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ALEXANDRE VII, PROPOSITIONS CONDAMNÉES PAR LUI

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son intercession, avait refusé certaines grâces aux familles de Farnèse et d’Esté, renvoya le nonce, écrivit une lettre dure et offensante au souverain pontife, s’empara d’Avignon et du comtat Venaissin, et menaça d’envahir les États de l’Église. Abandonné de tout le monde, le pape subit en 1664 la paix humiliante de Pise, qui lui imposait, entre autres conditions, des excuses au roi et au duc, et l’érection d’une pyramide à Rome pour en perpétuer le souvenir.

Les jansénistes, sous les feux croisés des jésuites de France et de Rome, essayèrent d’une diversion en portant la guerre chez leurs ennemis. Pascal publia les lettres Provinciales en 1656, incriminant la morale relâchée des casuistes de la Compagnie. Ses petites Lettres furent aussitôt mises à l’Index à Rome (1657), ce qui n’empêcha point leur succès étourdissant. L’effet en devint bientôt sensible : à côté des discussions sur la grâce, on eut des discussions sur la morale relâchée et sur la casuistique, où les jésuites durent se défendre. Le père Pirot écrivit V Apologie pour les casuistes contre les jansénistes (1657) ; mais il eut la main si malheureuse et s’attira des évêques de si vives répliques sous forme de lettres pastorales, qu’Alexandre VII lança un bref défavorable aux casuistes et condamna l’Apologie (1659).

Pascal et ses amis n’avaient pas créé cette controverse sur les questions morales, ni attaqué les premiers la Compagnie ; en tacticiens habiles, ils avaient seulement saisi et porté leur effort sur le point faible de leurs adversaires. Les questions de morale sont étroitement liées au dogme de la grâce. Dans toute la première moitié du xviie siècle, les théologiens avaient beaucoup discuté la théorie nouvelle du probabilisme, surtout dans les Pays-Bas. L’Université de Louvain avait censuré en 1653 dix-sept, et en 1657 vingt-six propositions, dénoncées les premières par l’archevêque de Malines, les autres par l’évêque de Gand, comme contenant les prinpipes d’une morale relâchée. L’évêque de Namur en 1659 en condamna aussi un certain nombre. L’envoi de propositions semblables à Rome par l’archevêque de Malines, les violentes controverses en France décidèrent le pape Alexandre VII à porter son attention de ce côté. En 1656, il invita les dominicains, assemblés pour le chapitre général, à s’opposer aux excès d’une morale nouvelle. Enfin en 1665 et 1666, il censura lui-même quarante-cinq propositions dont plusieurs avaient déjà été proscrites par les évêques des Pays-Bas. Pourtant il ne condamna point le probabilisme ; il en fut détourné par le jésuite cardinal Pallavicini.

L’opposition des écoles, l’une plus exigeante envers la nature humaine, l’autre plus débonnaire, se retrouve dans la controverse sur l’attrition ou la contrition nécessaire et suffisante pour recevoir dignement le sacrement de pénitence. Beaucoup de jésuites ne pensaient point que dans l’attrition requise il entrât un mouvement d’amour de Dieu. Par décret du 5 mai 1667, Alexandre VII défendit aux théologiens, écrivains et professeurs, de censurer d’aucune manière l’une ou l’autre opinion, réservant au Saint-Siège de se prononcer sur le fond lorsqu’il le jugerait à propos.

En même temps que le roi de France demandait à Alexandre VII des constitutions dogmatiques contre les jansénistes et des formulaires de foi, il s’opposait à une proclamation en France de l’infaillibilité personnelle du pape. La rupture des rapports diplomatiques entre la France et Rome empêcha le pape d’intervenir activement dans les différends entre la faculté de théologie de Paris et le parlement. Après le rétablissement de la paix, Alexandre VII fit demander au roi par l’intermédiaire du nonce (6 avril 1665) la rétractation des jugements trop contraires à l’autorité pontificale rendus par la faculté de Paris à l’occasion d’un ouvrage de Jacques Vernant, pseudonyme du religieux carmélite Bonaventure Heredi, et d’une théologie morale publiée sous le

pseudonyme d’Amédée Guimenius par le jésuite de Moya. Parmi les propositions censurées il en était qui méritaient de l’être ; mais la faculté avait également condamné les thèses qui proclamaient l’infaillibilité du pape et la plénitude de sa juridiction. Sur le refus du parlement de lui donner satisfaction, Alexandre VII annula les censures de la faculté par une bulle du 25 juin 1665, notamment en ce qui touchait les propositions sur le pouvoir pontifical et se réserva le jugement sur les ouvrages de Vernant et de Guimenius, ce qui amena une recrudescence de gallicanisme chez les parlementaires.

A l’égard du Portugal, le pape Alexandre VII continua la politique qu’il avait pratiquée comme secrétaire d’État ; il ne reconnut pas le royaume qui s’était détaché de l’Espagne en 1640 pour se constituer sous le sceptre d’un prince de la maison de Bragance, et refusa d’instituer les évêques que nommerait le roi Jean IV. Le roi laissa en conséquence les évêchés sans titulaires et en distribua les revenus. Il songeait à organiser une église nationale, lorsque Clément IX, successeur d’Alexandre, fit la paix (1669). Alexandre VII mourut en 1667, le 22 mai, à un âge avancé.

Bulles dans le Bullarium romanum, t. xvi-xvii, Turin, 1869 ; Sforza Pallavicini, Delta Vita di Alessandro Vil libri V, Prato, 2 vol., 1839, ouvrage dont Ranke qui l’avait vu manuscrit s’est servi : Die rômischen Pàpste in der letzten vier Jahrhunderten, t. iii, 6° édit., Leipzig, 1874 ; von Reumont, Gcschichte der Stadt Rom, t. iii, 2 Abt., Berlin, 1870 ; von Reumont, Fabio Chigi (Papst Alexander Vil) in Deutschland, Aix-la-Chapelle, 1885 ; Petrucelli délia Gattina, Hist. diplomatique des conclaves, t. iii, p. 145, Paris, 1805 ; Gazier, Les dernières années du cardinal de Retz, Paris, 1875 ; Chantelauze, Le cardinal de Retz, Paris, 1879 ; comte Charles de Mouy, Louis XIV et le SaintSiège, l’ambassade du duc de Créqui (1662-1665), 2 vol., Paris, 1893 ; Ch. Gérin, La relation de la cour de Rome (1660), dans la Rev. des questions historiques, t. xxvii, p. 570.

H. Hemmer.

II. ALEXANDRE VII, propositions condamnées par lui, le 24 septembre 1665 et le 18 mars 1666. — A plusieurs reprises différentes, au xviie siècle, le suprême magistère doctrinal de l’Église a dû faire entendre sa voix pour maintenir dans le droit chemin l’enseignement de la théologie morale troublé par les controverses issues de la querelle janséniste. Comme il arrive toujours en pareil cas, quelques adversaires de l’hérésie fameuse, dans leur zèle à combattre les sévérités outrées’de ses conséquences pratiques, s’étaient laissé entraîner au delà des limites d’une sage réaction. Aux tendances étroites de la secte ils se trouvèrent amenés à opposer la tendance, toute contraire, d’un laxisme périlleux ; de là certaines propositions hardies, inspirées par les exagérations d’un probabilisme mal entendu, dont les jansénistes, Pascal entre autres dans ses Provinciales, tiraient parti pour jeter, à leur profit, le ridicule et le discrédit sur les plus respectables écoles de la théologie catholique traditionnelle. Nous n’avons pas à dire ici les origines du probabilisme, ni comment, même avant Jansénius et Pascal, plusieurs théologiens avaient déjà commencé à en abuser. Il nous suffit de rappeler, en passant, les circonstances historiques qui ont déterminé l’Église à intervenir solennellement pour affirmer la vérité surnaturelle dont elle est dépositaire. Également soucieuse d’éviter tous les extrêmes, elle a réprouvé, en morale, aussi bien le tutiorisme janséniste que le laxisme probabiliste. C’est surtout aux papes Alexandre VII (1655-1667), Innocent XI (1676-1689) et Alexandre VIII (1689-1691) que nous devons, dans cette dernière catégorie d’erreurs, les plus nombreuses et les plus importantes condamnations.

Nous donnons ici, collationné d’après le Bullaire romain et la Colleclio judiciorum de Duplessis d’Argentré, le texte authentique et intégral des deux séries de propositions condamnées par le pape Alexandre VII :