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ALÉATOIRES (CONTRATS)

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d’action, des colères, des inimitiés, etc., sont l’accompagnement ou la conséquence du jeu ;

5° A jouer pour l’unique passion du gain à réaliser, avec péril de tomber dans le péché d’avarice ;

6° A engager au jeu de fortes sommes, même de ses propres deniers, au risque de se réduire, par suite de grosses pertes d’argent, à des privations et à un état de vie contraires au précepte de la charité in seipsum.

Tels sont en abrégé les principes de morale naturelle qui régissent la matière du jeu. Il nous reste à dire deux mots de sa législation positive.

Le droit canonique interdit aux clercs, et aux religieux surtout, les jeux de hasard, dans certaines conditions que nous n’avons pas à préciser ici. Voir saint Alphonse de Liguori, Theol. moral., édit. cit., 1. III, n. 895 sq. ; tous les moralistes au traité De stalibus particularibus et les canonistes dans leurs commentaires sur le titre (Décrétai., 1. III, tit. I) : De vita et honeslate clericorum.

D’après le droit civil français : 1° la loi « n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari », Code civ., art. 1965 ; 2° à l’exception cependant « des jeux propres à exercer au fait des armes… qui tiennent à l’adresse et à l’exercice du corps » ; 3° « néanmoins le tribunal peut rejeter la demande, quand la somme lui paraît excessive » (art. 1966) ; mais 4° « dans aucun cas le perdant ne peut répéter ce qu’il a volontairement payé, à moins qu’il n’y ait eu de la part du gagnant dol, supercherie ou escroquerie » (1967) ; toutefois, 5° une disposition récente (loi du 28 mars 1885 ; Rivière, Codes français, édit. Paris, 1890, Compléments, p. 1258) a abrogé l’art. 1965 en ce qui concerne les marchés à terme qui se résolvent en paiement de « différences » (voir Bourse) ; 6° enfin, les maisons de jeux de hasard sont interdites en France. Code pénal, art. 410.

II. Le pari.

Contrat bilatéral par lequel deux ou plusieurs personnes, en désaccord sur la vérité d’une proposition ou la réalisation d’un fait, dont aucune n’a la certitude, s’engagent à donner une chose, ordinairement une somme d’argent déterminée, en manière d enjeu, à celle qui, vérification faite, se trouvera avoir ou avoir eu raison.

Le pari en soi n’a rien qui blesse les lois de la morale naturelle, pourvu cependant qu’on y observe les conditions suivantes :

1° L’objet du pari ne doit pas être une chose moralement défendue ;

2° L’objet du pari doit être chose douteuse pour les parieurs, sans quoi l’égalité du contrat serait rompue. On excepte cependant le cas où, l’un des parieurs affirmant loyalement sa certitude absolue, l’autre voudrait quand même tenir le pari, transformant ainsi le contrat aléatoire en donation, ce qui d’ailleurs n’est jamais à présumer et ne doit s’admettre que sur évidente déclaration de l’intéressé ;

3° Comme d’ordinaire les parieurs ne sont pas exactement dans le même doute, les enjeux de paris devraient, en stricte rigueur de justice, être proportionnés au degré de probabilité que chacun peut avoir par rapport à la vérité de l’événement en litige. On admet cependant très souvent, en pratique, d’un commun accord, que l’enjeu soit le même quand l’examen des fondements de la probabilité n’est pas également accessible à tous, et alors scienti et volenti non fit injuria. D’ailleurs, celui qui parie reste toujours libre d’offrir la somme qu’il croit correspondre le mieux à ses chances de gain, comme il arrive par exemple dans les « paris de courses » ;

4° La justice exige absolument que les parieurs s’entendent bien sur l’objet et les conditions du pari ; l’équivoque ou le malentendu rendraient évidemment le pari nul de plein droit ;

5° Il faut enfin que le pari n’ait pas été frappé de nullité radicale par une loi positive, comme l’ont fait, par exemple, Pie IV, Bulle In eligendis, 9 oct. 1562, pour les paris portant sur la mort ou l’élection du souverain pontife, et Grégoire XIV, Bulle CogitNos, 21 mai 1591, pour l’élection des cardinaux.

Le pari, théoriquement légitime en soi au point de vue de la seule vertu de justice, présente en pratique per accidens, et très souvent, les immoralités graves d’ordre privé et social indiquées déjà ci-dessus à propos du jeu ; aussi les législations positives Font-elles presque toujours traité comme un ennemi du bien public, au même titre que le jeu et la loterie, soit en l’interdisant, soit en lui refusant l’assurance de l’action légale ou en lui accordant tout au plus, en certaines circonstances déterminées, le bénéfice d’une simple tolérance. Voir les articles déjà cités du Code civil, 1965 sq.

III. La loterie.

C’est l’attribution d’un objet de valeur (espèces, nature) à une personne désignée par le sort parmi celles qui ont, moyennant une contribution (mise, billet) préalablement payée, acheté le droit de courir les chances du tirage.

La loterie, sous ses formes infiniment variées, ne présente par elle-même aucune immoralité naturelle qui la rende illicite, à la condition néanmoins que tout s’y passe conformément aux exigences de la justice, c’est-àdire :

1° Qu’il n’y ait aucune fraude dans le tirage des numéros gagnants ;

2° Qu’il n’y ait pas trop de disproportion entre la mise des joueurs, les chances de gain et la valeur de l’objet à gagner, quand il s’agit d’une loterie qui a pour but de fixer par le sort la personne à qui reviendra la propriété du « lot » proposé à vente contre la somme formée par l’ensemble des billets achetés, tous frais déduits bien entendu. Dans les loteries dites de bienfaisance ou d’utilité publique, cette condition n’a pas lieu d’être observée, le montant des billets placés n’étant pas destiné seulement à couvrir la valeur des lots, mais aussi à subvenir à une œuvre bonne qui bénéficiera du gain réalisé dans l’opération.

Per accidens, les loteries offrent presque toujours de grands dangers à cause de l’appât du gain hasardeux par lequel elles sollicitent puissamment les contributions des petites bourses, et aussi en raison des fraudes nombreuses qui peuvent très facilement s’y commettre. En France, tous les genres de loteries sont défendus, sauf autorisation spéciale des pouvoirs publics. Loi du 21 mai 1836 ; Rivière, Codes français, édit. 1890, Complém., p. 283.

IV. L’assurance. — C’est une convention bilatérale par laquelle une personne ou une société s’engage, moyennant la rétribution qui lui est versée par une autre, à prendre à son compte les préjudices éventuels que celle-ci pourrait avoir à subir par le fait de certains accidents aléatoires spécifiés au contrat.

Dix mille propriétaires s’entendent pour garantir mutuellement leur propriété contre l’incendie. Une des dix mille maisons brûle ; le possesseur eût été ruiné s’il se fût trouvé seul à endosser la perte ; grâce à l’union, sa maison lui est restituée ; chacun paie sa part et n’a à supporter que la iraction, comparativement légère, du dix-millième du désastre ; ce dix-millième est ce qu’on appelle la prime.

On peut ne pas fixer le chiffre de cette prime et déclarer que chaque année on répartira entre tous les associés la somme variable à payer pour réparation de dommages, et, en plus, une somme fixe pour frais d’administration : c’est l’assurance mutuelle.

Le plus souvent les compagnies traitent à forfait avec les particuliers et les assurent moyennant une somme toujours fixe, quels que soient les désastres de l’année : c’est l’assurance à prime. Si, par exemple, on a calculé