Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/347

Cette page n’a pas encore été corrigée

T51

AILLY (m

GK

autres parties de la théologie ; mais quelle méthode de décadence, que de théories hasardées, de délinitions peu adéquates, de distinctions puériles, d’objections peu sérieuses dans les arides discussions scolastiques des Qusestiones in Sententias ! En voici quelques exemples :

1. Dieu.

Pour d’Ailly, les notions de l’existence et de l’unité de Dieu ne sont pas évidentes, ni évidemment démontrables ; il ne les trouve que naturellement probables. Deum esse sola fuie tenctur. Qusest. in Sent., q. ii, a. 1, f. lvii ; q. III, a. 1, f. lxxix et lxxx ; q. XI, a. 2, f. clxiv, édit. Bruxelles, 1478. Occam avant lui, Biel et Huet après, ont aussi défendu cette opinion aujourd’hui condamnée par le concile du Vatican. Il n’est pas évident non plus pour.’ui que le créateur soit libre, actif, tout-puissant, quod Dcus cognoscit alla a se, quod solo Deo est fruendum. Quæst., q. XI, a. 2 ; q. ii a. 1.

2. Trinité.

Les formules que d’Ailly emploie pour exposer le mystère de la sainte Trinité sont ambiguës, prêtent à la critique et sont contraires à la tradition. Exemple : Una res simplicissima est très irs et quælibet earum. Pater et Filius producunt Spiritum Sanctum. Ibid., q. v, a. 1, f.xci ; cf. Petrus de Alliaco, p. 213.

Il affirme en outre que la doctrine de la Trinité ne se trouve pas d’une manière évidente dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Ibid., q. v, a. 1, f. xcm. Il contredit la thèse de saint Thomas sur cette question : Utrum creatura rationalis sit vestigium Trinitatis ? Il suit, en ce point, comme en bien d’autres, l’opinion d’Occam et des nominalistes, q. iv, a. 1, f. lxxxv. D’Ailly nie en outre que les personnes divines soient constituées et distinguées par leurs relations. Utrum Trinilas personarum in una natura créatures sit incommunicabilis. Gerson, Opéra, t. i, col. 624.

3. Morale.

Quand il s’agit de questions morales, il reproduit cette fameuse assertion : Nullum est ex se peecatum, sed præcise quia lege prohibitum. Princip., in I Sententiarum, f. iv. Donc rien n’est mal iti se, mais telle chose est péché parce que Dieu l’a défendue. Le créateur aurait pu permettre le blasphème ou le mensonge s’il l’avait voulu. Pas d’acte essentiellement méritoire ou déméritoire : tout mérite provient de la libre areeptation ou du libre refus de Dieu. Qusest., IV, q. ix, f. CXL et cxlii ; q. xii, f. clxxiii. C’est du protestantisme anticipé. Puis il cite Occam : Voluntas creata potest mevitorie Deum odire, quia Dcus illud potest prsecipere, quum potest quidquid fieri non implicat contradictionem. Princip., 3 1 concl., f. vu ; q. xiv, a. 3, f. ccxii. Cette proposition pseudo-mystique avait été condamnée, trente ans auparavant, dans les thèses de Jean de Merouria. D’Argentré, Collect. judic, t. I, part I, p. 344. D’Ailly semble l’ignorer.

4. Fin dernière.

Il ajoute enfin ces propositions aussi contraires à la raison qu’à la foi : Il n’est pas évident qu’il y ait une fin dernière, que l’homme doive ordonner ses œuvres vers une autre fin que luimême, etc. Ibid., q. ii, a. 2. Le lecteur comprendra dès lors le mot cruel du rationaliste Paul Tschackert qui reproduit ces énormités théologiques : « Si l’Église à cette époque n’a point perdu sa conscience morale, ce n’est pas la faute des grands docteurs qui étaient alors chargés de l’éclairer. « Peter von Ailli, p. 325.

5. Sacrements.

Son opinion sur la causalité 1 des sacrements ne diffère pas de celle d’Occam, de Durand de Saint-Pourçain, de Marsile d’Inghem, de Biel et des autres nominalistes. Quæst.q. xiv, a. l, f. ccxxv. Cf.Occam, 1 VSent., dist. [, q. i.Sa définition de la transsubstantiation est absurde, et voici ce qu’il trouve à dire sur l’impanaiioii : Patet quod Me modus est possibilis, nec répugnât ralioni nec auctoritati Biblise : immo est facilior ml intelligendum et rationabilior <juam aliquis aliorum. Ibid., q. vi, a. 2, f. cclxv. C’est le systèmepro listant de Luther autrefois, De caplicilale Dabijlouiva,

et de Pusey de nos jours, The doctrine of real présence as contai ned tn the Fathers, 1885. D’ailleurs les réformateurs du xvie siècle ont puisé un bon nombre de leurs erreurs dans les livres de d’Ailly. Le docteur de Wittemberg l’avoue et il se vante de savoir par cœur toutes les œuvres du cardinal de Cambrai ; Luther, Mélanchthon et bien d’autres réformateurs sont comme lui des nominalistes très avancés. Nous le savons, la fausse philosophie peut conduire aux pires erreurs théologiques.

IV. Bibliographie de ses principales œuvres. — Le cardinal de Cambrai a laissé 154 ouvrages distincts : presque tous ont été imprimés, et pour la plupart plusieurs fois. On a mis à son actif plus de trente traités dont il n’est pas l’auteur. Les deux plus importants de ces apocryphes ont été écrits par Thierry de Niern et ont pour titre : De difficultate reformationis in concilia generali et De necessilate reformationis in capite et in membris. Cf. Hergenrœther, Histoire de l’Eglise, t. iv, p. 513 ; Georg. Erler, Dietricli von Nieheim, p. 453 sq., Leipzig, 1887. D’autres ont été imprimés, sous le nom de Gerson, dans l’édition d’Ellies Dupin. Gerson, Opéra, t. ii col. 24.

Nous choisissons ici les plus importants en chaque genre et ceux qui intéressent davantage la théologie :

L sciences. — 1° Imago mundi avec figures, Louvain, .1. de Westphalte, 1480 ou 1483. — 2° De legibus et sectis contra superstiliosos astronomos. Gerson, Opéra, édit. Ellies Dupin, 1705, t. I, col. 778. — 3° De falsis prophelis tractatus duo. Ibid., col. 489. — 4° Yigintiloquium de concordia astronomicæ verilatis cum theologia, Venise, 1494, in-i°, etc. Dans toutes ces œuvres, il s’inspire surtout de Roger Bacon et le copie souvent sans le nommer.

/L théologie. — 1° Principium in cursu Biblise. Gerson, Opéra, t. I, col. 610. — 2° Abbrcviatio dialogorum Okam, Bibl. nat., Mss. latins, 14579, ꝟ. 88. — 3° Qusesliones super primum, terlium et quartum Sententiarum, traité imprimé d abord par les Frères de la vie commune à Bruxelles en 1478, puis par Barbier sans lieu ni date, à Strasbourg en 1490, à Venise en 1500, enfin la même année par l’Allemand Nicolas Wolf, sans indication de lieu. — 4° Quæstio vesperiarum : Utrum Pétri Ecclesia lege reguletur. Gerson, Opéra, t. I, col. 662 ; Brown, Fasciculus rerum expelendarum el fugiendarum, t. ii, Londres, 1680. — 5 L Quæstio de legitimo dominio : Utrum Christi gerens potestatem solus in hominibus juste dominetur (Aulica). Gerson, Opéra, t. i, col. 641. — 6° Quæstio de resumpta : Utrum Pétri Ecclesia rege gubernetur, lege reguletur, fide confirmetur, jure dominetur. Gerson, Opéra, t. i, col. 672 ; Brown, ibid. — 7° Utrum indoctus tn jure divino possit juste præesse in Ecclesiæ regno. Gerson, Opéra, t. I, col. 616. — 8° Utrum Trinilas personarum in una natura creaturæ sit incommunicabilis (Responsio in Sorbona). Gerson, Opéra, t. I, col. 617, ex codice Navarrico. — 9° Pétri de Alliaco ad eamdem qnœstionem de tribus suppositis in una natura responsio. Gerson, Opéra, t. I, col. 625. — 10° De libertate creaturæ rationalis ante et post lapsutn. Gerson, Opéra, t. i, col. 630, ex codice Navarrico. —11° Utrum conscientia erronea creuset a culpa. Gerson, Opéra, t. i, col. 636 sq. Id., ex codice Navarrico. Besponsio in Sorbona juxta Bulœum. Hist. Univ. Paru., t. iv, col. 980. — 12 » Liber sacramentalis, vel Sacramentelle,

rel de Sacramentis Ecclesiæ, vel Libellus Sacramoitalis, rel tandem Tractatus theologicus de sacramentis, Louvain, per Egidium van der Heerstraten, 1481, 1486, 1487, in-4<>, goth., .92 fol. ; Paris, 1488. — 13 » Tractatus pro Carthusiensibus quod rationabiliter abstinent ab esu carnium. Opuscule envoyé au frère Joh. de Gonnehans, chartreux ; incomplètement édité par le docteur Tschackert, Peter von Ailli, Appendix viii, p. 25.