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AGNUS DEI

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VII. Vertus et efficacité.

Les Agnus Dei ne sont pas seulement des symboles religieux, ils ont reçu, de par leur consécration, une vertu particulière et peuvent produire en ceux qui s’en servent avec de bonnes dispositions, des effets salutaires de l’ordre spirituel et temporel. L’Église les a placés au nombre des sacramentaux. A ce titre, ils sont capables d’exciter dans les âmes de pieux sentiments qui augmentent la cbarilé et portent à devenir meilleur ; d’ellacer ainsi les fautes vénielles et de remettre la peine temporelle des péchés déjà remis, enfin de fortifier le regret des péchés mortels et de développer le désir d’en faire pénitence. Leurs effets spéciaux qu’ils tiennent des prières de leur bénédiction et de l’intention formelle du pape qui les consacre, sont de mettre en fuite les démons, de délivrer de leurs tentations et de leurs illusions, de préserver de la mort subite et imprévue, de faire éviter les périls et les malheurs, de protéger dans les combats, de délivrer du poison, de garantir contre les maladies, notamment l’épilepsie, la peste et toutes les épidémies, de dissiper les orages et d’éloigner les tempêtes, particulièrement la grêle, d’écarter la foudre, d’éteindre l’incendie, de protéger contre les pluies torrentielles, les débordements et les inondations, enfin de conserver la mère et l’enfant pendant la grossesse et au moment de la délivrance, dont ils calment et abrègent les douleurs. Ces heureux effets ont été résumés en vers latins ou français à plusieurs reprises. Nous avons déjà signalé quelques pièces latines. Nicolas Turlot, Thrésor de la doctrine chrestienne, 5e édit., Paris, 1641, IIIe part., c. i, leçon Xe, p. 51, a cité de naïfs et gracieux vers français, dont il pourrait bien être l’auteur. La formule imprimée en 1662 en reproduit d’autres, plus simples, qui sont la traduction libre des vers latins adressés par Urbain V à Jean Paléologue. Sixte V et Benoît XIV ont assuré que es Agnus avaient opéré de vrais miracles. Plusieurs écrivains ont recueilli les récits de prodiges, dus à l’emploi de ces objets de piété. Castano, De maxinia supernaturali Agni Dei virtute, Venise, 1669 ; Jérôme Bertondelli, Miracoli operati dell’onnipotenza divina per mezzo degli Agnus Dei Papali benedetti dalla s. m. d’Innocenzo XI, in-12, Venise, 1691. Certains de ces miracles produits par l’application d’Agnus contenant des reliques de saint Gaétan ou consacrés par saint Pie V et le vénérable Innocent XI, ont soulevé dans les causes de béatification et de canonisation de ces saints personnages la difficulté suivante : A quoi faut-il attribuer le miracle ? est-ce à la vertu de Y Agnus ou à l’intercession du saint ? Benoit XIV, De servorum Dei beati/icatione et canonisatione sanctorum, iv, I » pars, 5, n. 9-15, Opéra, t. iv, p. 25-27, a résolu en ce sens cette question : Les Agnus, malgré leur puissante efficacité, ne peuvent pas produire de miracles proprement dits ; ils obtiennent seulement des grâces spéciales, des faveurs extraordinaires, un secours particulièrement utile. Il n’appartient qu’aux saints de se signaler par de vrais miracles. Dans les cas discutés, les circonstances du miracle peuvent seules faire connaître s’il faut le rapporter à Y Agnus ou à une autre cause. Or dans les exemples cités, le miracle provient directement, non de YAgnus qui n’a joué qu’un rôle secondaire, mais de la présence des reliques de saint Gaétan ou de l’invocation spéciale de Pie V et d’Innocent XI, à l’occasion d’Agnus qu’ils avaient consacrés. Pour que le miracle fût produit par YAgnus, il faudrait que celui-ci fut seul employé, tandis qu’il a été constalé dans les exemples rapportés qu’une cause supérieure et déterminante s’est ajoutée à l’influence réelle du sacramental,

VIII. Usage et emploi.

Les Agnus étant bénits par L’Église pour les besoins spirituels et temporels des fidèles, c’esf à elle à régler la manière de les employer et d’en user. L’Église, d’abord, regarde les Agnus après leur bénédiction comme des choses saintes et consacrées.

C’est pourquoi elle a défendu, sous des peines très graves, de les vendre ; aussi les théologiens et les canonistes ont tenu cette vente pour une simonie réelle. En tirer un profit, en effet, en raison de leur bénédiction, serait estimer à un prix temporel une faveur purement spirituelle. Mais il est permis de vendre leur entourage, le cadre ou la cassette qui les renferment ; ces ornements étrangers ont une valeur réelle estimable et appréciable en elle-même, indépendante du contenu. La cire, employée comme matière, est en quantité si minime qu’elle ne peut être taxée au prix ordinaire. La donation est gratuite et le commerce des Agnus est formellement interdit. Cf. Bonacina, Opéra, Lyon. 1681, t. i, p. 677 ; t. ii p. 147 ; t. iii, p. 176-177. Si dans les lieux de pèlerinage, comme à Lorette et à Paray-leMonial, on met en vente de petits reliquaires, contenant des Agnus entiers ou des parcelles d’Agnus, le prix qu’on en retire ne correspond qu’à la valeur des reliquaires qui sont plus ou moins richement ornés. Quelques anciens théologiens soutenaient qu’il était défendu aux laïques et aux clercs non constitués dans les ordres sacrés de toucher les Agnus Dei, en raison de leur consécration par le saint chrême. Bonacina, Opéra, t. ii p. 147. Mais Ferraris, Bibliotheca canonica, t. i, p. 5’t, observait déjà que l’usage contraire avait prévalu et que tous pouvaient les toucher, surtout par piété et dévotion. D’ailleurs, il faut toujours traiter avec vénération et respect ces objets bénits, soit qu’on les porte sur soi, soit qu’on les garde dans sa maison. Il serait convenable de les déposer dans une chapelle ou de les conserver dans des cadres ornés ou des cassettes précieuses, selon la recommandation des souverains pontifes. Si on les porte suspendus à son cou et placés dans ses vêtements, il convient de les envelopper dans du métal, de la soie ou toute autre matière qui les préserve de la souillure d’un contact et d’un frottement perpétuels. On peut les baiser, les appliquer sur un membre malade, les opposer au danger qui menace, en ajoutant l’invocation à l’agneau de Dieu, empreinte sur la cire. Ainsi, en 1620, l’évêque de Quimper jeta un Agnus dans le feu pour éteindre un incendie. On peut aussi en placer dans les champs et dans les étables pour protéger les récoltes et les animaux. Des fidèles les plongent dans de l’eau qu’ils boivent ensuite, ou bien en avalent des parcelles comme remèdes. Les fragments d’Agnus ont, en effet, la même propriété que les Agnus entiers. Mais dans tous ces usages, il faut éviter avec soin tout ce qui serait de la superstition. Les Agnus n’ont pas une vertu propre, qui s’exerce infailliblement. Ils ne doivent leur efficacité qu’aux prières de l’Église et ils n’agissent que ex opère operantis, c’est-à-dire en raison des dispositions de celui qui les emploie avec confiance et respect. Si l’effet espéré ne répond pas aux désirs, il faut l’attribuer à la faiblesse de la foi ou de la dévotion. Voir le mot Sacramental.

IX. Agnus contenant des reliques des saints.


Depuis longtemps, on a coutume à Borne de mêler à de la cire du cierge pascal, la poussière des ossements de martyrs inconnus, exhumés des Catacombes. Cette poussière, qui est une véritable relique de corps saints, donne à la cire une couleur jaunâtre et foncée. Ce saint mélange est connu sous le nom de Pâte de martyrs. Les Agnus de cette nature ne sont pas plongés dans le bain d’eau bénite ; la poussière d’ossements qu’ils contiennent leur sert de consécration. Ils sont cependant bénits par le souverain pontife, et ils acquièrent ainsi la double valeur de reliques saintes et d’objets bénits. Aussi les tient-on en plus grande estime et leur rend-on un culte spécial. On en accorde à tous les fidèles qui en font pieusement là demande. Le sous-garde-robe du palais apostolique, charge de la distribution, remet en môme temps un feuillet imprimé sur lequel sont indiquées l’origine, la nature de cette pâte sacrée, et la vé-