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ALEXANDRE III, SON PONTIFICAT

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le P. Gietl, Ta édité en 1891, Die Sentenzen Rolands, nachmals Papstes Alexandcr III, in-8°, Fribourg-en- Brisgau. Les deux savants dominicains ont prouvé que ce maître Roland ne peut être que le célèbre docteur Roland Bandinelli. Cette attribution est d’autant plus intéressante que les Sententise enseignent l’erreur d’Abé- lard sur l’union hypostatique, erreur condamnée en 1179 par Roland lui-mèrne devenu Alexandre III. Cf. l’article Abélard cité. Le P. Gietl insiste surtout sur ces deux faits : 1° Dans le Stroma Roland annonce qu’il prépare un livre de Sententise, et qu’il réserve pour ce livre une question sur la contrition : Sentcntiis inferendam et perlractandam. Or les Sententise traitent en effet cette question ; — 2° La comparaison entre les deux traités du mariage dans le Stroma et dans les Sententise, établit entre eux une telle identité de pensées et d’expressions qu’on ne saurait l’expliquer même par la liberté d’em- prunts souvent constatée au XII e siècle. Les Sententise semblent dépendre du Stroma, avec les différences ■exigées par un but nouveau, et par le progrès de la pensée chez l’auteur.

2° Date de la composition. — Il est difficile de l’as- signer d’une manière précise. L’ouvrage est sûrement postérieur à la mort d’Abélard (1142) puisque l’auteur -emploie la formule : dicebat magister Pelrus, et à la composition du Decretum, puisqu’il lui emprunte des -documents (sans le citer cependant). Mais a-t-il été com- posé après l’élévation de Roland au cardinalat, comme le pense le P. Gietl ? Le P. Ehrlé, S. .T., dans le Zeit- schrift fur katholische Théologie, t. xvi, p. 148, ne trouve pas ses raisons concluantes. Le but même de l’ouvrage destiné à l’enseignement et la formule directe vobis •asserenlibus semblent indiquer qu’il a été écrit durant le professorat de Roland, avant 1 130.

3° Importance de celte somme. — Elle constitue le document le plus important de l’école d’Abélard et une source de très grande valeur pour l’histoire de la théo- logie au XII e siècle avant Pierre Lombard. Sans doute, Roland n’a pas échappé à la fascination exercée par Abélard. Mais s’il lui emprunte quelques idées fausses, le plus souvent il corrige ses erreurs et applique avec une grande sagesse sa méthode nouvelle, en unissant à une dialectique nerveuse l’étude des textes patristiques. On peut signaler en particulier trois grandes questions -où il réfute Abélard sur la foi (p. 11), la trinité (p. 11, 29), •et l’optimisme en Dieu (p. 49, 81) ; l’étude de la néces- sité de la foi au Christ et du baptême pour le salut (p. 6- 11), la théorie sur le péché originel, théorie qui marque un vrai progrès sur les opinions précédentes (p. 117-135). Dans le traité de l’eucharistie, l’exposé des deux sys- tèmes alors en vogue sur la transsubstantiation est d’une clarté qu’on chercherait vainement ailleurs. On com- prend en le lisant certaines expressions de saint Tho- mas cherchant à éviter les deux écueils contraires. En résumé, Roland, loin de n’être qu’un disciple ou un compilateur, a fait œuvre de théologien personnel et profond et plus d’une question lui doit d’avoir fait un pas de plus vers la solution définitive.

A consulter : 1* pour l’histoire, Sarti, De Claris Archigym- nasii Bononiensis professoribus a sseculo xi ad sœculum xiv, 2 in-fol., 1769-1772 ; Reuter, Geschichte Papst Aleoeander’s III und der Kirche sriner Zeit, 2* édit., Leipzig, 3 vol. in-8% 1860- 1864.

2" pour le stroma , les ouvrages sur les sources du droit canonique, Maassen, Schulte, Philips, Tardif, et en particulier Lau- •rin, Introductio in corpus juris catwnici. in-8% Fribourg-en- Brisgau, 1889 ; Wernz, S.J., Jus décret alium, 1. 1, p. 361, Rome, 1898 ; mais surtout l’introduction de Thaner à son édition du Stroma.

3’ pour les sentences, Ambr. Gietl, O.P., Die Sentenzen Ro- lands, in-8% Fribourg-en-Brisgau, 1891 (la savante introduction de l’auteur et le précieux commentaire rentermant une étude comparative des diverses sommes de cette époque, font de ce livre <in manuel indispensable pour l’étude de la scolastique) ; Denille,

Archiv fur Lileratur-und Kirchengeschichte des Miltelalters, Berlin, t. i, p. 590 sq.

E. PORTALIÉ. II. ALEXANDRE III, son pontificat. — Chancelier pontifi- cal depuis 1153, conseiller très écouté du pape Adrien iy, Roland Bandinelli était partisan d’une alliance avec le roi Guillaume de Sicile, et contraire à l’empereur Fré- déric Barberousse, dont il fut mal reçu au congrès de Besançon, malgré sa qualité de légat. Voir Adrien IV. Au conclave qui suivit la mort d’Adrien, Roland fut élu pape le 7 septembre 1159, malgré neuf (ou peut-être seule- ment trois) voix données au cardinal Octavien qui se fit néanmoins proclamer pape à la faveur d’un tumulte provoqué par des bandes armées. Roland se retira à Nympha, au sud de Rome, pour s’y faire consacrer et couronner le 20 septembre sous le nom d’Alexandre III. L’antipape, consacré et couronné à Farfa, le 4 octobre, prit le nom de Victor IV. Son obédience ne comprit que l’Allemagne, où Frédéric, s’autorisant de son rôle de protecteur de l’Église romaine, le reconnut solennelle- ment à la suite du synode de Pavie (février 1160), con- voqué par ses soins et dirigé par ses créatures . Les deux pontifes s’excommunièrent mutuellement avec leurs partisans. Malgré une certaine hésitation sur l’opportu- nité d’une entière neutralité, les rois et les évêques de France et d’Angleterre se prononcèrent en octobre 1160, au concile de Toulouse, en faveur d’Alexandre, dont la légitimité n’était pas douteuse. L’Espagne, la Hongrie, l’Ecosse, l’Irlande, suivirent cet exemple, et au concile de Tours de 1163, reconnurent le pape Alexandre. Une guerre de dix-sept ans éclata entre l’empereur et le pape qui, après la prise de Milan, dut successivement

! quitter Rome (vers la fin de 1161) et gagner la France 

(mars 1162). Il fixa sa résidence à Sens. Louis VII y pourvut à l’entretien de sa personne et de sa cour. Vic- tor IV, mort à Lucques, le 20 avril 1164, fut remplacé par Guy, évêque de Crème, que le chancelier Rainald de Dassel, vicaire impérial en Italie, fit élire sous le nom de Pascal III, sans attendre l’avis de Frédéric et sans obser- ver aucune forme canonique. La diète deWurzbourg en 1165 obligea les princes et les évéques allemands de s’engager par serment à combattre Alexandre III et à soutenir Pascal. Conrad de Mayence et Conrad de Salz- bourg furent chassés de leurs sièges en punition de leur fidélité. Malgré la présence des députés de Henri II, roi d’Angleterre, à la diète de Wurzbourg, les évéques anglais restèrent dans l’obédience d’Alexandre qui, cette même année, retourna en Italie et à Rome. Chassé de cette ville en 1167, il se réfugia à Gaète et Bénévent et séjourna en divers endroits, notamment à Anagni. Fré- déric, maître de Rome, installa Pascal à Saint-Pierre et y reçut de sa main la couronne impériale.

La peste qui détruisit l’armée de Frédéric et le força à une retraite précipitée, la mort du chancelier Rainald de Dassel, la formation de la ligue lombarde (1 er décem- bre 1167), assez forte pour construire et peupler la ville d’Alexandrie dans la haute Italie, ébranlèrent l’empe- reur. A la mort de Pascal III (20 septembre 1168), ses partisans romains trahirent peut-être ses véritables intentions en élisant à la hâte le cardinal-évêque Jean d’Albano, qui fut l’antipape Calixte III. Des négociations engagées entre le pape et l’empereur n’ayant point abouti, Frédéric repassa en Italie avec une armée ; mais il échoua dansle siège d’Alexandrie et perdit, le 29 maill76 y la bataille décisive de Legnano. Il dut traiter. Alexandre l’obligea de comprendre dans la paix tous ses alliés, aussi bien les villes lombardes, que le roi Guillaume de Sicile et l’empereur de Constantinople. Le congrès eut lieu à Venise et l’on négocia sur la hase d’une recon- naissance mutuelle d’Alexandre et de Frédéric comme pape et empereur légitimes, d’une restitution réciproque de tout ce qu’ils s’étaient enlevé au cours de la lutte, d’un sort honorable fait à Calixte par le don d’une abbaye,