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ALEXANDRE VII, PROPOSITIONS CONDAMNÉES PAR LUI


Rien n’est plus certain en morale naturelle que le droit de légitime défense, jusqu’à la mort inclusivement de l’injuste agresseur. Rien n’est plus difficile, cependant, que de fixer pratiquement la casuistique de ce principe. Il en est parlé avec quelque détail au mot Homicide. Pour l’intelligence de ces deux propositions condamnées] 17 et 18, rappelons seulement : 1° que le droit de défense n’est pas le droit de vengeance, et que ce qui peut être permis pour se détendre d’un mal qui menace, ne l’est plus après coup quand le mal est fait ; 2° que le principe de légitime défense exige, en tout état de cause, une certaine proportion raisonnable entre le mal qu’on redoute pour soi-même et celui qu’on inflige à l’agresseur pour s’en préserver ; aucune excuse donc, théoriquement parlant, pour ceux qui excédent, comme l’on dit, le nwderamen inculpâtes lulelse et tuent l’agresseur pour un motif qui n’est pas à mettre en parallèle avec le plus grand des maux naturels possibles, la perte de la vie ; 3° que la calomnie, le déshonneur, l’atteinte portée moralement à la réputation, sont des maux d’ordre moral, a) en soi nullement irréparables, moindres donc que certains dommages réels absolus (mort, incendie, ruine financière, perte de la virginité, .etc.), b) d’appréciation subjective très variable et par là même périlleuse, c) socialement justiciables des tribunaux institués pour la défense de l’honneur des citoyens, d) pour l’ordinaire, suffisamment faciles à éviter, ou au moins à atténuer par les dénégations et protestations du calomnié, ainsi que par l’honorabilité qu il dépend de lui de conserver toujours auprès des honnêtes gens qui le connaissent ; i° que, même dans le cas hypothétique extrême d’une impossibilité de justification ou compensation convenable pour le calomnié, le bien public exigerait le sacrifice de son intérêt privé, à cause des graves dangers que pourrait faire courir à la société humaine l’habitude d’une pratique individuelle trop large du droit de légitime défense ; 5° que les religieux et ecclésiastiques (visés spécialement dans la prop. 17) sont plus obligés encore que les laïques à ne pas recourir à l’homicide pour se défendre de la calomnie, à cause de la vertu de patience qu’ils doivent pratiquer plus étroitement, de l’indifférence où il leur convient d être toujours par rapport au « point d’honneur » mondain et de l’irrégularité qui les frappe, en cas d’homicide volontaire non justifié ; et, dans tous les cas, 6° en résumé, que le principe de légitime défense, jusqu’à l’homicide, n’a son application jusle que lorsque le mal qui menace est : a) évidemment très grave, b) évidemment certain, et c) évidemment, par tout autre moyen, physique ou moral, impossible à éviter.

C’est donc avec raison que le pape Alexandre VII, en tant qu’interprète infaillible de la loi naturelle, a réprouvé comme immoral l’homicide dans les deux circonstances énoncées aux propositions ci-dessus condamnées.

10. Non peccat maritus Un mari ne pèche pas

occidens propria auctoritate quand, de sa propre autorité,

uxorem in adulterio deprelien— il tue sa femme surprise en

sam. crime d’adultère.

Il faut ici, avant tout, dissiper une équivoque. Les lois positives humaines se montrent miséricordieuses pour le mari malheureux en pareil cas, et, en considération sans doute des circonstances de violente colère qui atténuent sa culpabilité morale, consentent à ne pas lui infliger la peine due aux homicides. Mais c’est là une simple « exemption de peine externe » où il serait illogique de voir une approbation, une absolution de culpabilité’, encore moins un encouragement à la vengeance par voie d’autoritée privée. La morale naturelle, interprétée ici par la décision d’Alexandre Vil, condamne le mari. Elle réprouve un acte, qui n’est pas de légitime défense contre un mal à venir, mais de pure vengeance

après un mal accompli ; or, la vengeance, sauf le cas de vindicte publique régulièrement exercée par la justice sociale, est une violation de la loi morale, un péché ; un péché qui peut sans doute trouver, comme tout autre, des excuses plus ou moins larges devant Dieu par le fait des circonstances où il se commet, mais enfin, en soi, et quand même, un péché, un désordre pour la conscience. Déjà le pape Nicolas I er avait déclaré que l’Église n’admet pas sur ce point les « lois mondaines » et condamne le mari qui tue son épouseadultère.Décretde Gratien, caus. XXXIII, q. ii lnterhœc, c. G, édit. Richter, Leipzig, 1839, col. 1000. D’ailleurs, il est contraire au droit naturel de condamner un prévenu sans l’avoir entendu ; Dieu luimême a le premier donné l’exemple de cette procédure élémentaire dans la condamnation d’Adam au paradis terrestre, Gen., m ; et qui peut dire à l’avance que la culpabilité du délinquant est exactement celle que comporte extérieurement son délit ? De plus, au point de vue spirituel, le mari commet une faute très grave contra caritatem en tuant sur le fait l’épouse infidèle, dès là qu’il l’expose, sans délai de pénitence, au péril de la damnation éternelle. Il résulte de tout ceci : 1° que, dans le cas présent, le mari peut être tenu en conscience à restituer pour cause d’homicide gravement injuste ; 2° que la femme et son complice peuvent user vis-à-vis de l’agression du mari de leur droit naturel de légitime défense.

20. Restitulio a Pio V impo— Comme la restitution imposée sita beneficiatis non recitanti— par Pie V aux bénéficiers qui bus, non debetur in conscientia ne récitent pas (l’office) est ante sententiam declaratoriam une peine, elle n’est pas due judicis, eo quod sit pœna. en conscience avant la sentence déclaratoire du juge.

21. Habens capellaniam col— Celui qui est titulaire d’une lativam, aut quodvis aliud be— « chapellenie » collative ou de neHicium ecclesiasticum, si stu— tout autre bénéfice ecclésiasdio litterarum vacet, satisfacit tique, s’il se livre à l’étude des suae obligationi, si officium per lettres, satisfait à son obligation atium recitet. en faisant réciter l’office par

un autre.

22. Non est contra justitiam, Ce n’est point aller contre la bénéficia ecclesiastica non con— justice que de ne pas conférer ferre gratis, quia collator con— gratuitement les bénéfices ecferens illa bénéficia ecclesia— clésiastiques, parce que le colstica, pecunia interveniente, lateur qui reçoit de l’argent non exigit illam pro collatione quand il confère ces bénéfices beneficii, sed veluti pro emo— ecclésiastiques, ne l’exige pas lumento temporali quod tibi pour la collation du bénéfice, conferre non tenebatur. mais en échange d’un avantnge

temporel qu’il n’était pas tenu de vous procurer.

La doctrine qui ressort de ces trois condamnations relève du droit canonique. Nous n’avons pas à y insister. Il nous suffira de donner ici une brève paraphrase des points de droit et de morale fixés par ces trois décisions d’Alexandre VII.

Prop. 20, — Tout « bénéficier » est tenu de réciter l’office, sous peine de restitution des émoluments correspondants, s’il manque à son devoir ; et cette restitution, obligatoire en conscience, doit être exécutée par le délinquant, sans qu’il soit besorn de faire intervenir à cet effet l’autorité d’une sentence judiciaire constatant (sentence déclaratoire) le fait de la récitation omise.

Prop. 21. — L’antique capellania collativa appartenait à la catégorie des bénéfices institués et conférés (même sur présentation de personnes laïques) par l’autorité ecclésiastique. C’était une sorte de pension stable attribuée par l’évêque à un clerc, avec une charge spirituelle correspondante pour celui-ci (au moins la récitation de l’office). Alexandre VII, pour couper court a certaines controverses qui s’étaient élevées à ce sujet. surtout à cause de la confusion possible de la capellania non collativa purement laïque avec la capellania collativa strictement ecclésiastique, déclare que l’obligation de réciter l’office est personnelle au clerc investi