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ALEXANDRE V — ALEXANDRE VI

marche d’Ancône et du duché de Spolète, il fit tous ses efforts pour décider Grégoire à prendre part au concile de Pise qui se préparait. Voyant qu’il ne pouvait y parvenir, il écrivit au roi d’Angleterre el à l’archevêque de C.antorliéry pour le< déterminer à abandonner l’obédience du pape de Rome. Martène et Durand, ibid., col. 815-817.

Le pontife en fut très mécontent ; il déclara les cardinaux apostats, schismatiques, calomniateurs et parjures, et les dépouilla de leurs bénéfices et dignités. Philargi se vit, de ce fait, dépossédé de l’archevêché de Alilan ainsi que de quelques autres bénéfices. Raynaldi, Annales, an. 1108, n. 61 sq. ; an. 1409, n. 1.

Cette condamnation ne fit qu’animer le prélat contre le pape romain et il redoubla d’efforts pour assurer le succès du futur concile. Il réussit enfin, et le synode de Pise eut sa séance d’ouverture le 25 mars 1409. Le lendemain on célébra la messe du Saint-Esprit. Le cardinal de Milan y fit le premier discours ; il attaqua avec peu de ménagements lis papes rivaux et conclut à la nécessité de ce concile pour rétablir l’union dans l’Église. Quand l’habile Charles de Malatesta vint à Pise pour y défendre Grégoire XII, Philargi fut un des négociateurs chargés de traiter avec lui. Le prince de Rimini le soupçonna dès lors d’aspirer à la papauté. Martène et Durand, t. vu, col. 1044.

L’événement devait bientôt lui donner raison. Plus de cent théologiens réunis sous la présidence du cardinal de Milan déclarèrent les papes rivaux hérétiques et schismatiques, puis le concile les déposa. A la dixneuvième session (26 juin 1409), Pierre Philargi fut élu à l’unanimité par le Sacré-Collège. Il prit le nom d’Alexandre V.

Le nouveau pape présida la vingtième session le 1" juillet et prononça un discours sur l’union. Quelques jours plus tard, il confirma toutes les ordonnances portées par les cardinaux, et prit soin de déclarer que le concile général en réparait tous les défauts.

Alexandre V réunit aussi en un seul les deux collèges cardinalices et promit de travailler efficacement à la réforme de l’Église.

Couronné solennellement le 7 juillet dans la cathédrale de Pise, il présida les dernières sessions du concile. On y porta un certain nombre de décrets touchant la réformation, et on remit au prochain synode l’achèvement de cette importante affaire. On ne pouvait en effet la décréter ex abrupto avant que le pape Alexandre ne fût universellement reconnu. Sa légitimité était déjà alors très contestée:clic l’est encore aujourd’hui.

Pendant son court passage sur le trône pontifical, Alexandre V mérita deux reproches. Le premier est d’avoir accordé trop libéralement les faveurs et les grâces à tous ceux qui les lui demandaient. Le second est d’avoir montré une confiance illimitée dans les religieux de son ordre et de leur avoir octroyé des privilèges qui mécontentèrent vivement le clergé’séculier et surtout l’université de Paris. Du lioulay, Hist. univers. Paris., Paris, 1665 sq., t. v, p. 2(10.

Alexandre lança une bulle contre le roi Ladislas de Naples i|iii soutenait Grégoire XII et qui s’était emparé d’une grande partie des États pontificaux.

Home fut reprise par les troupes pontificales ; les habitants désiraient le retour du pape dans la ville l i’; mile, mais le cardinal Cossa mit tout en ouvre pour l’empêcher, et il > réussit. Le pontife resta donc à Bologne; il condamna de nouveau ses deux compétiteurs el confirma les décisions prises au concile de Pise.

Afin de donner aux Romains une certaine satisfaction, il leur accorda un jubilé pour l’année 1413. Raynaldi, an. 1410, n. 16. Ce fut un de ses derniers actes pontificaux. A la lin d’avril 1410, il se sentit frappé d’une maladie mortelle. Il réunit autour de son lit le SacréCollège, lui adressa en latin un discours d’adieu et

affirma une dernière fois l’autorité des décisions de Pise. Il mourut quelques jours après, le 3 mai. Platina,

! ><■ vtlis pontificum, 1662, p. 249. Alexandre avait régné

dix mois et huit jours.

On accusa depuis Balthazar Cossa, le futur Jean XXIII, d’avoir empoisonné le pape Alexandre qui avait été son bienfaiteur. Cette infamie ne repose sur aucun fondement. Ilefele, Hist. des conciles, trad. Leclercq, Paris 1912, t. vu, § 745,

L’église des mineurs de Bologne conserve son tombeau, qui est magnifique et orné d’élogieuses épitaphes. Voir la description dans Ciaconius, Vitse et res gestx pontif.Rom., t. Il, p. 776.

Outre les auteurs déjà cités, on peut consulter:Hergenrœther, Histoire de l’Église, traduct. Belet, t. rv, p. 517 sq., Paris, 1888Muratorij Berum italir. Srriptores, Milan, —1723, t. m, part. 2, p. 842 ; t. xvii, p. 1120 ; t. XVIII, p. 1087 ; t. XIX, p.. S78 ; t. XXI, p. 101’Pastor, Histoire despapes, t. i, p. 200, 268 ; Luc Wadding,.4 nnale’s minorum, Lyon, 1625 sq., t. ix, p. 273 ; G. Williams, Officiai correspondence of Thomas Bekynton, Londres, 1872. On y trouve plusieurs lettres d’Alexandre V. — Nous ne connaissons qu’un seul ouvrage spécial sur Alexandre V; il est écrit en grec moderne et a pour titre : Mà ? /ou Ptvugi]’’foronxai iuXctu* o "EUr|v Qàicct ;’AÂtSavipoç E. Ti> BuC&vriov xaï <j Èv B « <TiAtia ïuvôio ;, 1881.

L. Salembier. G. ALEXANDRE VI. Rodrigue Borgia, le futur Alexandre VI, naquit à Xativa, près de Valence, en 1430 ou 1431. Il était neveu de Calixte III, l’un des papes qui pratiquèrent le plus le népotisme. Le 20 février 1456, Calixte donna la pourpre à Rodrigue, et l’année suivante, il le lit vice-chancelier de l’Église romaine. Auparavant et dans la suite, Rodrigue entra en possession d’un grand nombre de bénéfices, ce qui, joint à sa fortune personnelle, lui procura d’immenses ressources ; bientôt il fut l’un des membres les plus riches du SacréCollège, l’un de ceux dont le train de vie était le plus luxueux.

En outre, sa vie privée était fort répréhensible. Jusqu’à sa promotion au cardinalat, l’on n’a aucun témoignage précis contre ses mœurs, mais le 11 juin 1460, Pie II lui écrivait pour lui reprocher la légèreté de sa conduite. Vers 1470, il commença à entretenir des relations avec une femme mariée, Vanozza de’Catanei. Elle lui donna quatre enfants : Juan (1474), César (1475), Lucrèce (1478) et Jofré (1480-1481). On connaît au cardinal deux autres enfants, nés probablement d’une autre mère : Pedro Luis (1460 ?) et Girolama. Avant son élévation au souverain pontificat, Rodrigue chercha à ses enfants des établissements en Espagne.

Sous Pie II (1458-1464), il eut peu d’influence, mais sous Paul II (1464-1471) el Sixte IV (1471-1484), son prestige alla en augmentant. A la mort de Sixte IV, parmi les candidats à la tiare, il était l’un des plus en vue. Malgré ses intrigues, il ne put se faire élire. A la mort d’Innocent VIII (1492), ses tentatives eurent un meilleur succès : aux récalcitrants, il promit de l’argent, des terres ou— des bénéfices, et par ces pratiques simoniaques parvint au souverain pontificat (10 août 1492).

Cette élection fut généralement accueillie avec satisfaction. Évidemment, l’en n’ignorait pas les désordres di— la vie privée du cardinal Rodrigue ; mais à l’époque, on était sur ce point d’une tolérance incroyable. L’estime pour le nouvel élu augmenta lorsqu’on apprit qu’il voulait travailler à ramener la paix dans l’Eglise et le bon ordre dans ses Etals. Mais bientôt la pensée d’assurer la grandeur de sa famille devint son idée fixe et l’emporta sur toutes ses autres préoccupations.

Les deux premières années du pontificat (1492-1493) furent occupées surtout par des hostilités et des négociations avec le royaume île Naples. En même temps, le cardinal Julien de la Rovère, le futur.Iules II, commençait contre Alexandre une lutte ouverte qui devait durer pendant tout le pontificat.