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ALBI — ALBIGEOIS

avec les doctrines vaudoises : celui qui définit que seuls les prêtres sont les ministres du sacrement de l’eucharistie, tandis que les vaudois accordaient ce privilège à tout fidèle, à la condition d’être sans péché, — et celui qui déclare valide le baptême des enfants. Et même ce dernier article n’est pas sans atteindre les cathares, car si, à la différence des vaudois, ils rejetaient le baptême d’eau, ils s’accordaient avec eux pour proclamer le baptême des enfants invalide.

Le reste est une claire et forte condamnation de l’albigéisme. Sur la Trinité et les deux principes, sur la création, sur Jésus-Christ, son incarnation, sa mort et sa résurrection, sur l’Ancien et le Nouveau Testaments, sur l’autre vie, sur l’Eglise, sur l’eucharistie, le baptême et le mariage, les définitions du concile contredisent directement les théories des albigeois.

Au sujet de la chute de l’homme, le concile établit qu’elle eut lieu à la suggestion du démon et, par là, écarte l’une des explications des hérétiques. Il néglige de redresser, dans ce qu’elle a de défectueux, l’autre explication, d’après laquelle le diable aurait eu recours à la ruse et aux promesses mensongères ; déguisé en ange de lumière, il aurait pénétré dans le ciel et aurait déterminé une foule d’esprits célestes à venir habiter sur la terre, où il les aurait unis à des corps.

On sait que les albigeois admettaient une sorte de confession publique. Le concile n’y fait aucune allusion. Il se borne à définir qu’on peut toujours se relever, par une vraie pénitence, des péchés commis après le baptême. La masse des albigeois aurait souscrit à cette proposition, quitte à ne pas s’entendre avec l’Église sur la nature de la vraie pénitence. Quelques-uns cependant, au rapport d’Alain de Lille, De fide catholica, I, 48, P. L., t. CCX, col. 352, affirmaient qnod post remissïonem qux fit in baptismo non habet locum alla quæ fit per pœnitentiam ; en conséquence, ils expulsaient de leurs rangs quiconque se rendait coupable d’un péché après avoir reçu leur baptême. C’est exactement l’erreur condamnée par le concile.

iv. résultats. — Laissant de côté la question du droit de l’Église en matière de répression de l’hérésie, il n’est pas possible d’approuver tous les actes des inquisiteurs, pas plus que tous les coups d’épée de Simon de Montfort et de ses partisans. D’autre part, on ne saurait nier que les albigeois valurent souvent mieux que leurs doctrines, ni contester les désordres d’une partie du clergé, stigmatisés par Innocent III, Epist., iii, 24 ; vii, 75, P. L., t. ccxiv, col. 905 ; t. ccxv, col. 355, etc.

Ces réserves faites, il convient d’applaudir à la victoire de l’Église sur les albigeois.

1. Au point de vue français.

On n’a voulu voir dans la guerre des albigeois qu’un antagonisme de races, une lutte du nord contre le midi. C’est inexact. Le dessein primitif de la guerre fut religieux ; les autres motifs furent secondaires. Et, si beaucoup d’abus se commirent, il est juste de les regretter ; mais il faut se rappeler aussi que la réunion, à la suite de la croisade, des provinces du midi à la couronne de France, eut une importance extrême, et que, « le jour où elle fut effectuée, notre nationalité fut définitivement constituée. » E. Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, étude sur la réunion des provinces du midi et de l’ouest à la couronne, Paris, 1870, p. 15.

2. Au point de vue chrétien.

En somme, l’albigi’isme, « malgré sa prétention de s’adapter au Nouveau Testament en l’interprétant par des allégories, était moins une hérésie qu’une religion différente ; » sa doctrine était « à moitié païenne ». C. Schmidt, Précis de l’histoire de l’Eglise d’Occident pendant le moyen âge, Paris, 1885, p. 222, 223. « L’écorce et non l’intérieur, les mots et non les idées fondamentales étaient chrétiens. » Ilefele, Histoire des conciles, trad. Leclereq, Paris, 191 1, t. v, § 645. Le christianisme était donc en jeu : ou

l’albigéisme disparaîtrait ou c’était à lui de disparaître. 3. Au point de vue social.

La doctrine albigeoise « portait en elle-même, aux yeux d’hommes un peu éclairés, des germes de mort, par ses conséquences antisociales ; car elle conduisait, par la manière dont elle envisageait la matière, à l’anéantissement de toute civilisation et même, par sa condamnation du mariage, à l’extinction de la race ». L. Tanon, loc. cit., p. 10. M. Tanon ajoute : « Elle se serait modifiée si elle avait définitivement triomphé, et ses conséquences extrêmes auraient été assez atténuées pour qu’elle pût s’adapter aux conditions nécessaires de la vie sociale. » Qu’en savons-nous ? En tout cas, l’Église la combattit telle qu’elle s’affirmait, et, comme le dit M. P. Sabatier, Vie de saint François d’Assise, Paris, 1894, p. 40, le triomphe de la papauté fut celui « du bon sens et de la

I. Sources anciennes.

1° les actes : Innocaniii 111 Epist., P. L., t. ccxiv-ccxvii ; Devic et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, nouv. édit., t. VIII, Toulouse, 1879, col. 263-1750 ; A. Molinier, Catalogue des actes de Simon et d’Amauri de Montfort, Paris, 1874.

2° SUR LES DOCTRINES : Au xii’siècle, Ecbert de Schdnaugen, Sernwnes adversus calharos, P. L., t. excv, col. 11-98 ; Eberhard de Béthune, Antihxresis, dans M. de la Bigne, Biblioth. pat., t. IV, 4’édit., Paris, I" part., col. 1073-1192 ; Bernard de Foncaude, Adversus waldensium sectam liber (titre faux, le traité est contre les cathares), P. L., t. cciv, col. 793-840 ; Ermengaude, Contra hxreticos, P. L., t. cciv, col. 1235-1272 ; Buonacorso de Milan, Vita hæreticorum, P. L., t. cciv, col. 775-792 ;

— au xiii’siècle, Moneta de Crémone, Adversus catharos et voldenses, Borne, 1743 ; Bainier Sacconi, Summa de catharis et leonistis, dans M. de la Bigne, Biblioth. pal., t. iv, II’part., col. 745-770 (sous le titre faux Liber contra waldenses hxreticos ) ; Alain de Lille, De fide catholica contra hxreticos sui temporis, P. L., t. ccx, col. 305-430 ; Luc de Tuy, De altéra vita fideique controversiis adversus albigensium errores, dans M. de la Bigne, Biblioth. pat., t. IV, II’part., col. 575-714 ; Le débat d’Izarn et de Sicart de Figueiras, poème provençal publié, traduit et annoté par P. Meyer, Nogent-le-Botrou, 1880, Un traité inédit du xiii’siècle contre les hérétiques cathares, publié (les titres des chapitres seulement) par C. Molinier, dans Annales de la faculté des lettres de Bordeaux, 5’année, n. 2, p. 237-239.

3’SUR LA GUERRE DES ALBIGEOIS : Pierre de Vaux-Cernay, Historia albigensium, dans dom Bouquet, Recueil des historiens des Gaules et de la France, nouv. édit., t. xix, 1880, Paris, p. 1-113 ; Guillaume de Puy-Laurens, Historia albigensium, D. Bouquet, t. xix, p. 193-225 ; t. xx, Paris, 1894, p. 764-776 ; La chanson de la croisade contre les albigeois, éditée et traduite par P. Meyer, Paris, 1875-1879, 2 vol. ; Histoire de la guerre des albigeois écrite en languedocien par un ancien auteur anonyme, D. Bouquet, t. xix, p. 114-192. Sur la valeur de ces sources cf. C. de Smedt, Bévue des questions historiques, t. xvi, 1874, p. 433-476 ; et P. Meyer, La chanson de la croisade, t. il, p. HI-XCHI.

b° SUR LA RÉPRESSION 1NQUIS1TOR1ALE : Liber sententiarum inquisitionis tholosanx ab anno 1301 ad annum 1323, publié par P. de Limborch, dans Historia inquisitionis, Amsterdam, 1692, 2’pagination, p. 1-397 ; C. Molinier, De fratre Guilletmo Pelisso veterrimo inquisitionis historico, accessit ejusdem fratris chronicon, Paris, 1880. Cf. sur les autres sources C. Molinier, L’inquisition dans le midi de la France au xiii’et au .y/ve siècle, étude sur les sources de sou histoire, Paris, 1880 ; C. Douais, Les sources de l’histoire de l’inquisition dans le midi de la France aux xiii’et xiir siècles, Paris, 1881 (renferme une nouvelle et meilleure édition de la chronique de Pelhisse) ; C. Molinier, Étude sur quelques manuscrits des bibliothèques d’Italie concernant l’inquisition et les croyances hérétiques du xir au xvii’siècle, Paris, 1888.

II. Travaux modernes.

Devic et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, nouv. édit., t. VI-VIII, Toulouse, 1879 ; C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois, Paris, 2vol., 1848 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclereq, Paris, 1911, t. v, § 645 ; C. Douais, Les albigeois, leurs origines, action de l’Église au xii° siècle, Paris, 1879 ; F. Tocco, L’eresia net medio evo, Florence, 1884, p. 73-134 ; L. Tanon, Histoire des tribunaux de l’inquisition en France, Paris, 1893 ; A. Bébelliau, Bossuet historien du protestantisme, 2’édit., Paris, 1892, p. 231-252, 345-353, 380-419, 476-483, 530-533 ;