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ni les fonctions les plus hautes ne le purent jamais distraire de ses études scientifiques. Il composa en outre des opuscules de piété, soit sur les psaumes soit sur les prières de l’Église, Devota meditatio super psalmum : Judica me ; In te, Domine, speravi ; super Ave Maria ; Oratio dominica anagogice expusita, etc. (Tractât us et sermones, Strasbourg, 1490), ainsi que des traités de vulgarisation doctrinale comme le Libellus sacramentalis, sorte de théologie sacramentaire, d’une date inconnue. Imprimé à Louvain par Gilles Van der Heerstraten (1487), 92, f. goth., cet opuscule très rare se trouve à la bibliothèque de l’Arsenal, sous le n° 5396. C’est en 1408 qu’il écrivit la biographie du pape saint Pierre Gélestin, à la demande des religieux de son ordre qui habitaient Paris. On peut y regretter des traits aussi violents qu’injusles contre Buniface VIII. Actasanct., maii t. iv, p. 421.

Le 6 juin 1411, Jean XXIII appela d’Ailly à faire partie du Sacré-Collège sous le titre de Saint-Chrysogone, mais il garda toujours le nom de cardinal de Cambrai. Avec lui, avaient été nommés Gilles des Champs, Guillaume Fillastre et François Zabarella. Tant subliment dignitatem diu acccplare distuli, meque indignum multis rationibus cxcusavi, dit peu de temps après le prélat lui-même. Apotogia concilii Pisani, dans Tschackert, app., p. 36. Il assista en cette qualité au concile de Rome tenu en 1412, et il entendit de ses oreilles les reproches trop mérités adressés au pape Jean XXIII avant et après cette assemblée. Finke, Acla concilii Constant., Munster, 1896, t. I, p. 163. A son retour, il entreprit et dirigea plusieurs négociations avec Venise et avec le roi des Romains Sigismond dans l’intérêt de l’Église. Ibid., p. 106, 167, d’après un manuscrit des archives de l’État à Venise. En L413, il revit son ancien diocèse, et, en 1414, il parcourut l’Allemagne en qualité de légat du pape.

Dès 1413, Sigismond avait indiqué la réunion d’un nouveau concile à Constance pour la fin de l’année suivante et le pape Jean y avait convoqué tous les évêques.

Le 16 novembre 1414, s’ouvrit en effet le célèbre concile de Constance, où le cardinal de Cambrai devait jouer un rôle si considérable. Il n’assistait pas à la première séance, mais il arriva le lendemain avec une suite de quarante-quatre personnes et il fit sentir aussitôt son influence et son action. D’abord il ne voulut pas que l’assemblée confirmât le synode de Pise ; le concile réuni à Constance n’en est que la légitime continuation, affirma-t-il. Il demanda ensuite que Benoit et Grégoire fussent invités à renoncer spontanément à leurs droits ou à leurs prétentions. Plus tard, il ajouta même le nom de Jean XXIII aux deux premiers, et il voulut les forcer tous trois à donner leur démission.

Nous ne parlerons pas du procès de Jean Huss et de Jérôme de Prague, de la condamnation des propositions de Jean Petit et de Jean de Falkenberg (Gerson, Opéra, t. v, col. 341), des poursuites intentées au dominicain Matthieu Grabon (Hefele, Histoire des conciles, t. iiv § 777), ni de l’affaire plus délicate encore des flagellants. Gerson, Opéra, t. ii col. 659. Nous n’entrerons pas non plus dans le détail des événements et des négociations qui amenèrent successivement la condamnation de Jean XXIII, l’abdication de Grégoire XII et une dernière preuve de l’obstination de Benoît XIII. Pierre d’Ailly fut mêlé à tous ces faits historiques ainsi qu’aux discussions violentes avec les Anglais, et enfin à l’élection de Martin V (11 novembre 1417). A-t-il ambitionné pour lui-même la tiare ? Quelques historiens l’ont affirmé, sans preuve suffisante, à notre avis.

Nous exposerons dans une seconde partie les doctrines qu’il tâcha de faire prévaloir au sein du concile avant et après le choix du nouveau pape.

C’est vers cette époque que le cardinal composa son Traité sur les Sept Psaumes, Trac-talus et sermones,

Strasbourg, 1490 (traduction française imprimée à Lyon en 1542 et 1544), si souvent réimprimé et traduit, et son petit ouvrage sur les Trois cantiques de l’Évangile (1419). Son exposition sur le Cantique des Cantiques, imprimé à Paris par A. Coyllant en 1483, in-4°, où il suit les traces de saint Bernard, son De duodecim honoribus sancti Joseph, et plusieurs autres opuscules ascétiques paraissent antérieurs en date : De quatuor gradibus scatæ spiritualis ; Spéculum considerationis ; Compendium contemplationis, etc. Tous ces petits traités se trouvent réunis dans les Tractatus et sermones. A ce même genre se rapportent ses compositions poétiques en français, trop peu connues même des érudits ; on ne les rencontre qu’à Avignon et à Séville. Il serait intéressant de les comparer aux élucubrations analogues de ses contemporains, Guillaume de Machault, Eustache Deschamps, Froissart ou Christine de Pisan. Ms. Avignon, musée Calvet, 293. Impr. Séville, bibliothèque Colombine, recueil 37. Elles ont été éditées à Lyon par B. Chaussard, après 1515.

Le concile de Constance était à peine dissous, que d’Ailly revint à Avignon en qualité de légat de Martin V : il avait été chargé par lui d’examiner les témoins dans la béatification de Pierre de Luxembourg. Acta sanct., julii t. I, p. 540. C’était une cause qui lui tenait au cœur et qu’il avaitdéjà défendue devant Clément VII, en 1389. Ms. bibl. de Cambrai, 531 ; Du Boulay, Hist. Universitatis Paris., t. IV, p. 651. Il écrivit un traité De persecutionibus Ecclesiæ, dont le ms. a été trouvé à la bibliothèque de Marseille. Cf. N. Valois, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1904, t. lxv. Il y décrit le sort de l’Église d’après l’Apocalypse et l’astronomie. Bègne, Exégèse et astronomie à propos d’un ouvrage inédit de Pierre d’Ailly, Lille, 1906.

En 1419, il écrivit encore une Apologia defensiva astronomim ad Joh. Gersonium, Bibl. nat., n. 269-2 et 7202, et une lettre au même Gerson pour empêcher le futur Charles VII de s’adonner imprudemment à la science astrologique. Gerson, Opéra, t. i, col. 226.

Il écrivit, en 1419, un petit traité sur les trois cantiques de l’Évangile et en particulier sur le Nunc dimitlis.

On le voit, son activité scientifique et littéraire ne s’éteignit qu’avec sa vie. Il mourut le 9 août 1420, après avoir fait aux pauvres, au collège de Navarre, aux hôpitaux, aux églises du Puy et de Cambrai, les plus grandes largesses. Cf. Pet rus de Alliaco, p. 369.

Son corps fut ramené dans cette dernière ville et inhumé au fond du chœur de la cathédrale, le 6 août 1422. Le tombeau splendide que l’évêque de Cambrai s’était préparé dès 1399 fut détruit pendant la Révolution et les restes du grand cardinal furent jetés au vent. Ibid., p. 371.

II. Ses actes au concile de Constance.

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RAISONS DOCTRINALES DE SA CONDUITE. — Pour bien

juger la conduite de d’Ailly au sein du concile de Constance, pour apprécier les expédients qu’il a parfois employés, il faut être au courant de la doctrine sur l’Église qui était enseignée alors dans certains milieux et que notre auteur lui-même a exposée dans plusieurs de ses traités. Les principes qui ont prévalu au sein du concile avaient cours déjà depuis longtemps dans les écoles de la rue du Fouarre : il importé de remonter à cette source pour s’expliquer l’état d’esprit des Pères de Constance.

Le grand coupable est à notre avis Guillaume Occam, celui que son siècle appelait veuerabilis Incœptor et qui fit régner, dans les écoles de cette époque, ses opinions nominalistes en philosophie et en théologie. Ses faux dogmes sur la constitution de l’r-glise ont été suivis, au xive siècle, par toute une légion de jeunes théolo giens épris de nouveauté ; c’est cet enseignement suspect del’A/flin Mater qui a tout compromis et qui a fait dévier la tradition ; c’est Paris qui a fait Pise et Constance.