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AILLY (D’)

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Opéra, t. ir, col. 941. Il favorise ainsi les tendances démocratiques et multitudinistes que Marsile de Pa- doue, Jean de Jandun et Occam avaient propagées et que Riclier reproduira plus tard avec Simon Vigor. D’Ailly ouvre par là même la porte à beaucoup de diffi- cultés et fait naître nombre de conllits inutiles ou nui- sibles, en permettant à ces trois cents docteurs en théo- logie, en droit canon ou même en droit civil, d’émettre des suffrages illégitimes. D’après lui, les rois mêmes et les princes ou leurs délégués ne devaient pas être exclus de l’assemblée conciliaire. Ibici. Le cardinal de Saint- Marc, Guillaume Fillastre, défend aussi énergiquement cette opinion fausse de d’Ailly et la fait prévaloir. Cf. Pe- trus de Alliaco, p. 274.

Un autre moyen non moins périlleux et tout aussi contraire aux saines traditions de l’Eglise fut le vote par nation et non point par tête. Cbacune des nations de- vait se réunir séparément pour examiner les questions et communiquer ses décisions aux trois autres. Quand toutes se seraient mises d’accord sur un point, on réu- nirait une congrégation générale des quatre nations, na- tionalité)’. Celle-ci, après avoir adopté l’article, devait le soumettre à la session générale du concile et le point en litige était alors traité conciliariter. Von der Ilardt, op. cit., t. il, col. 230 ; t. v, p. 53. Les conciles subsé- quents ont répudié toutes ces dangereuses nouveautés inventées à Constance pour neutraliser l’influence des prélats italiens et pour nuire à Jean XXIII.

Le pape sentit le coup qu’on voulait lui porter ; il s’aperçut bien vite que les Pères du concile lui étaient systématiquement bostiles et il songea à s’enfuir. Il y réussit le 20 mars 1415 et il gagna Schaffouse. On vou- lut le faire revenir, mais ce fut en vain.

Le trouble était grand au sein du concile. Les délé- gués français se faisaient remarquer par la violence de leurs écrits, les tendances schismatiques de leur lan- gage, leurs déclamations excessives jusqu’à l’injustice à l’égard du pape et fausses jusqu’à l’hérésie au point de vue de la foi. Voir, par exemple, le placard violent de Benoît Gentian, représentant de l’Université de Paris. Martène et Durand, Thésaurus, t. il, col. 1620 ; Von der Hardt, ibid., col. 265 ; J.-B. Schwab, Johannes Gerson, p. 507. Les ecclésiastiques de second ordre se montraient les plus exaltés.

2. Troisième et quatrième sessions. — Sur ces entre- faites, eut lieu la troisième session : le cardinal de Cambrai la présidait. Zabarella lut les cinq conclusions suivantes que les nations avaient déjà adoptées en comité général, nation aliter : « Le concile a été légitimement convoqué, ouvert et tenu à Constance. L’éloignement du pape n’a pu le dissoudre. Il ne peut l’être avant l’extinc- tion du schisme et la réforme de l’Église. L’assemblée ne peut être transférée ailleurs : tous ses membres doivent rester à Constance jusqu’à la fin de ses tra- vaux. » Mansi, t. xxvii, p. 579 ; Von der Hardt, t. iv, p. 70. Ces cinq points furent adoptés par les cardinaux et tous les membres présents, conciliariter. Cependant d’Ailly et Zabarella crurent devoir déclarer en public qu’ils demeuraient fidèles à l’obédience de Jean XXIII. On le sent, les deux prélats s’effrayaient eux-mêmes de la tournure passionnée et révolutionnaire que prenaient les événements. Les choses s’envenimèrent de plus en plus, quand on crut s’apercevoir que le pape usait de subterfuges et voulait faire de l’obstruction pour arri- ver à la dissolution du concile.

On décida de tenir sans délai une nouvelle session. Dans l’intervalle, trois nations sur quatre rédigèrent, le vendredi saint, cet 073ns tumidtuarium qui s’est appelé la déclaration gallicane de Constance, aussi célèbre que les quatre articles de 1682 (29 mars 1415).

La quatrième session s’ouvrit le 30 mars. D’Ailly se dit malade et n’y assista point. Mansi, t. xxvn, col. 584 ; Von der Hardt, t. v, p. 89, 97 ; Tosti, Storia del conci-

lio di Costanza, t. 1, p. 247. On y lut trois articles assez différents de ceux qui avaient été adoptés naliona- liter, au grand mécontentement des ennemis acharnés du pape et surtout des docteurs de Paris.

Sur ces entrefaites, Jean XXIII partit de Schaffouse pour Laufenbourg : il s’éloignait ainsi de plus en plus de Constance. Les nations protestèrent avec une nouvelle énergie et résolurent de ne plus rien ménager en faisant sentir immédiatement au pontife combien le concile lui était supérieur. Elles se réunirent donc en session générale (la cinquième) et reprirent les décisions vio- lentes rédigées ab irato le vendredi saint. Elles approu- vèrent alors ces fameux articles sur la supériorité du concile, qui produisirent de si funestes effets dans les siècles suivants.

D’Ailly n’assista pas non plus à cette séance scanda- leuse et douta toujours de la valeur de ces décisions schismatiques. Nous en trouvons la preuve dans ces deux phrases d’un traité composé en octobre 1416, plus d’un an après les décrets que nous venons de men- tionner : Qum deliberatio (quatuor nationum, excluso rardinalium collegio), exclusa deliberatione dicti con- cilii et non facta in communi sessione collatione voto- rum,videtur mullis non esse censenda deliberatio con- cilii generalis conciliariter facta. De Ecclesise, conci- lii generalis et Rom. ponti/icis auctoritate, Gerson, Opéra, t. 11, col. 940. Plus loin, après avoir tâché de démontrer la supériorité du concile sur le pape, il ajoute : quse tamen non définitive determinando, sed doctrinaliter suadendo posita sunt ; nani hujus rei definitionem sacri concilii determinationi submitto. Ibid., col. 968, ad finem. Donc, le cardinal ne recon- naît pas aux décrets d’avril 1415 un caractère dogma- tique et définitif, puisqu’il veut provoquer une autre décision sur ce point. Il est piquant de constater le cas que faisait de cette célèbre décision celui qu’on a nommé parfois le père du gallicanisme, celui que Bossuet appelle sancli conventus lumen et in dogmalibus ex- plicandis facile princeps. Defensio declar. cleri gal- licani, c. xxx. On vient de lire comme il explique que les articles de Constance ne sont point des dogmes. L’opinion du cardinal rappelle Vabeat quo libuerit ista declaratio de l’évêque de Meaux après les quatre articles de 1682. Ce sont peut-être les meilleures appré- ciations et les commentaires les plus sûrs des décrets gallicans du XV e et du XVII e siècle.

3. A la fin du concile. — Les opinions déjà connues du cardinal se reflètent dans les discussions finales de l’assemblée. D’Ailly demande que les synodes soient con- voqués plus fréquemment et que les réformes soient dé- crétées avant l’élection du nouveau pape. Le roi des Romains et les Allemands s’y opposent, mais ils finissent par être battus et cinq décrets réformateurs sont défini- tivement acceptés. Hefele, t. vu, § 773. La discus- sion des autres fut remise après l’élection du souverain pontife. Quand Martin V eut été couronné, on posa plusieurs cas juridiques et en particulier la question des annates. Fallait-il les conserver ? D’Ailly avait d’a- bord répondu négativement, mais, vu la détresse des finances pontificales, il juge qu’il faut les tolérer mo- mentanément comme un mal nécessaire. De Ecclesise, concil. gen. et Rom. ponlificis auctoritate, Gerson, Opéra, t. 11, col. 948. Il admet d’ailleurs les droits du pape sur la collation des bénéfices majeurs, ibid., col. 945 ; cf. Jungmann, Dissert, sel., t. vi, p. 220, mais il voulut régler les expectatives dans le sens d’une meil- leure justice. Von der Hardt, t. 1, col. 523 ; cf. Dissert. Schmidt, De eo quod circa expectativas... dans Mayer, Thésaurus juris eccles., t. 1, p. 219.

III. Sa. doctrine. — On a vu combien de lacunes, d’erreurs ou d’inconséquences se rencontrent dans ce qu’on pourrait appeler le Traité de l’Église de Pierre d’Ailly. Sa doctrine est en général plus saine dans les