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ALBI — ALBIGEOIS

nominativement « les hérétiques de la Gascogne et de la Provence », défend de les protéger sous peine d’excommunication. Labbe et Cossart, t. x, col. 1113. Cette censure est renouvelée, en 1162, par le concile de Montpellier, qui ordonne aux princes d’exercer contre les hérétiques leur juridiction temporelle ; en 1163, par le concile de Tours, qui spécifie que les albigeois seront emprisonnés et privés de leurs biens ; en 1179, par le IIIe concile œcuménique de Latran, qui adresse un appel au bras séculier. Labbe et Cossart, t. x, col. 1410, 1419, 1522 ; cf. Denzinger, Enchiridion synibolorum, § xlviii.

En 1184, au concile de Vérone, Lucius III rend le fameux décret où il frappe d’anathème les albigeois, et « tous ceux qui, en matière de foi, pensent ou enseignent autrement que l’Église romaine » (en voir le texte plus bas), et enjoint aux comtes, barons, recteurs ou consuls des villes et autres lieux, de prêter main forte aux évêques contre les hérétiques et leurs complices, et d’exécuter les statuts ecclésiastiques et impériaux. Labbe et Cossart, t. x, col. 1737. Ce décret n’indiquait pas la peine que devaient prononcer les tribunaux séculiers. L’empereur Frédéric Barberousse, qui avait assisté au concile, la précisa dans un édit, le premier qui eût été rendu à ce sujet par les princes : il mit les hérétiques au ban de l’empire, ce qui entraînait l’exil, la confiscation des biens, l’infamie et l’incapacité de toute fonction publique. Cf. Ficker, Mittheilungen des Instituts fur oesterreichische Geschichtsforschung, t. I, 1880, p. 187.

En dépit de ces décisions, les albigeois furent assez peu tracassés ; il n’y eut guère que la légation de Pierre, cardinal de Saint-Chrysogone, en 1178, pour les jeter dans un émoi sérieux. Cf. Henri de Clairvaux, P. L., t. cciv, col. 235.

Avec Innocent III, la répression de l’hérésie devient plus active. Un de ses légats, Pierre de Castelnau, ayant été assassiné, en 1208, par deux hommes au service de Raymond VI, comte de Toulouse, que Pierre de Castelnau avait excommunié, le pape, convaincu que Raymond est coupable de ce meurtre, ordonne de prêcher contre lui une croisade.

Le récit de la guerre des albigeois n’entre pas dans notre cadre. Qu’il suffise de rappeler les instructions d’Innocent III au légat Arnaud, abbé de Citeaux, chef de la croisade, qui ont été injustement incriminées. Innocent. III Epist., xi, 232, P. L., t. ccxv, col. 216 ; cf. C. Douais, L’Eglise et la croisade contre les albigeois, Lyon, 1882, p. 21 ; — le siège de Béziers (29 juillet 1209). Cf. la lettre d’Arnaud, P. L., t. ccxvi, col. 137. Le mot : « Tuez-les tous, Dieu saura bien reconnaître les siens, » Cœdite eos, novit enini Deus qui sunt ejus, attribué au légat Arnaud par Césaire d’Heisterbach, Dialogus miraculorum, v, 21, édit. Strange, Cologne, t. I, 1851, p. 302, n’est pas authentique. Cf. P. Tamizey de Larroque, Revue des questions historiques, 1. 1, 1866, p. 168 ; — la remise à Simon de Montfort, sur la proposition du légat, de la vicomte de Béziers et de Carcassonne, et, après la bataille de Muret (1213), qui vaut à Simon de Montfort le titre de comte de Toulouse, l’appel de Raymond VI à Innocent III et sa comparution au IVe concile œcuménique de Latran (1215).

La guerre prit tin par le traité de Paris (12avril 1229). Raymond VII, fils de Raymond VI, y céda presque tous ses États au jeune roi de France, Louis IX ; il stipula le mariage de sa fille Jeanne avec un des frères de saint Louis ; enfin, il s’engageait à poursuivre les hérétiques dans les domaines qui lui restaient. Voir le texte du traité dans Devic et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, nouv. édit., t. viii, Toulouse, 1879, col. 883.

Pendant cette guerre, la peine du feu fut infligée, pour la première fois, aux hérétiques des provinces méridionales, en 1209, à Castres. Cf. Pierre de Vaux-Cernay, Hisloria albigens., 22, dans dom Rouquet, Recueil des historiens des Gaules et de la France, nouv. édit., t. xix,

Paris, 1880, p. 21. Le fait se renouvela à plusieurs reprises et, dans la suite, ce supplice devint universellement la peine légale de l’hérésie.

Tout en s’occupant de trancher le litige entre Raymond VI et Simon de Montfort, le concile de Latran affirma, d’une façon solennelle, les principaux dogmes combattus par les albigeois. Nous en donnons le texte plus loin.

Au concile on vit paraître saint Dominique. Dès 1205, Dominique, simple chanoine d’Osina (Espagne), avait travaillé à l’extinction de l’albigéisme, surtout par la torce de la parole et l’ascendant de la vertu. Fit-il appel aux rigueurs du bras séculier ? La question a été souvent et passionnément agitée. Le vrai c’est que Dominique n’a pas fondé l’inquisition ; mais on a des preuves que, à titre d’auxiliaire des légats, il eut mission de convaincre les hérétiques, « et qu’en les convainquant, il les livrait, indirectement mais sûrement, au supplice, à moins que, par un acte de sa clémence, il ne suspendit l’action du bras séculier, instrument docile de l’Eglise. ».T. Guiraud, S. Dominique, p. 43. Le concile adopta les vues de Dominique sur la nécessité de perfectionner la prédication et la controverse contre l’hérésie ; mais il n’alla pas jusqu’à approuver l’ordre que le saint venait d’instituer avec ce programme : combattre perpétuellement pour l’orthodoxie et la morale. L’approbation fut accordée, l’année suivante, par Honorius III ; encore la bulle ne mentionnait-elle pas le but spécial poursuivi par Dominique et ses compagnons. Balme et Lelaidier, Cartulaire ou histoire diplomatique de saint Dominique, t. ii, Paris, 1897, p. 71. Le Saint-Siège continua d’envoyer dans le midi des légats, qui jouèrent un rôle à peu près exclusivement politique.

A l’inquisition épiscopale et par légats allait succéder l’inquisition proprement dite ou inquisition monastique. Son établissement permanent remonte à Grégoire IX. Par les bulles des 13, 20 et 22 avril 1233, le pape confiait aux fils de saint Dominique le mandat de pourvoir, dans tous les diocèses de France, à la répression de l’hérésie, sur le simple choix d’un provincial. Ripoll et Bremond, Bullarium ordinis Fratrum prædicatorum, t. i, Rome, 1729, p. 47.

Les inquisiteurs dominicains sévirent contre les albigeois. De Guillaume Pelhisse, l’un des premiers inquisiteurs qui retrace sur le vif les procédés inquisitoriaux, dans une précieuse chronique, à Bernard Gui, qui remplit l’office d’inquisiteur de 1308 à 1323, et dont la Practica inquisitionis « marque, dit M. Tanon, op. cit., p. 71, le point culminant de l’inquisition dominicaine dans la pleine et paisible possession de tous ses privilèges », ils laissèrent peu de répit aux hérétiques. Leur action, quoique ralentie, continua à s’exercer durant le xive siècle. Vers la fin du xiv siècle, l’hérésie cathare n’était plus guère qu’un nom dans le midi de la France.

II. DÉCRET DE LUCIUS III AU CONCILE DE VÉfiO<VE(U84)(e*trait).

Universos qui de sacramentel

corporis et sanguinis Domini

nostri Jesu Christi, vel de

baptismate, seu peccatorum re missione (le texte publié par

Denzinger, § 49, porte seu pec catorum confession ?) aut de

matrimonio vel de reliquis ec clesiasticis sacramentis aliter

sentire aut docere non mctuunt

quam sacrosancta romana Ec clesia pnedicat et observât, et

generaliter quoscumque eadem

romana Ecclesia, vel singuli

episcopi per dioeceses sua*

cum consilio clericorum, vel

clerici ipsi, sede vacante, cum

consilio, si oportuerit, vieiniorum episcoporum, hæreticosju Tous ceux qui, au sujet du

sacrement du corps et du sang

de Notre-Seigneur Jésus-Christ,

ou du baptême, ou de la ré mission des péchés, du ma riage ou des autres sacrements

de l’Église, ne craignent pas de penser ou d’enseigner autre

chose que ce que la sainte

Église romaine enseigne et ob serve, et généralement tous

ceux que l’Église romaine, ou

les évêques dans leurs diocèses

après avoir pris conseil de leurs clcivs, ou les clercs eux-mêmes, pendant la vacance du siège,

sur le conseil, s’il le faut, des évêques voisins, auront jugés

hérétiques, nous les enchai-