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AGRICOLA — AGRICOLA PELAGIANUS

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seulement la foi mais la repentance qui doit la précéder et recommande de prêcher le Décalogue, Agricola prétendit que c’était porter atteinte à la doctrine de la justification par la foi seule et que le sentiment de la repentance ne peut être inspiré que par la foi ; il soutint l’abrogation pleine et entière de la loi mosaïque. Luther, dans une conférence à Torgau (1527), amena Agricola à exposer son opinion d’une manière moins agressive : Agricola consentit à fondre ensemble la loi et l’Évangile, de telle sorte que l’Évangile contint un certain élément moral impératif. La controverse cessa momentanément, mais pour renaître dix ans plus tard à Wittemberg.

Il faut avouer qu’Agricola concevait ses idées avec si peu de netteté et qu’il variait si souvent dans sa doctrine qu’on a pu lui imputer des opinions contradictoires. C’était donner beau jeu à Luther qui, en 1538, publia contre son adversaire cinq dissertations passablement véhémentes. On a accusé Luther d’avoir calomnié Agricola ; à tout le moins, il présente d’une manière inexacte et excessive la doctrine de ce théologien, tout en modifiant lui-même sa théorie primitive, par un effet naturel de la polémique. C’est lui qui a donné à la thèse d’Agricola le nom d’antinomisme qui lui est resté.

Luther ne pouvait ni réfuter solidement, ni détromper Agricola, puisqu’ils admettaient tous deux les mêmes principes sur la justification et qu’en fin de compte, Agricola ne faisait qu’en tirer les conséquences extrêmes. Agricola, tout en paraissant céder et se rétracter, revenait toujours à ses conclusions.

La menace du bras séculier ne manqua pas à Luther. On supprima les écrits d’Agricola ; l’électeur de Saxe parla de le priver de sa liberté ; Agricola se réfugia à Berlin et publia, sur les conseils de l’électeur, une rétractation à peu près telle que Luther l’exigeait de lui. Mais Luther demeura implacable, . et de son côté Agricola n’oublia jamais sa rancune contre Luther et Mélanchthon. En 1548, l’influence d’Agricola se fit sentir dans la rédaction de l’intérim d’Augsbourg où il insinua sa doctrine sur la pénitence. Vers le même temps recommença, à propos des œuvres, la controverse antinomiste qui se mêla dès lors à la controverse synergistique. Dans l’intérim de Leipzig, Mélanchthon admit une coopération de l’homme à l’action divine. Agricola remit en avant sa thèse favorite de l’abrogation de la loi et soutint qu’il ne fallait plus parler d’œuvres ou qu’on devait renoncer à l’Évangile. En 1559, Mélanchthon ayant répondu au Livre de Réfutation « que les bonnes œuvres sont nécessaires au salut, qu’une nouvelle obéissance est nécessaire et due, que ces principes doivent être maintenus contre les antinomes », Agricola invita, du haut de la chaire, le peuple de Berlin à demander à Dieu la confusion de Mélanchthon : « Priez contre le bel archange diabolique des temps nouveaux qui revient maintenant parmi nous et veut imposer les bonnes œuvres aux justes, afin de nous faire perdre encore une fois le Christ et son Évangile. » Lorsque, l’année suivante, Mélanchthon mourut, Agricola n’hésita pas à le déclarer damné s’il n’avait pas changé de sentiment avant de mourir ; et il excommunia publiquement le prévôt de Berlin, Georges Bucholzer, resté fidèle à Mélanchthon. S’appuyant lui aussi sur le bras séculier, il lui fit faire de terribles menaces par l’électeur de Brandebourg dont il était, nous l’avons dit, devenu l’instrument.

II. Agricola et la politique religieuse de l’électeur de Brandebourg. — En 1540, Joachim II imposa à l’électorat de Brandebourg un nouveau règlement ecclésiastique. Ce règlement maintenait, autant que la chose était possible, « les cérémonies et bonnes coutumes du passé, » même la « messe latine », les ornements sacerdotaux, l’élévation de l’hostie et du calice, ainsi que beaucoup de fêtes de saints, et en particulier celles de « la très sainte et bénie Mère de Dieu », les jeûnes,

abstinences, processions, etc. Jean Agricola, chapelain de Joachim et prédicateur de la cathédrale, se prêta au maintien de ces cérémonies et de ces usages. Luther, tout en reconnaissant qu’il fallait en passer par la volonté de l’électeur, incrimina fortement la conduite d’Agricola qu’il traita « d’histrion et de paillasse ». Agricola n’en continua pas moins à travailler en faveur de l’absolutisme politique et religieux de son protecteur : on l’accusa de cupidité, on le dit même acheté par les juifs ; il semble plutôt avoir agi par ambition, par vanité et aussi par une certaine reconnaissance envers Joachim. En 1547, il célébra la victoire de Mùhlberg par un service d’actions de grâce et loua Dieu d’avoir livré l’ennemi à Sa Majesté Impériale. En 1548, il travailla, d’accord avec l’électeur, à faire accepter l’intérim d’Augsbourg ; on l’accusa encore d’avoir été payé par l’empereur ; il est certain qu’il reçut à cette occasion de belles promesses et de riches présents, mais il était de bonne foi en affirmant que l’intérim porterait d’heureux fruits pour toute l’Allemagne.

Les dernières années d’Agricola furent troublées par les luttes violentes qui, dans l’électorat de Brandebourg, mirent aux prises les stricts luthériens, les flaciniens, les mélanchthoniens, les majoristes, les osiandristes, etc. C’était la guerre de tous contre tous et tous recherchaient la faveur de l’électeur. Aussi Agricola eut quelque peine à maintenir son autorité.

L’ouvrage le plus complet et le plus sérieux qui ait paru sur Jean Agricola est celui de Kawerau, Johann Agricola, Berlin, 1881

A. Baudrillart.

3. AGRICOLA Magnus, bénédictin, né à Augsbourg, mort en 1688, fut religieux de l’abbaye de Saint-Ulrich. Après avoir professé dans son monastère, il obtint en 1672 la chaire de philosophie à l’Université de Salzbourg. De retour dans son abbaye, il composa divers ouvrages parmi lesquels des traités De myslerio SS. Trinitatis, 1679, et De actibus humanis, 1679.

[D. François], Bibliothèque générale des écrivains de l’ordre de saint Benoit, t. i, p. 20 ; Hurter, Nomenclator litcrarius, t. ii Inspruck, 1893, p. 331. g H EURTEBIZE.

4. AGRICOLA PELAGIANUS était, d’après saint Prosper d’Aquitaine, Chronicum, à l’année 429, P. L., t. li, col. 594-595, un pélagien et le fils d’un évêque, nommé Sévérien et pélagien lui aussi. Il insinua la corruption de ses erreurs dans les églises de la GrandeBretagne. C’est pourquoi, à l’instigation du diacre Palladius, le pape Célestin envoya Germain, évêque d’Auxerre, expulser les hérétiques et ramener les Bretons à la foi catholique. Or Caspari, Briefe Abhandlungen und Predigten aus den zwei letzten Jahrhunderten des Kirchlichen Alterthums und déni Anfang des Miltelalters, in-8°, Christiania, 1890, p. 1-167, a publié cinq lettres anonymes et un traité De diviliis, qui sont certainement d’origine pélagienne et qui ont été composés entre 413 et 430. Il a démontré que ces six écrits sont l’œuvre d’un seul et même auteur et il a conclu, non sans vraisemblance, que cet auteur était le pélagien Agricola, mentionné par saint Prosper. La première lettre contient quelques renseignements biographiques sur son auteur. Il a quitté sa patrie, dit-il, contre le gré de ses parents, pour aller en Orient apprendre la véritable vie ascétique. Au cours du voyage, il s’arrêta en Sicile et il se mit en relations avec une noble Bomaine, qui fit de lui un des plus enthousiastes partisans de l’ascèse pélagienne. De là, il écrit à un compatriote : « Que votre dilection n’ait pas de peine de ce que je sois parti au loin, puisque j’ai trouvé, ei voyageant, la connaissance de la vérité… J’ai commencé à savoir comment je pourrais être un véritable chrétien. » Toute sa lettre exprime un vif et joyeux attachement à ses nouvelles convictions. Ses autres écrits paraissent