Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
40
ABÉLARD (VIE ET ŒUVRES D’)

De plus, elle est sûrement postérieure à l’année 1133, puisqu’elle parle de Pierre de Bruys. Introductio, l. II, ibid., col. 1056. Le P. H. Denifle, O. P., approuve les conclusions de Goldhorn sur ce point. Voir Abælards Sentenzen und die Bearbeitungen seiner Theologia, dans Archiv für Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, 1885, t. i, p. 612, 603, etc.

2. Le De unitate et Trinitate divina n’est donc pas un abrégé de la Theologia, et encore moins « une expression plus complète de la pensée d’Abélard sur la Trinité », comme l’a pensé un savant critique. Mignon, Les origines de la scolasique et Hugues de Saint-Victor, in-8o, Paris, 1896, t. i, p. 167. C’est bien, ainsi que l’a prouvé Stolzle, dans la préface de son édition, op. cit., p. x sq., le traité spécial sur la Trinité dont Abélard était si fier et qui fut brûlé à Soissons. Le R. P. Mandonnet, O. P., pense avec raison que « cet ouvrage forme, avec la lettre apologétique de Roscelin, la partie la plus importante du dossier relatif à ses démêlés avec Abélard ». Revue thomiste, 1897, p. 300. — La Theologia christiana n’est qu’une seconde édition, avec de nouveaux développements, du De Unitate et Trinitate divina, dont elle reproduit le plan, les nombreuses objections et le texte intégral, sauf de très courts fragments (15 pages environ) jugés inutiles ou obscurs. C’est la revanche d’Abélard contre le concile de Soissons : dans le portrait si peu flatteur d’Albéric de Reims, Theologia christ., l. IV, P. L., t. clxxviii, col. 1285, est et alius in Francia…, il y a une allusion à la scène de Soissons racontée dans l’auto-biographie d’Abélard. Hist. calamit., ibid., col. 147. L’ouvrage paraît se terminer à la fin du livre IV, comme l’indiquent le plan, l’expression même de novissima quæstio, Theologia christ., l. IV, ibid., col. 1313, et surtout la conclusion finale Hæc nos… Ibid., col. 1713. L’ouvrage ne paraît incomplet que par l’addition malencontreuse du livre V, emprunté mot pour mot au livre III de l’Introductio pour laquelle il a dû être composé.

3. L’Introductio ad theologiam est la plus importante des œuvres d’Abélard. En dépit du titre ajouté par un copiste, elle est une vraie Somme de théologie composée à l’usage des écoles : Scholarium nostrorum petitioni, prout possumus, satisfacientes, aliquam sacræ eruditionis summum quasi divinæ scripturæ introductionem conscripsimus, lit-on dans le prologue. Ibid., col. 979. Le P. Denifle établit fort bien, loc. cit., Archiv, t. i, p. 589, 601, 611, que cette œuvre, commencée par Abélard dès sa retraite à Saint-Denys, n’a pu être continuée que plus tard. Mais dès le début paraît ici pour la première fois cette division de la théologie en trois parties, qui, bientôt suivie dans le Sic et non, sera célèbre dans l’école abélardienne : 1o  de la foi (et des mystères) ; 2o  des sacrements (et de l’Incarnation) ; 3o  de la charité. C’est à l’Introductio que viendront puiser toutes les Sommes de sentences publiées par les disciples d’Abélard. Voir III Abélard (école d’). Elle est aussi très certainement cet ouvrage désigné sous le nom de Theologia Abailardi, auquel Guillaume de Saint-Thierry, et après lui saint Bernard, ont emprunté les textes incriminés à Sens. Le tableau suivant facilite la vérification : la première colonne indique les citations faites par Guillaume, la deuxième les passages de l’Introductio, d’où elles sont extraites :

Disput. c. Abailardum. (P. L., t. clxxx.) Introductio ad theologiam. (P. L., t. clxxviii.)

Cap. i, col. 249. L. I, c. i, col. 981 (édit. Cousin, t. ii, p. 5).

Cap. ii, col. 250. L. I, c. v-ix, col. 987-989 (Cous., t. ii, p. 10-13).

Cap. iii, col. 244. L. II. c. xiii, col. 1068 (Cous., t. ii, p. 97).

Cap. iv, col. 257. L. II, c. xiv-xv, col. 1072 (Cous., t. ii, p. 100).

Cap. v. col. 265. L. I, c. xix, col. 1020 (Cous., t. ii, p. 45).

Malheureusement la comparaison ne peut plus se poursuivre : il nous reste seulement de l’Introductio la première partie sur la foi et la Trinité. Sur ce sujet, Abélard puise dans la Theologia christiana des chapitres entiers, en même temps que, par d’interminables digressions, il détruit l’harmonie de son plan et cette rapide précision si nécessaire à une Somme de théologie.

4. L’Epitome, mieux nommé dans le manuscrit d’Admont Sententiæ Petri Baiolardi, cf. Gietl, Die Sentenzen Rolands, 1891, p. 22, est au contraire un compendium de théologie méthodique, clair et précis. Le P. Denifle en conclut, non sans vraisemblance, qu’il n’est pas d’Abélard lui-même, bien qu’il reproduise partout très exactement son système, ses divisions et ses formules. Op. cit., Archiv, etc., t. i, p. 402, 420, 592. Encore moins est-ce un simple cahier d’éleve, comme le supposaient Gieseler et Hefele : le second manuscrit découvert par le P. Gietl exclut cette hypothèse. C’est donc un manuel de théologie abélardienne, résumant toute l’Introductio ad theologiam, telle qu’elle a dû exister avec les trois parties annoncées au début. De là le prix de cet abrégé qui supplée les parties perdues du grand ouvrage et dont la fidélité nous est garantie par ce fait que douze chapitres (sur 37) se retrouvent mot pour mot dans la partie conservée de l’Introductio. L’Epitome est donc par rapport à celle-ci ce qu’est relativement aux Sentences de Pierre Lombard le fameux abrégé de Bandinus. D’après la conjecture du P. Denifle, quand saint Bernard parle des sentences d’Abélard, Epist., cxc, seu tract, de erroribus Abailardi, c. v, P. L., t. clxxxii, col. 1062 ; cf. Epist., clxxxiii, ibid., col. 353, peut-être avait-il sous les yeux cet Epitome.

5. Le Sic et non, publié en partie par V. Cousin (1835), mais dont la première édition complète a été donnée à Marbourg en 1851, par Henke et Lindenkohl, n’est, d’après Abélard lui-même dans le prologue, P. L., t. c, col. 1349, qu’une compilation de textes, en apparence contradictoires, tirés de l’Écriture ou des Pères, sur 158 questions importantes de la religion. Soulever tant de difficultés sans en résoudre aucune, c’est certainement un jeu d’esprit aussi téméraire que dangereux. Des savants en ont conclu qu’Abélard déjà sceptique voulait jeter dans les esprits des ferments de doute. Cf. Vigouroux, Les Livres saints et la critique rationaliste, 3e édit., 1890, t. i, p. 347. Mais un calcul si pervers ne s’accorde ni avec le prologue de cet ouvrage, ni avec la foi qui, chez Abélard, survécut toujours à ses erreurs.

ii. œuvres exégétiques, morales, apologétiques. — 1. À l’exégèse appartiennent l’Expositio in Hexameron et les Commentariorum super S. Pauli epistolam ad Romanos libri quinque, cf. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, art. Abélard, t. i, col. 30 ; il y est fait mention d’une Expositio super Psalterium, et d’une autre super epistolas Pauli (Bibl. nat., ms. I. 2543). Le second ouvrage mérite seul l’attention parce qu’il renferme la doctrine d’Abélard sur la prédestination, la rédemption, le péché originel et la grâce. — 2. Le Scito te ipsum seu Ethica, publié par B. Pez dans le Thesaurus anecdotorum novissimus, t. ii, 3e part., p. 626 sq., est un traité de morale plus philosophique que religieuse dont les graves erreurs ont été relevées par saint Bernard. Voir II Abélard (Articles condamnés par Innocent II). Abélard a exposé la même doctrine dans le poème moral, Carmen ad Astralabium filium, que M. Ilauréau a publié intégralement (1040 vers, au lieu de 461 déjà connus), dans les Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, 1893, t. xxxiv, 2e partie, p. 153 sq. On y trouve une preuve de l’authenticité des lettres controversées d’Héloïse et des tristes faiblesses qu’elle y révèle, même après sa profession. Notice, par Hauréau, loc. cit., p. 156 : — 3. Le Dialogus inter philosophum, judæum et christianum, édité par Reinwald en 1831, est une apologie du christianisme à la fois originale et obs-