etc. Il s’agit donc d’une tache légale que Marie aurait encourue et à laquelle le fruit de ses entrailles aurait participé. Assertion non seulement téméraire et choquante pour la piété chrétienne, mais dont la fausseté se démontre par le texte même de la loi alléguée : Mulier, si SUSCEPTO SEMINE peperit. Dans la conception et l’enfantement du Fils de Dieu, tout a été virginal ; ce n’est donc pas le cas de la loi mosaïque. Si Marie et Jésus en accomplirent extérieurement les observances, ce fut volontairement et par un motif d’humilité. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. xxxvii, a. 4.

25. Dei Patris scilenlis si mulacrum nafas est christiano in templo collucare.

Il n’est pas permis de mettre dans une église l’image de Dieu le Pèro assis.

Jean Hessels avait avancé’cette assertion dans son Catéchitme, in-’r, Louvain, 1595, Explicat. Decal., c. i.xiv, lxv. Il l’appuyait sur le danger d’anthropomorphisme

et sur quelques textes positifs, comme le 36" canon du svnode d’Klvire en 305 ou 306, et un passage de saint Au L’offrande que la sainte vierge Marie fit de deux pigeons dans le temple, le jour de sa purification, l’un en holocauste et l’autre pour les péchés, fait assez voir qu’elle avait besoin d’être purifiée, et que le Fils qu’elle présentait, avait eu part lui-même à la tache de sa mère, suivant les paroles de la loi.

gustin, De fide et symb., c. iiv P. L., t. XL, col. 188. Il aurait mieux fait de respecter la pratique courante de l’Église, même à Rome. Le danger d’anthropomorphisme, qui existait jadis et peut expliquer les textes allégués, est chimérique maintenant que tous les catéchismes et l’enseignement formel de l’Église proclament que Dieu est un pur esprit. Ces représentations corporelles de Dieu, comme celles des anges, ont pour but d’élever notre esprit vers les choses spirituelles d’une manière conforme à son mode propre de connaissance ; souvent même elles sont une allusion aux apparitions divines. C’est ainsi que l’image de Dieu le Père assis rappelle un passage du livre de Daniel, iiv 9 : Et antiquus dierum sedit.

26. Laus, quae defertur Maria ; , ut Maria ?, vana est :

C’est une chose vaine que de louer Marie, considérée comme Marie.

En 1673, parut à Gand un petit livre intitulé : Monita salutaria B. V. Mariée ad cultores suos indiscretos. L’auteur était Adam Widenfelt ou Windenfelts, jurisconsulte de Cologne, qui, dans ses voyages, avait fait connaissance avec les jansénistes des Pays-Bas. Dès l’année suivante, dom Gerberon fit paraître à Lille une traduction française de l’opuscule, sous ce titre : Avertissements salutaires de la Bienheureuse Vierge Marie à ses dévots indiscrets. Or le 6° avertissement était ainsi conçu ou traduit : « Laus quæ mihi defertur, ut mihi, vana est. Quse vero mihi defertur ut matri, ancillse Domini, sancta est. La louange qu’on me rend comme à moi en la terminant à moi, est vaine et illégitime. Mais la louange qu’on me rend comme à la mère et à la servante du Seigneur est sainte. « Cette opposition sert à comprendre la pensée de Widenfelt. Il distinguait le culte rendu à Marie en tant que mère de Dieu ou servante du Seigneur, et le culte rendu à Marie en tant que telle ; il approuvait le premier et rejetait le second. Marie étant le nom personnel de la très sainte Vierge, cette doctrine revenait à nier le culte qui lui est dû en raison de sa propre sainteté et de sa propre excellence ; doctrine non moins fausse en elle-même, que scandaleuse, choquante pour les oreilles pies et propre à diminuer le culte d’hyperdulie dû à la bienheureuse Vierge Marie.

27. Valuit aliquando baptismus sub hac forma collatus : In nomine Patris, etc., prætermissis illis : Ego te baptizo.

Il fut un temps où l’on conférait validement le ba] têma sous cette forme : Au nom du Père, etc., en omettant ces mots : Je te baptise.

Thèse soutenue à Louvain, le 21 avril 1677, par l’augustin François Farvacques. Voir Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des PaysBas, Louvain, imprim. acadéin., 1770, t. XVIII, p. 92. Au moyen âge, cette même thèse avait eu quelques rares partisans ; on la retrouve dans l’oratorien Jean Morin r De psenit., 1. VIII, c. xvi, n. 21. Elle n’en avait pas moins contre elle des raisons décisives. Au III" livre des Décrétales, tit. xi.n, c. i, on lit une déclaration d’Alexandre III, où il prononce l’invalidité du baptême quand le ministre ne dit pas : Je te baptise, etc. Si quis puerum ter in aqua immerserit in nomine Patris et Fitii et Spiritus Sancti, Amen ; et non di.rerit : Ego baptizo te in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti r Amen, non est puer baptizatus. Denzinger, n. 331. Plus tard, le concile de Florence avait clairement supposé qu’il était nécessaire, pour conférer validemenf le baptême, d’exprimer avec l’invocation de la très sainte Trinité, l’action exercée par le ministre : Si exprimitur actus, qui per ipsiim e.rercetur ministrum, cum sanctx Trinitatis invocatione, per/icitur sacranirutuni. Denzinger, n. 591. L’assertion de Farvacques était donc plus que téméraire. Remarquons en passant que dans.