Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/398

Cette page n’a pas encore été corrigée

753

ALEXANDRE VIII, PROPOSITIONS CONDAMNÉES PAR LUI

754

il est manifeste que le volontaire personnel manque, quand le sujet qui agit ignore d’une façon invincible la malice de l’acte posé. S. Augustin, De lib. arbitr., 1. III, c. xviii, et Contra Faust., 1. XXII, c. xliv, P. L., t. xxxn, col. 1295 ; t. xlii, col. 427 ; S. Thomas, Sum. theol., I a II œ, q. lxxvi, a. 2-3.

3. Non licet sequi opinionem II n’est pas permis de suivre

vel inter probabiles probabilis— même l’opinion la plus proSimam. bable d’entre celles qui sont

probables.

Cette proposition résume deux pages de Sinnich dans Saul Ex Rex, 1. I, c. xcv, §357, 2 e édit., Louvain, 1665, p. 363-364. C’était nier qu’on pût suivre en sûreté de conscience une opinion même très probable en face d’une opinion contraire favorable à la loi, d’après l’axiome : Tutius est sequendum. Rigorisme faux en principe : quand une opinion est très probable, il ne reste qu’une crainte légère en faveur de l’opinion contraire, et dans les actions humaines on a le droit, souvent même le devoir, de négliger pareille crainte. Rigorisme déplorable dans ses conséquences : obliger les hommes à se prononcer toujours en faveur de la loi, quand elle n’a pour soi qu’un motif léger, c’est leur imposer un joug moralement insupportable. Pareil système ne se comprend que dans les disciples de celui dont la première proposition condamnée par l’Église, se résume ainsi : Dieu commande l’impossible. Denzinger, n. 966.

4. Dédit semetipsum (Christus) pro nobis oblationem Deo, non pro solis electis, sed pro omnibus et solis Qdelibus.

5. Pagani, Judaei, hseretici aliique liujus generis nullum omnino accipiunt a Jesu Cliristo influxum : adeoque hinc recte infères, in illis esse voluntatem nudam et inermem sine omni gratia sufficienti.

Jésus-Christ s’est offert à Dieu en sacrifice pour nous, non pour les seuls élus, mais pour tous les fidèles et pour eux seuls.

Les païens, les juifs, les hérétiques et gens semblables ne reçoivent aucune influence de Jésus-Christ ; d’où vous conclurez fort bien que leur volonté est dénuée de tout secours et de toute grâce suffisante.

Deux thèses soutenues à Louvain, le 14 août 1651, par un religieux d’ailleurs éminent, dont Steyaert a dit : In antiquitate versatior quant in controversiis istis limatior et caulior. C’était l’augustin Christian Lupus. Spécimen doctrinae, p. 15, 57. En disant que Jésus-Christ s’est offert non pour les seuls élus, mais pour tous les fidèles, ce savant homme évitait la note d’hérésie spécifiée dans la condamnation de la cinquième proposition de Jansénius, Denzinger, n. 970 ; mais en ajoutant : et pour eux seuls, il gardait une partie de l’erreur janséniste. D’après l’enseignement formel de la sainte Écriture, Dieu veut sincèrement le salut de tous les hommes, et c’est en vertu de cette volonté salvilique universelle que Jésus-Christ, notre rédempteur, s’est offert pour tous les hommes ; s’il est le sauveur des fidèles d’une façon spéciale, il n’en reste pas moins d’une façon générale le sauveur de tous. I Tim., n, 46 ; iv, 10 ; I Joa., n, 1-2 ; Concile de Trente, sess. VI, c. n ; Denzinger, n. 676. Lupus eut le tort de prendre en un sens absolu quelques expressions des anciens qui n’ont de valeur qu’en un sens relatif.

Dieu voulant sincèrement le salut de tous les hommes, Jésus-Christ ayant offert son sang pour obtenir à tous les grâces nécessaires au salut, la seconde proposition apparaît du même coup fausse, téméraire et scandaleuse, comme la première dont elle n’est qu’un corollaire. Tout adulte reçoit par les mérites de Jésus-Christ les grâces nécessaires pour qu’il puisse se sauver, quoi qu’il en soit d’ailleurs du grand mystère qui plane sur la nature et la distribution de ces secours divins. Voir les propositions 26, 27, 28 et 29 condamnées plus tard dans Quesnel, Denzinger, n. 1241-1244 ; voir aussi l’opuscule

patristique intitulé De vocatione omnium gentium, 1. II, c. xvi-xix, P. L., t. li, col. 702-706.

6. Gratia sufficiens statui La grâce suffisante est plus nostro non tam utilis, quam pernicieuse qu’utile dans l’état perniciosa est, sic, ut proinde où nous sommes ; en sorte que merito possimus petere : A gra— nous pouvons bien faire cette tia sufficienti libéra nos, Do— prière à Dieu : De la grâce mine. suffisante délivrez-nous, Seigneur.

Sinnich avait avancé cette proposition téméraire et choquante dans une thèse publique, le 16 octobre 1649. Spécimen doctrinae, p. 10. En ne reconnaissant de vraie grâce dans l’ordre actuel que celle qui est efficace, il supposait une notion erronée de la grâce, notion empruntée à Jansénius. Dans la théologie orthodoxe, la grâce suffisante s’entend d’un secours divin qui donne le pouvoir d’agir surnaturellement ; un tel secours n’est pas inutile ni pernicieux, mais nécessaire et de soi fécond. Si la résistance du sujet met un obstacle à l’efficacité ultérieure de l’action divine, ceci n’infirme en rien la valeur intrinsèque de la grâce elle-même. La prière à faire est celle-ci : De la résistance à la grâce, délivreznous, Seigneur.

7. Omnis humana actio deli— Toute action humaine libre berata est Dei dilectio vel mun— est amour de Dieu ou amour di : si Dei, charitas Patris est : du monde. Si elle est amour simundi, concupiscentiacarnis, de Dieu, c’est la charité du hoc est, mala est. Père ; si elle est amour du

monde, c’est la concupiscence de la chair, et ainsi elle est mauvaise.

Cette proposition se trouve encore dans une thèse de Sinnich, du 4 avril 1661, mais Havermans, d’Anvers, et Van Vianen avec d’autres docteurs de Louvain tenaient en substance la même doctrine. Spécimen doctrinae, p. 118-121. C’était renouveler, aux termes près, l’erreur capitale condamnée dans la 38 e proposition de Baius : « Tout amour de la créature raisonnable est, ou celte cupidité vicieuse par laquelle on aime le monde et que saint Jean défend, ou cette louable charité par laquelle on aime Dieu et que le Saint-Esprit répand dans nos cœurs. » Denzinger, n. 918. Jansénius avait repris le même thème, 1. III, De statu naturae lapsse, c. xix, et en avait même fait l’un des points fondamentaux de son système. La fausseté de la proposition est manifeste. Entre l’amour de Dieu qui est la charité du Père et l’amour du monde qui est la concupiscence de la chair, il y a des actes bons et licites qui tiennent le milieu : tels sont, dans les fidèles qui n’ont pas la grâce sanctifiante, les actes de foi, d’espérance et autres qui disposent le pécheur à la charité et à la justification ; tels, dans les païens eux-mêmes, les actes des vertus naturelles. Voir la censure de Pie VI contre le pseudo-synode de Pistoie, n. 23, 24, Denzinger, n. 1386-1387. Sinnich, comme Baius et Jansénius, s’appuyait sur une fausse interprétation de saint Augustin.

8. Necesse est, infidelem in Toutes les œuvres d’un infi omni opère peccare. dèle sont nécessairement des.

péchés.

Cette proposition n’est qu’un corollaire de la précédente ; aussi avait-elle, en général, les mêmes partisans, Sinnich entre autres et Fromond. Spécimen doctrinae, p. 128-130. Du reste, elle ne faisait qu’accentuer ce que Baius avait déjà dit dans sa proposition 25 e : « Toutes les œuvres des infidèles sont des péchés. » Elle se réfute par les mêmes arguments. L’infidèle peut faire une chose bonne en soi, et la faire par un motif honnête que lui présente sa raison. S. Thomas, Sum. theol., II a II*, q. x, a. 4. On ne saurait appeler péché un acte semblable, si ce n’est en vertu de principes faux sur la corruption de la nature déchue ou sur l’obligation stricte de rapporter tous nos actes à Dieu par un motif de foi ou de charité. Saint Augustin lui-même parle en