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ALBERT LE GRAND — ALBI

dans le cœur de ses fidèles. Le pardon des péchés ne s’obtient que par l’entrée dans l’Église cathare, hors de laquelle il n’y a pas de salut.

Morale.

La matière et le monde sont l’œuvre du principe mauvais ; donc tout attachement aux biens du monde, tout contact volontaire avec la matière, sont mauvais. Il en résulte un rigorisme qui consiste en pratiques extérieures, et, dit Het’ele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1911, t. V, S 645, « une morale négative, une liste de prohibitions, une litanie de noix tangere. »

Les richesses sont interdites ; le vrai cathare vit du travail de ses mains. Interdits les honneurs et le pouvoir ; interdite la guerre, même pour se défendre. Le corps est maté par les jeûnes et les mortifications ; toute nourriture animale lui est interdite. Plus encore est interdit le mariage, parce que la chair est une créature diabolique et que le mariage retarde, par le cours des générations nouvelles, le retour des âmes au ciel. La mort est un bien ; il est permis d’en hâter l’heure par la saignée et le poison, ou par l’endura qui consiste à s’abstenir de tout aliment. Des hérétiques tombés dans les mains des inquisiteurs, des moribonds qui avaient reçu le consolamentum, se soumettaient à l’endura, ceux-ci pour mourir purifiés, ceux-là pour échapper à la prison ou au bûcher ; « on astreignait partois à l’endura jusqu’à des enfants du plus bas âge. » L. Tanon, Histoire des tribunaux de l’inquisition en France, Paris, 1893, p. 225. Enfin, les hérétiques se refusent, d’une façon absolue, à prêter serment ; en cela, d’après l’explication de M. Tocco, L’eresia nel medio evo, Florence, 1884, p. 92, ils reproduiraient un des traits du mysticisme nébuleux des gnostiques qui, par respect pour la divinité, l’enveloppaient de silence et de mystère impénétrable : Dieu est trop haut pour être mêlé à nos mesquines affaires terrestres.

III. Organisation.

Une morale aussi dure ne pouvait recruter et retenir de nombreux adeptes ; il y eut des accommodements. On distingua deux classes de cathares : les croyants et les parfaits.

Les parfaits observaient dans toute sa rigueur la morale cathare. Ce qui constituait partait, c’était la réception du consolamentum ou baptême du Saint-Esprit, conféré par l’imposition des mains. La sainteté du ministre était requise pour la validité du sacrement. Hommes et femmes pouvaient le recevoir ; on s’y préparait par le jeûne. Les enfants en étaient exclus. Les parfaits rompaient tous leurs liens de famille : ils allaient, deux à deux, de pays en pays, prêcher et administrer le consolamentum ; le peuple les appelait bonshommes, boni homines. Les parfaites ne voyageaient pas. Les uns et les autres portaient, sous leurs vêtements, en signe d’initiation, un cordon de lin ou de laine, ce qui leur valut le nom de vestili ou induti.

Le parfait peut-il retomber dans le péché ? Quelques hérétiques le nièrent, mais ce fut l’exception. Avant d’étrè admis à la reconsolatio, nouveau consolamentum. il fallut passer par des épreuves sévères.

Les croyants étaient dégagés des obligations les plus gênantes. Ils étaient libres de se marier, d’exercer le commerce ou la profession des armes, de posséder des biens, d’user de tous les aliments. Mais ils s’engageaient par un pacte formel, convenienlia, convenenza, à recevoir le consolamentum en cas de danger de mort, et à vivre en parfaits s’ils échappaient à la maladie, à moins qu’ils ne préférassent se mettre en endura. Les parfaits n’épargnaient rien pour être à leur chevet à l’heure suprême. L’hérétication des malades amenait souvent des legs à l’Eglise cathare.

Outre le consolamentum, il y avait quelques fonctions religieuses, qui nous sont connues par les inquisiteurs ei par le rituel cathare :

Le servitium ou appareillamentum, confession pu blique des péchés ; la confession auriculaire était condamnée ;

La bénédiction du pain faite à table au commencement du repas : un parlait récitait l’oraison dominicale, bénissait du pain, le rompait, et, en disant : « Que la grâce du Seigneur soit avec vous, » le distribuait aux assistants qui le mangeaient en silence ; parfois des morceaux étaient recueillis et conservés pieusement ;

La tradition de l’oraison dominicale au croyant, première initiation à la secte ;

~L’adoration ; ce mot employé parles inquisiteurs désigne la bénédiction que les croyants recevaient des parfaits, après une triple inclination et à genoux, non seulement dans les cérémonies du culte, mais à chaque rencontre ;

Le melioramentum, que le rituel albigeois décrit comme une cérémonie préliminaire du consolamentum.

De la hiérarchie catholique l’albigéisme avait gardé l’épiscopat et le diaconat. L’évêque avait auprès de lui deux ministres, nommés fils majeur et fils mineur, qu’on pourrait assimiler à nos vicaires généraux. Le fils majeur succédait à l’évêque. Les diacres gouvernaient les paroisses. Quelques données que nous possédons sur un pape de l’albigéisme ne sont pas sûres.

Les hérétiques furent experts dans l’art de la propagande. Parmi les moyens dont ils se servirent, il y a lieu de citer la création d’ouvroirs et d’ateliers pour les artisans, et de couvents de parfaites qui élevaient gratuitement les filles des hobereaux et des chevaliers pauvres. Cf. J. Guiraud, Revue historique, t. lxiv, 1897, p. 225, et Saint Dominique, 1899, p. 54. En outre, ils composèrent une multitude d’opuscules pour le peuple où, se taisant de propos délibéré sur les points les plus difficiles et les plus extraordinaires de leur système, ils se bornaient à un petit nombre de traits essentiels qu’ils présentaient sous une forme saisissante, et à de grosses railleries contre le catholicisme. Cf. C. Molinier, Annales de la faculté des lettres de Bordeaux, 5e année, ir 2, p. 230.

IV. L’Église et les albigeois. — I. faits principaux. — La répression de l’hérésie fut moins active dans les pays du midi que dans ceux du nord ; ici, quoique de l’an 1000 au premier tiers du xiiie siècle il n’y ait pas eu de lois contre les hérétiques, en fait ils furent poursuivis et condamnés à mourir, le plus souvent par le feu ; là, les hérétiques furent quelquefois mis à mort pendant le premier tiers du xie siècle, et, d’une façon générale, tolérés en fait jusqu’aux dernières années du xii e. Cf. J. Havet, Bibliothèque de l’école des chartes, t. xli, 1880, p. 606.

La première apparition des néo-manichéens aux environs de Toulouse est signalée, vers l’an 1022, par Adhémar deChabannes, qui ajoute qu’ils furent détruits, apud Tolosam inventi sunt manichei et ipsi destructi. Histor., iii, 59, P. L., t. cxli, col. 71.

Le concile qui se tient à Toulouse, en 1119, rejette de l’Église de Dieu les hérétiques qui condamnent l’eucharistie, le baptême des entants, le sacerdoce et le mariage, et veut qu’ils soient réprimés par le pouvoir civil. Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, t. x, Paris, 1671, col. 857. Il y a là l’indication de quelques-unes des erreurs les plus graves des albigeois.

En 1145, Eugène III envoie dans le Languedoc, en qualité de légat, le cardinal Albéric d’Ostie, pour arrêter les progrès du pétrobrusianisme et de l’henricianisme ; s’il n’est pas sûr que Pierre de Rruys et Henri aient enseigné le dualisme, incontestablement ils propagèrent quelques-unes des. idées chères aux cathares. Albéric essaye de ramener les dissidents par la parole ; il (’prouve un échec complet. Saint Bernard, qu’il appelle à son aide, obtient partout des promesses d’un retour sincère a l’orthodoxie. Cf. E. Vacandard, Vie de saint Bernard,

t. 11, Paris, 1895, p. 217.

Le concile de Reims de Il 18, le premier qui vise