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AGOBARD — AGONIE DU CHRIST. AUTHENTICITÉ DU RÉCIT

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ce point par Amalaire, chorévéque de Metz, l’archevêque de Lyon défend son œuvre dans trois traités où il se permet parfois des écarts de langage et même de véritables injures contre Amalaire. Ces opuscules, comme ceux du chorévéque de Metz, sont des plus intéressants et ont été souvent utilisés pour l’histoire de la liturgie.

On trouvera pour la partie historique d’Agobard une bibliographie très soignée dans U. Chevalier, Répertoire des sources du moyen âge, Bio-bibliographie, col. 39, 2385. Voici quelques indications se rapportant plus spécialement à la théologie de cet écrivain : Bluegel, De Agobardi vila et scriptis, Halle, 1865, in-8% 40 p. ; Ceillier, Hist. des auteurs eccl., " édit., t. XVIII, p. 591-617 ; 2 ; édit., t. Xfl, p. 365-378, 1109-1110 ; Chevallard, L’Église et l’État en France au txe siècle ; S. Agobard, sa vie et ses écrits, Lyon, 1869, in-8°, xxxj-444 p. ; Colonia, Hist. littér. de Lyon, t. II, p. 87-91 ; Dupin, Bibliothèque (1697), t. IX, p. 472-505 ; Hist. litt. de la France, t. iv, p. 567-583 ; Hundeshagen. De Agobardi vita et scriptis, Giessen, 1831 ; Macé, De Agobardi vita et operibus, Paris, 1846 ; Péricaud, dans Archives du Rhône, 1825, 1. 1, p. 345 sq. ; Dict.d’arch. chrét., l. i, col.971.sq

J.-B. Martin.



AGONIE DU CHRIST.
Saint Luc, xxii, 43, se sert de cette expression pour rendre l’angoisse du Christ, lorsqu’il priait à l’écart au jardin des oliviers, avant d’être arrêté par les Juifs. Nous reviendrons ailleurs sur la volonté que le Sauveur manifesta en cette circonstance. Nous ne nous occuperons ici que des particularités relatées par saint Luc au verset 43, où il est question de cette agonie, et au verset 44 qui suit. Voici le texte de ces deux versets :

43. Apparuit autem illi angeOr il lui apparut un ange du lus de coelo, confortans eum. ciel qui le fortifiait. Et étant Et factus in agonia prolixius entré en agonie il redoublait sa orabat. prière.

44. Et factus est sudor ejus, Et sa sueur devint comme sicut guttæ sanguinis decurdes gouttes de sang découlant rentis in terram. sur la terre.

"Q ?8ï) 8î aÙTiji "AyyeXo ; àiz’ovipavoû, èvt<r/-j(ov aOxdv. Kai y£vd(J.£voc èv ayuvt’ï, èxTevé<TT£pov 7rpo<jvyj)(ETO.’Eyiveto 5è 6 tôpio ; a’jToû toCTEt Gpou, oot ca^aTo ; xaTaSaîvovre ; Liz ttjv vf, v.

Nous établirons d’abord l’authenticité de ces versets. Nous en ferons ensuite connaître le sens et les conséquences théologiques. Nous rechercherons enfin, d’après les données de la science moderne, de quelle nature fut la sueur de sang du Christ et quelle en était la cause.

I. AGONIE DU CHRIST. Authenticité du récit (Luc, XXII, 43, 44).
I. Authenticité des deux versets.
II. Explication de la divergence des textes.

I. Authenticité des deux versets. — Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on s’est aperçu qu’à cet endroit de saint Luc textes et versions présentent des divergences. Saint Ililaire, De Trinit., iv, 1, P. L., t. x, col. 375, faisait déjà remarquer que dans la plupart, des exemplaires, tant grecs que latins, on ne trouvait rien au sujet de l’apparition de l’ange et de la sueur de sani ; . Saint Jérôme, Dial. adv. Pclag., il, 16, P. L., t. xxiii, col. 552, confirme ce témoignage quand il dit que ces deux versets se lisent seulement dans quelques exemplaires, soit grecs soit latins. Saint Epiphane a connu lui aussi des textes grecs dans lesquels les orthodoxes avaient supprimé ce récit. Ancor., xxxi, P. G., t. mil, col. 73. (Il est vrai que Grotius et Petau, reproduits par Migne, ont entendu cette remarque de saint Epiphane, non pas de Luc, XXII, 43, 44, mais de Luc, XIX, 41. Une élude attentive de tout le passage fait bien voir que, si grammaticalement cette opinion paraît plus acceptable, elle est tout à fait insoutenable au point de vue de la critique littéraire. D’ailleurs la phrase trahit à cet endroit tant de malaise qu’il faut admettre, semble-t-il, quelque altération du texte original.) Enfin, le fait que saint Ambroise, P. L., t. xv, col. 1818, et saint Cyrille d’Alexandrie, P. G., t. lxx, col. 921, omettent, en commentant saint Luc, l’explication du passage, donne à entendre que leur texte ne le portait pas.

Les anciens manuscrits. — C’est qu’en effet une étude comparée des anciens manuscrits, tant du texte que des versions, permet de les distribuer en deux catégories. Les uns omettent le passage en question ou l’accompagnent de signes restrictifs ; les autres l’admettent au même titre que le reste. Voici la liste complète de ces antiques témoins, telle que la critique textuelle permet de la dresser aujourd’hui. Au fur et à mesure nous apprécierons la portée des témoignages pour et contre.

Omettent Luc, xxii, 43, 44, les onciaux N a ABRT (voir sur les manuscrits ici désignés, l’article Luc [Evangile de saint]) ; mais il est à noter que n l’avait primitivement, survint plus tard un correcteur (Siopôwirri ; ) N a qui le pointilla et l’enferma entre des crochets qu’un autre correcteur N b chercha à effacer. — A a dû être transcrit sur un apographe portant les deux versets 43 et 44 puisqu’il rattache au second membre du verset 42 uX^v fj.T| la section ( CT7T ^ I des canons dits d’Eusèbe, laquelle concerne en réalité les versets 43 et 44. On veut éluder la portée de cette observation en disant que le copiste n’aura pas demandé au même apographe le texte et le sectionnement ; ce qui est, dans le cas, une supposition au moins gratuite. — Il ne saurait être question ici de C qui est fruste à partir de Luc, xxii, 19 ; mais les versets 43 et 44 y ont été ajoutés en marge tertia manu après Matth., xxvi, 39. — Les cursiꝟ. 124, 561 les omettent complètement ; 13 n’a de première main que les mots dispOr) 8é, le reste est ajouté en marge ; d’où on peut conclure qu’il a été oublié ou omis volontairement. Dans T, 123, 344, 440, 512, ces versets sont notés d’un obèle, et même dans 440 le verset 43 est de seconde main. Dans ESVAI1, 24, 36, 161, 166, 274, 408, ils ont un astérisque qui a bien pu être une simple indication pour la lecture publique. Enfin 34 a une note pour avertir que ces versets manquent dans certains exemplaires. Voilà pour les textes, venons maintenant aux versions. — Le cod. Brix. f est le seul exemplaire des versions latines antéhiéronymiennes qui omette ces versets ; une dizaine de manuscrits de la version bohaïrique les négligent également ; ce sont, d’après Lightfoot, cod. 2, 4, 8, 9, 16, 17, 19, 22, 26 ; tandis que 1 et 20 les portent en marge. On les trouve de première main dans 3, 14, 21 et 18 mais en caractères plus petits. Absents aussi de la version syriaque trouvée en 1895 au Sinaï, par M me Lewis.

— Omis également dans tous les Evangéliaires grecs connus et par cod. 69 et ses acolytes 178, 443, qui leur sont apparentés. Mais il est souverainement important de remarquer que ces mêmes evangéliaires ont tous, comme C, les deux versets en question après Matth., xxvi, 39, où ils font partie de la lecture publique marquée pour le jeudi de la semaine sainte. Les cursifs 316, 517 et 13 (ce dernier en marge) présentent également le passage non seulement dans saint Matthieu, mais encore à sa place primitive dans saint Luc ; ce que font aussi quelques manuscrits arméniens. L’évangéliaire syriaque, dit d’Adler (Assélnani n. 2), porte en marge une note d’origine philoxénienne pour avertir que ce passage ne se trouve pas dans les évangiles alexandrins. Au contraire, Luc, xxii, 43, 44, se lit sans aucune hésitation dans nDIGI1KLMQUXA 1 et tous les autres cursifs connus, à l’exception de ceux dont nous venons de parler ; dans les versions syriaques Pcschito, Cureton (qui omet àîr’oOpavoù), charldéenne, hiérosolymitaine (cette dernière portant un obèle en marge) ; dans les versions éthiopienne, coptes, arménienne et arabe ; dans les versions latines antéhiéronymiennes a b ce /P- <7’.'i / </, dans tous les manuscrits de la Vulgate ; enfin dans le ÂtaTeacrâptov de Tatien qui date du IIe siècle. Cf. édit. Ciasca, p. 55 et Mœsinger, p. 235.