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ABÉLARD (VIE ET ŒUVRES D’) — ABÉLARD (ART. CONDAMNÉS)

mais encore ni l’Epitome ni le Sic et non n’y sont aussi complets que dans les éditions allemandes reproduites par Migne. L. Tosti (voir plus bas) a publié, d’après un manuscrit du Mont-Cassin, des fragments nouveaux et importants du Sic et non.

II. Sources contemporaines. — Elles sont indiquées avec soin par de Rémusat, Abélard, t. i, p. 13, et résumées dans les savantes notes de Duchesne sur l’Historia calamitum. Le Recueil des historiens des Gaules a réuni les fragments concernant Abélard de Jean de Salisbury, t. xiv, p. 300, d’Othon de Freising, t. xiii, p. 654, des Vies de saint Goswin et de saint Bernard, t. xiv, p. 327, 370, 442.

III. Monographies. — Voici les plus importantes, par ordre chronologique : dom Gervaise, La vie de P. Abeilard, abbé de Saint-Gildas de Ruis, O. de Saint-Benoit, et celle d’Héloise son épouse, 2 in-12, Paris, 1720 ; Jos. Berington, The history of the lives of Abeillard and Heloïsa…, in-4o, Londres, 1784 ; Ign. Aur. Fessler, Abàlardund Heloise…, 2 in-8o, Berlin, 1807 ; Luigi Tosti, Storia di Abelardo e dei suoi tempi, in-8o Naples, 1851 ; Ch. de Rémusat, Abélard, sa vie, sa philosophie et sa théologie, 2 in-8o, Paris, 1855 ; le même, Abélard, drame, publié par Paul de Rémusat, in-8o, Paris, 1877 ; l’abbé Vacandard, Abélard, sa lutte avec saint Bernard, sa doctrine, sa méthode, in 12, Paris, 1881 ; cf. le même, Vie de saint Bernard, t. ii, p. 140-176 ; S. Mart. Deutsch, Peter Abälard, ein kritischer Theologe des zwölften Jahrhunderts, in-8o Leipzig, 1883.

IV. Recueils généraux. — Dom Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, 1758, t. xxii, p. 153-192 ; dom Clément, Histoire littéraire de la France, 1763, t. xii, p. 86-152 ; Morin, Dictionnaire de philosophie et de théologie scolastiques, in-4o, Paris (Migne) 1856, col. 179-367 ; Hetele, Conciliengeschichte, 2e édit. (Knöpfler), § 610 et 616, t. v, p. 358, 451 ; trad. franc. Delarc, t. vii, p. 161. 250.

V. Sur Abélard philosophe. — Voir les Histoires de la philosophie au moyen âge : Cousin, Introduction (aux ouvrages inédits), p. v-203, reproduite dans les Fragments de philosophie au moyen âge ; Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, in-8o, 1850, t. i, p. 267-287 ; Rousselot, Études sur la philosophie dans le moyen âge, t. ii, p. 1-109. Sur le théologien, cf. l’article suivant.

E. Portalié.

II. ABÉLARD (Articles condamnés par Innocent II). — I. Les documents. II. Vrai sens des articles condamnés et système théologique d’Abélard.

I. Les documents. — De la condamnation de 1121 à Soissons, aucun document officiel n’est resté. D’après Othon de Freising, De rébus gestis Friderici I, l. I, c. xlii, dans Recueil des hist. des Gaules, t. xiii, p. 654, on reprochait à Abélard d’enseigner le sabellianisme, et saint Bernard nous apprend que les nouveaux ouvrages proscrits en 1141 reproduisaient le livre brûlé à Soissons. Epist, cxci, P. L., t. clxxxii, col. 557. Or, sur la condamnation de 1141, nous avons les rescrits d’Innocent II et les Capitula errorum Abailardi.

i. rescrits d’innocent ii. Dans une lettre adressée le 16 juillet 1141 aux archevêques Henri de Sens et Samson de Reims, à leurs suffragants et à l’abbé de Clairvaux, le pape disait :

Nos itaque, qui in cathedra sancti Petri, cui a Domino dictum est : Et tu aliquando confirma fratres tuos, licet indigni residere conspicimur, communicato fratrum nostrorum episcoporum cardinalium consilio, destinata Nobis a vestra discretione capitula et universa ipsius Petri dogmata sanctorum canonum auctoritate cum suo auctore damnavimus, eique tanquam hæretico perpetuum silentium imposuimus. Universos quoque erroris sui sectatores et defensores a fidelium consortio sequestrandos et excommunicationis vinculo innodandos esse consemus. Jaffé-Loewenfeld, Regesta pontificum Roman., t. i, n. 8148 ; P. L.. t. clxxix, col. 515.
Nous donc, assis, malgré notre indignité, sur la chaire de saint Pierre à qui le Seigneur a dit : Et toi un jour confirme tes frères, après avoir pris conseil de nos frères les évêques cardinaux, en vertu de l’autorité des saints canons, nous condamnons les articles envoyés par vos soins et tous les dogmes impies de Pierre, ainsi que l’auteur lui-même, et nous lui imposons, à lui, comme hérétique, un silence perpétuel. Nous décidons, en outre, que tous les sectateurs et défenseurs de son erreur devront être séparés de la communion des fidèles et enchainés par les liens de l’excommunication.

Une seconde lettre du même jour mandait aux mêmes prélats « de faire enfermer séparément dans les monastères qui paraîtraient convenables, Pierre Abélard et Arnaud de Brescia, qui ont fabriqué des dogmes pervers et attaqué la foi catholique, et de faire brûler leurs livres partout où on les trouvera ». Jaffé-Loewenfeld, ibid., n. 8149 ; P. L., ibid., col. 517.

De ces textes, il ressort : 1o que la doctrine d’Abélard et l’auteur lui-même sont déclarés hérétiques ; 2o que ses ouvrages sont condamnés au feu (au moins l’Introductio, le Scito te ipsum et l’Expositio Epistolæ ad Romanos qui sont formellement dénoncés par saint Bernard, Epist., cxc, P. L., t. clxxxii, col. 1061, 1062) ; 3o que les propositions d’Abélard envoyées à Rome sont spécialement réprouvées sans que la censure qu’elles méritent soit déterminée.

ii. articles condamnés. — Aucune liste absolument officielle n’ayant été conservée, nous donnons la plus complète, publiée par d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris, 1728, t. i, p. 21, reproduite par Mansi, Concil, t. xxi, col. 568, et Denzinger, Enchiridion, 10e édit., n. 368-386. C’est celle qui fut communiquée à Abélard au concile de Sens, puisque, dans sa rétractation, P. L., t. clxxviii, col. 568 ; édit. Cousin, p. 720, il l’examine article par article (sauf pourtant les 3e et 16e articles qui sont omis). Elle concorde avec la liste publiée par d’Amboise, Præfatio apologetica, P. L., t. clxxviii, col. 79, excepté pour les articles 3 et 15. Enfin la liste envoyée à Rome, découverte par dom Durand, et publiée par Mabillon, Sancti Bernardi opera, t. i, p. 640 ; P. L., t. cxcii, col. 1049, était réduite à quatorze chapitres avec des extraits d’Abélard trop longs pour être reproduits ici. Nous marquons donc d’un * les articles 3, 11, 15-19 qui, avant la sentence romaine, ont été retranchés. Dans l’article 14, le texte inintelligible donné par d’Amboise, d’Argentré, Mansi : ad Patrem qui ab animo non est, a été rectifié d’après le texte d’Abélard cité dans la liste romaine. P. L., ibid., col. 1082. La date est aussi rectifiée d’après Jaffé-Loewenfeld, loc. cit.

Capitula Abælardi a concilio Senonensi a. 1141 et ab Innocentio II (16 jul. 1141) damnata.

Articles d’Abélard condamnés par le concile de Sens (1141) et par Innocent II (16 juillet 1141).

1. Quod Pater sit plena potentia, Filius quædam potentia, Spiritus Sanctus nulla potentia.

2. Quod Spiritus Sanctus non sit de substantia Patris aut Filii.

3*. Quod Spiritus Sanctus sit anima mundi.

4. Quod Christus non assumpsit carnem, ut nos a jugo diaboli liberaret.

5. Quod nec Deus et homo, neque hæc persona, quæ Christus est, sit tertia persona in Trinitate.

6. Quod liberum arbitrium per se sufficit ad aliquid bonum.

7. Quod ea solummndo possit nous facere vel dimittere, vel eo modo tantum, vel eo tempore, quo facit et non alio.

8. Quod nous nec debeat nec possit mata impedire.

9. Quod non contraximus culpam ex Adam, sed pœnam tantum.

10. Quod non peccaverunt, qui Christum ignorantes crucifixerunt, et quod non culpæ adscribendum est, quidquid fit per ignorantiam.

1. Le Père est la puissance complète, le Fils est une certaine puissance, le Saint-Esprit n’est nullement une puissance.

2. Le Saint-Esprit n’est, pas de la substance du Père ou du Fils.

3*. Le Saint-Esprit est l’âme du monde.

4. Le Christ ne s’est pas incarné pour nous délivrer du joug du démon.

5. Ni le Christ Dieu et homme, ni cette personne qui est le Christ, n’est une des trois personnes de la Trinité.

6. Le libre arbitre par ses seules forces suffit pour opérer quelque bien.

7. Dieu ne peut accomplir ou omettre que ce qu’il accomplit ou omet, et encore seulement de la manière et dans le temps qu’il le fait et non point autrement.

8. Dieu ne doit ni ne peut empêcher le mal.

9. Adam ne nous a pas transmis sa faute, mais seulement la peine de son péché.

10. Ceux qui ont crucifié le Christ, sans le connaître, n’ont point péché et rien de ce qui se fait par ignorance ne doit être imputé à faute.