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ALEXANDRE III, SON PONTIFICAT

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et à ses partisans par la restitution des places qu’ils avaient possédées avant le schisme. A l’entrevue de Venise, le 24 juillet 1177, Frédéric se prosterna devant Alexandre, baisa ses pieds et reçut de lui le baiser de paix. Après la messe, il lui tint l’étrier, et conduisit son cheval par la bride pendant quelques pas. La paix fut jurée et proclamée le 1 er août dans le palais patriarcal. Le pape, néanmoins-, ne put rentrer dans Rome révoltée que le 12 mars 1178.

Parallèlement à la lutte contre Frédéric Barberousse, Alexandre en soutint une, moins sanglante, plus diplomatique que guerrière, contre Henri II, roi d’Angleterre. Ce prince avait rendu au pape un service inappréciable en empêchant la jonction du roi de France Louis VII et de l’empereur Frédéric à la conférence de Saint-Jean de Losne d 162) ; mais un différend avec l’archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket, l’engagea dans une lutte de neuf années contre le pape. Tout n’était pas injuste dans les réclamations du roi contre les excès d’indulgence dont les immunités faisaient bénéficier des clercs coupables de crimes et contre la multiplicité des appels ; mais en rédigeant les articles de Clarendon et en les soumettant à l’acceptation des évêques, il modifiait violemment, de son autorité privée, un droit existant que le pape ne pouvait sacrifier entièrement, surtout en ce qui concernait le droit d’appel au saint-siège. Becket trouva un refuge en France. Le pape le soutint aussi efficacement qu’il put le faire, sans risquer de détacher le roi d’Angleterre de son obédience et de le jeter dans le parti de Barberousse et de l’antipape. Malgré les critiques dirigées contre sa prétendue faiblesse, malgré les plaintes mêmes de Becket contre une « cour qui frappe les exilés et les faibles », il temporisa diplomatiquement jusqu’à ce qu’il se sentit plus fort contre Frédéric et plus sur de l’appui de l’opinion en Angleterre. Thomas Becket rentra en fonctions auprès de Henri II en 1170, et fut assassiné le 29 décembre de la même année, non par l’ordre du roi, mais par des chevaliers qui pensaient lui être agréables. En lui faisant imposer une pénitence, le 22 mai 1172, dans l’église cathédrale d’Avranches, Alexandre obligea le roi de retirer les articles de Clarendon, de laisser libres les appels au pape, et de tenir son royaume du Saint-Siège : ego et maior filius meus rex iuramus quod a domino Alexandro papa et ejus catholicis successoribus recipiemus et tenebimus regnum Anglise et nos et nostri successores in perpétuant non reputabimus nos Anglise reges veros, donec ipsi nos catholicos reges tenuerint.

De pareilles conditions sont moins des garanties de paix que des semences de dissensions futures ; elles attestent seulement ici le rôle politique de la papauté’en Europe. Il ressort avec évidence de toute la correspondance pontificale où l’action politique se mêle constamment à l’exercice des fonctions religieuses. En 1179, le duc Alphonse de Portugal obtient d’Alexandre le titre de roi, une garantie morale de son indépendance, et la concession des territoires qu’il conquerrait sur les inlidèles, moyennant un cens annuel de quatre onces d’or. Jaffé, n. 13240. En 1180, Alexandre reçoit de Casimir II, duc dePolognc, le texte des lois qu’il se proposait d’édicter, afin qu’en les approuvant il leur donnât plus de majesté. — La même année, le pape menace, d’ailleurs sans résultat, Guillaume, roi d’Ecosse, d’un interdit sur tout le royaume, s’il empêche, l’évêque régulièrement élu au siège de Saint-André, d’en prendre possession. Jaffé, n. 13709-13711. — Même avant d’avoir triomphé de l’empereur Frédéric, en vertu de sa seule autorité apostolique, il avait adressé en 1108 au roi de Suède, Knut Erichson, des avertissements au sujet des lois du mariage, des dîmes, du respect dû aux ecclésiastiques.

L’extension d’influence du saint-siège a pour conséquence, et aussi comme revers, la nécessité d’accroître cesse les revenus de l’Église romaine pour suffire

aux besoins de luttes toujours renouvelées ; de là une multiplication continue des exemptions accordées aux monastères et même à des églises particulières affranchies de la juridiction épiscopale ; elles tiennent une place très considérable dans la correspondance du pape, et suscitent plus d’une réclamation, comme celle de Richard, successeur de Thomas Becket, sur le siège de Cantorbéry ; de là aussi la fâcheuse pratique de peser sur des prélats et des princes fidèles ou complaisants et de disposer des prébendes de leurs diocèses, Jaffé, n. 10652, 11456, 11760, 11915, 12060, 12295, regrettable acheminement vers l’usage des recommandations et des mandats qui dégénéreront dans la suite sous des pontifes moins discrets. Le pape ne réussit pas non plus à réprimer la vénalité de certains cardinaux, trop accusée dans l’affaire de Thomas Becket, ni la rapacité des légats envoyés au dehors par le Saint-Siège.

Ce n’était pas que le pape Alexandre manquât ni de clairvoyance, ni de prudence, ni de piété ; il subit en partie les nécessités d’une situation héritée de ses prédécesseurs, et les besoins d’argent créés par un schisme où il n’avait aucune part de responsabilité. Lui-même ne mit aucun obstacle d’amour-propre ou d’ambition personnelle à la conclusion de la paix. Frédéric Barberousse, après l’entrevue de Venise, ne put se défendre d’une estime particulière pour ce pontife qu’il avait si mal connu et si violemment combattu. A plus d’une reprise, Alexandre essaya de marquer les bornes de la puissance pontificale. Alexandre III, c. iv, Deusur., v, 19 ; cf. Joh. Saresb., Epist., exevin, Ad Alex. 111, P. L., t. cxcix, col. 221 ; il ne permit pas d’en appeler au pape d’un juge temporel, sauf dans les Etats de l’Église. Alexandre III, c. iiv Siduobus, S l Deappellat., ii, 28. Par la réunion du IIIe concile de Latran, ouvert à Rome au mois de mars 1179, il travailla à guérir les maux les plus graves de l’Eglise, en même temps qu’à consolider la paix. Parmi les vingt-sept canons qui visent la discipline, notons le premier qui cherche à prévenir le retour des schismes en établissant que le pape élu doit réunir les deux tiers des suffrages des cardinaux ; d’autres canons limitent le luxe des prélats, défendent la pluralité des bénéfices, l’élévation d’un évêque avant sa trentième année, la pratique de la simonie, les promesses de collation de bénéfices avant la mort des titulaires, etc. Pour la dernière fois, le pape rappelle en les confirmant les décrets sur la paix de Dieu. Par le vingt-septième canon le pape, cédant à la pression du roi de France, Louis VII, excommunie les cathares qui commencent alors à se répandre dans le midi de la France, sollicite les chrétiens de prendre les armes contre eux, et promet à ces croisés d’un nouveau genre une indulgence de deux années.

L’attitude amicale de l’empereur Manuel Comnène, à Constantinople, un secours effectif qu’il offrit au pape, dans sa lutte contre Barberousse, firent espérer une réunion des Églises qui échoua dans la suite des négociations. Les empereurs grecs prenaient en particulier ombrage des projets de croisade. Alexandre lui-même n’avait pu faire autrement que d’inviter les chrétiens à secourir la Terre-Sainte : son appel est daté de Montpellier, le 14 juillet 1165. Jallé, n. 11218. Il favorisa de tout son pouvoir les missions en Asie, sacra évêque l’ambassadeur qu’il avait reçu d’un successeur du roi Jean, et le renvoya (1177) comme missionnaire à ce « roi des Indes ». Jaffé, n. 129’f2.

Une controverse s’étant élevée en Allemagne au sujet d’explications épineuses sur l’eucharistie, Alexandre ne jugea pas à propos de se prononcer et imposa le silence

àGerhoch de Reichersperg. Jaffé, n. 1101 1, 11012. Il réserva au Saint-Siège seul le droit de procéder aux canonisations, et canonisa, en dehors de tout concile général, saint Thomas Becket (II7IÎ) et saint Bernard de Clairvaux

(117’t). Protecteur des universités, il accorda des dis-