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ALÉATOIRES (CONTRATS)

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qu’il brûle en moyenne à Paris, chaque année, une maison sur "20 000, on en conclut que la prime sera suffisante si elle est de 1/20000 de la valeur de la maison, plus une certaine somme pour bénéfices et frais administratifs ; et une compagnie aura d’autant moins de chances d’erreurs qu’elle opérera sur des nombres plus considérables. Tel est, en substance, le mécanisme des assurances, c’est-à-dire tout simplement le principe de la mutualité appliqué aux pertes, comme on l’applique au partage du gain dans les associations mutuelles à bénéfices. Nous parlons ici principalement des assurances à prime.

Le contrat d’assurance est un contrat de justice parfaitement régulier. L’assureur vend à l’assuré, moyennant paiement de la prime, le droit de recevoir l’indemnité promise au moment où l’événement aléatoire préjudiciable se réalisera, et de son côté l’assuré achète en échange le droit d’actionner son assureur en paiement de l’indemnité stipulée.

L’assureur calcule les probabilités de l’événement en question et fixe le montant de la prime en conséquence. Pour diminuer les risques de perte, il multiplie le plus possible le nombre de ses clients, ce qui augmente son capital de réserve et lui permet de baisser le taux de la contribution ; si, par ailleurs, le péril d’indemnité à verser se fait plus rare, le nombre des assurés augmentant beaucoup, les fonds ainsi accumulés par l’addition régulière des primes peuvent croître au point de dépasser notablement les prévisions de versements à faire aux sinistrés ; dès lors, la société d’assurance s’enrichit et ses membres actionnaires peuvent toucher de beaux dividendes. Dans le cas contraire, quand les occasions d’indemnité à verser se répètent trop fréquemment et pour de fortes sommes, si les assurés ne sont pas assez nombreux, la société peut se trouver dans l’impossibilité de faire face à ses engagements, et les assurés sont en danger de perdre à la fois les compensations promises et le montant de leurs primes.

Le contrat d’assurance n’est en lui-même, au point de vu ? de la morale, pas plus répréhensible que les autres pactes aléatoires dont nous avons parlé déjà. Les contrariants s engagent, de part et d’autre, sur une matière susceptible d’obligation de justice, sur un droit réciproque estimable à prix d’argent, avec le devoir, bien entendu, de s’en tenir aux conditions stipulées sur le contrat ou police d’assurance et d’observer les règles naturelles de l’honnêteté. Ces règles portent principalement sur les points suivants :

1° Il ne doit pas y avoir fraude dans l’estimation et la déclaration de la valeur réelle de l’objet assuré ;

2° Il ne doit pas y avoir fraude dans l’estimation et la déclaration du péril auquel il est exposé ;

3° Lu cas de sinistre, l’indemnité réclamée ou offerte doit correspondre réellement au dommage subi par l’assuré, sauf conventions plus larges et plus aléatoires acceptées îles le début par les intéressés ;

4° L’assuré ne doit être en aucune façon cause responsable du sinistre dont il réclame compensation à son assureur ;

5° On doit, des deux cotés, sous peine d’injustice, loyalement exécuter les clauses expressément spécifiées sur la police d’assurance.

Malheureusement les circonstances pratiques de l’assurance sont telles, et si nombreux les détails par où la fraude peut S’j glisser, que ce contrat aléatoire est souvent, au for intérieur, une source de fautes plus ou moins graves contre la justice, non moins que de procès sans fin au for externe des tribunaux civils.

lai ces derniers temps, sous la poussée des modernes doctrines mutualistes, le système des assurances a pris une extension considérable. Il n’est, plus guère de risques fâcheux ou de surprises menaçant l’homme dans sa personne, son travail, ses biens, sa vie même, qui

n’aient leurs compagnies d’assurances correspondantes. Ces sociétés n’ont pas toutes la même « solidité », ni la même honnêteté dans l’administration des fonds que la collection des primes accumule dans leurs caisses ; de là des « krachs », qui sont toujours un peu à craindre ; de là aussi un nouveau système d’assurance de certaines compagnies entre elles, pour se garer des catastrophes possibles, auxquelles l’assuré peut parer également de son côté en faisant assurer la solvabilité de ses assureurs, par un nouveau contrat qui s’appelle reprise d’assurance.

Quant aux compagnies très solides, assez riches de capitaux de réserve pour faire des bénéfices, on s’est demandé si la morale ne leur imposait pas le devoir d’appeler les assurés à la participation du gain réalisé, en diminuant, par exemple, le taux des primes. Quelques théologiens l’ont pensé. Lehmkuhl, Theol. moralù, t. i, n. 1135, édit. Fribourg, 1896, p. 720. Nous ne sommes pas de cet avis. Il y a pacte bilatéral onéreux entre l’assureur et l’assuré sur ces deux points seulement : d’un côté, remise de la prime convenue, et de l’autre, versement d’indemnité juste en cas de sinistre. Que la compagnie s’y prenne comme elle l’entendra pour garantir le service de cette indemnité et pour tirer parti des primes soldées par ses clients, c’est affaire à elle seulement, et affaire absolument étrangère à l’assurance ; cela n’est pas le moins du monde compris dans les limites de la convention intervenue entre les intéressés. Si la compagnie subit des pertes, les actionnaires auront légalement à en pâtir, jamais les assurés : pourquoi, si elle réalise des bénéfices, les actionnaires n’en profiteraient-ils pas à l’exclusion des assurés qui n’ont, par contrat, aucun droit d’y prétendre ? Cf. Ballerini, Op. theol. morale, loc. cit., n. 628, édit. Prato, 1890, t. iii, p. 814.

Quelques auteurs ont aussi voulu mettre en doute la moralité des assurances sur la vie, qui consistent, comme l’on sait, à réserver, en cas de décès de l’assuré, et en échange des primes plus ou moins fortes qu’il verse suivant son âge et les probabilités accidentelles de sa mort, une certaine somme d’argent que toucheront ses héritiers ou toute personne quelconque désignée au contrat. Sauf les difficultés particulières que présentent la complication et les variations à l’infini de ce genre de contrat, sauf aussi, peut-être, la tentation possible de souhaiter la mort prompte de l’assuré afin de recueillir plus tôt le montant de l’assurance, — inconvénient qui se trouve, assez léger d’ailleurs, dans une foule d’autres contrats analogues, dans la rente viagère par exemple, admise par tout le monde comme honnête, — nous ne voyons pas ce que la théologie morale pourrait trouver à redire à l’assurance sur la vie, non plus qu’à tout autre genre d’assurances analogue, quand la justice préside des deux côtés à l’exécution consciencieuse des conventions mutuellement acceptées. Cf. Génicot, Theologia moralis, t. ii n. 656, iivi édit. Louvain, 1898. p. f>"2."> ; lluppert, Der Lébensversicherungsvertrag, Fribourg, 1896.

V. La rente viagère.

C’est un contrat bilatéral onéreux par lequel une personne s’engage à servir à une autre, sa vie durant, une certaine rente annuelle, en échange d’un capital mobilier ou immobilier qu’on lui abandonne. Il n’est pas question ici de la réserve d’usufruit ni de la rente viagère à titre gratuit.

Rien encore, per se, dans le contrat de rente viagère, qui soit répréhensible en morale, si les conditions naturelles et positives-dé la convention sont justement observées. Inutile de rappeler les principes énoncés précédemment ; nous n’aurions qu’à en l’aire une nouvelle application à la rente viagère, avec cette légère nuance distinclive cependant, que ce contrat, plus aléatoire ipie d’autres, est une sorte de véritable jeu ou de pari, livré aux plus imprévus caprices du hasard ; le mo-