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ALBI — ALBIGEOIS

logie pour l’Anti-Théophile paroissial, par Paul de Cabiac, prêtre régulier, 1649. Les deux adversaires terminèrent la querelle en se réconciliant publiquement, à Lyon, devant dix-sept personnes notables. Pascal a fait usage de la pièce qui fut rédigée à cette occasion, dans sa quinzième Provinciale.

De Backer et Sommervogel, Bibl. de la Cie de Jésus, t. i, col. 134-136 ; t. viii, col. 1599.

C. Sommervogel.

ALBIGEOIS. — I. Origines. II. Doctrine. III. Organisation. IV. L’Église et les albigeois.

I. Origines. — La question des origines de l’albigéisme n’est pas complètement éclaircie : quelques points cependant sont acquis à l’histoire.

Il est sûr que les albigeois professèrent le dualisme et que, par là, ils se distinguèrent des vaudois. A Bossuet revient l’honneur d’avoir établi ce double fait dans le livre XI de l’Histoire des variations des Églises protestantes. Sauf un petit nombre d’exceptions, les protestants rejetèrent ces deux conclusions et les catholiques rejetèrent la seconde, jusqu’au milieu du XIXe siècle ; des travaux, entrepris alors et continués jusqu’à nos jours, ont donné raison à Bossuet. Cf. A. Rébelliau, Bossuet historien du protestantisme, Paris, 2e édit., 1892, p. 418.

Du dualisme persan on aboutit à l’albigéisme à travers les sectes suivantes : gnosticisme, manichéisme, priscillianisme, paulicianisme (en Arménie, vers 668), bogomilisme (chez les Bulgares, au commencement du Xe siècle). Mais on ne saurait décider avec certitude si entre ces hérésies il existe une filiation proprement dite ou seulement un lien logique.

Raoul Glaber, Histor., iii, 8, P. L., t. cxlii, col. 659, affirme, à propos des hérétiques exécutés à Orléans en 1022, que le néo-manichéisme fut importé en France de l’Italie. Était-il venu de la Bulgarie dans l’Italie ? Est-ce de la France qu’il gagna l’Espagne et l’Allemagne ? Dans quelle mesure les néo-manichéens qui apparaissent un peu partout au xiie siècle se rattachent-ils à ceux du xie siècle et même entre eux ? Pierre de Bruys et Henri enseignèrent-ils le dualisme ? Autant de problèmes qui ne sont pas résolus.

La diffusion de l’hérésie néo-manichéenne fut assez rapide et intense dans le midi de la France, principalement dans le Languedoc. D’après M. A. Molinier, nouvelle édition de l’Histoire générale de Languedoc par Devic et Vaissète, t. vi, Toulouse, 1879, p. xii, « en dépit des invectives des auteurs du temps et de leurs exagérations, » les partisans de l’hérésie « n’y formaient qu’une minorité infime ». Les parfaits, oui ; mais les croyants étaient fort nombreux, et il faut tenir compte de la multitude de ceux qui, sans embrasser l’hérésie, en furent les fauteurs.

Les néo-manichéens s’appelaient cathares, du grec καθαρός, c’est-à-dire purs. Cathari devint cazari, gazari, et surtout catharini, patharini ou pathareni, patrini, quand, au xiiie ; siècle, on confondit à tort les cathares avec les patarins ou arialdistes orthodoxes de Milan. Ces deux appellations, cathare et patarin, furent usitées partout.

En France, quoiqu’il semble que le centre principal du catharisme n’ait pas été Albi, mais plutôt Toulouse, on les nomma albigeois ; ce mot prévalue vers la fin du xiie siècle. On les trouve désignés encore de la sorte : hérétiques, l’Église voyait en eux les hérétiques par excellence et, dans la France méridionale, les cathares étaient les hérétiques tout court ; — tisserands, beaucoup exerçaient cette profession ; — ariens, à cause de leur théorie sur le Fils de Dieu ; — pauliciens et, par corruption, publicani, poplicains (dans les Flandres, piphles ou piples) ; — bulgares, d’où, surtout dans les pays du nord, boulgres, bougres (ce mot fut étendu à tout hérétique).

II. Doctrine.

Le catharisme ne fut pas immuable. Il se grossit, en route, de doctrines nouvelles, et il changea plus ou moins selon les personnes et les lieux. Nous nous attachons ici à le fixer tel qu’il apparut dans le midi de la France. L’albigéisme fut, d’ailleurs, sa forme de beaucoup la plus importante et à peu près identique à celles qu’il revêtit un peu partout en dehors de l’Italie.

Dogme.

Le dualisme constitue le fond du système.

En Italie, les deux groupes cathares de Bagnolo et de Concorrezo adoptèrent un dualisme mitigé. Il y a deux principes ; mais, disaient-ils, seul le principe bon est éternel ; il a créé, avec les esprits, les quatre éléments, et de ces éléments le principe mauvais a formé le monde. Relativement à l’origine de lame, ils ressuscitaient le traducianisme.

Les autres cathares italiens, dits cathares albanais ou de Desenzano, et tous les cathares non italiens, en particulier les albigeois, admettent le dualisme absolu. A les entendre, les deux principes sont éternels. Le principe bon a créé les esprits et le mauvais la matière ; une partie des esprits étant déchus ont été emprisonnés dans la matière où ils expient leur faute ; soumis à la métempsycose, ils passent d’un corps à un autre jusqu’à ce qu’ils aient parcouru tout le cycle de l’expiation et mérité de retourner au ciel.

Comment l’esprit et la matière ont-ils pu être unis ensemble, puisqu’ils sont aussi antipathiques l’un à l’autre, et comment la déchéance eut-elle lieu ? Là-dessus l’entente n’existe pas. Une première réponse c’est que le principe mauvais, accompagné de ses démons, escalada le paradis, triompha de saint Michel, et entraîna le tiers des esprits célestes, qu’il chassa dans les corps des hommes et des animaux. D’après une seconde solution, le principe mauvais les poussa au péché par des flatteries et de fallacieuses promesses.

Les hérétiques conservent les noms des trois personnes de la Trinité, mais seulement les noms. Le Fils est une créature, c’est le plus parfait des anges. Le Saint-Esprit est une créature inférieure au Fils, placée à la tête des esprits célestes, anges gardiens des âmes.

Ils rejettent l’Ancien Testament, œuvre du principe mauvais, au moins dans ses livres historiques, car, si des cathares condamnent tout l’Ancien Testament, les albigeois respectent les livres prophétiques. Le Nouveau Testament a pour auteur le bon principe : les albigeois le vénèrent et, par des traductions en langue vulgaire, popularisent sa lecture. Cf. L. Clédat, Le Nouveau Testament traduit au XIIIe siècle en langue provençale suivi d’un rituel cathare, reproduction phololilhographique du manuscrit de Lyon, Paris, 1888.

Pour sauver le genre humain, Dieu lui envoya son Fils, non un Fils consubstantiel au Père, mais un ange, lequel n’eut qu’un corps apparent puisque, n’ayant pas péché, il n’avait pas à subir l’union avec la matière. Marie, dont il a semblé naître, était aussi un ange, n’ayant de la femme que l’apparence. Jésus n’a donc pas souffert et n’est pas mort ni ressuscité réellement. La rédemption consiste dans les enseignements que le Christ a donnés pour être délivré de l’adoration du principe mauvais et de la tyrannie de la matière.

L’église primitive, gardienne intègre des enseignements du Christ, était l’Église véritable. A partir de la donation de Constantin, elle s’etrt Corrompue ; on a pris à la lettre les symboles et les allégories de l’Évangile : de là les faux dogmes de la présence réelle et de la transsubstantiation, du purgatoire, de l’application des suffrages et des prières aux défunts, de la résurrection de la chair. Le baptême ne doit pas être conféré aux enfants ; l’eau du baptême n’a pas de vertu sanctifiante. Le culte des images et celui de la croix sont condamnés ; pas d’églises, car Dieu n’y habite pas, mais il habite