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AGNUS DEI


furent promulgués par ordre de Benoit XIV, le 26 janvier 1750 et le 8 novembre 1753, et par ordre de Pie VI, le 5 mars 1775. Cf. Analecta juris ponti/icii, 1865, col. 1513-1516. — 7° La coutume d’imprimer l’effigie des saints au revers des Agnus n’est pas ancienne. Selon Benoit XIV, De serv. Dei beat., IV, II* pars, 21, n. 12, Opéra, t. IV, p. 284, Clément XI ajouta les saints de l’Église grecque à ceux de l’Église latine. Innocent XIII s’abstint de représenter l’image des bienheureux, bien que ses prédécesseurs l’aient fait. Le choix des saints dépend de la dévotion du souverain pontife. Les feuillants ayant cessé d’exister à Rome, le privilège de confectionner les Agnus a été transmis aux religieux cisterciens de Sainte-Croix de Jérusalem.

IV. Bénédiction et consécration.

Après avoir été longtemps laissée à l’archidiacre, cette bénédiction a été réservée en 1470 au souverain pontife. Au xive siècle, la formule était la même, sauf quelques mots changés, que celle de la bénédiction des cierges à la Chandeleur. La prière était suivie d’une immersion dans l’eau bénite. Le cérémonial actuel a été définitivement fixé au xvie siècle. La bénédiction des Agnus se fait en deux formes différentes ; elle est solennelle ou privée. La première a lieu au début de chaque pontificat, puis se renouvelle tous les sept ans. La seconde se fait au gré du pape et sans solennité, ordinairement aux époques de grande aflluence d’étrangers à Rome, à l’occasion, par exemple, du jubilé ou d’une canonisation. La provision à’Agnus étant épuisée, le souverain pontife peut satisfaire à la dévotion des fidèles par la distribution de ceux qu’il bénit en particulier. Ainsi agirent Léon XII en 1823, Grégoire XVI en 1832 et Pie IX en 1862. Baldassari, I Pontifici Agnus Dei dilucidati, 3e édit., Venise, 1714, p. 44-54, a longuement décrit le cérémonial usité pour la bénédiction solennelle, qui se fait le mercredi de Pâques et les deux jours suivants. Le rite principal consiste dans le bain d’eau bénite, à laquelle le pape a mêlé du baume et du saint chrême. On appelle métaphoriquement cette immersion baptême des Agnus. Les formules de prières sont imprimées dans Hospinien, De festis christianorum, Genève, 1674, p. 102-103, et dans les Analecta juris pontificii, 1865, col. 1489-1491. La bénédiction privée a été décrite par Moroni, qui en a été témoin. Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, Venise, 1840, t. i, p. 130-131.

V. Distribution.

Les Agnus Dei ont toujours été distribués le samedi de Pâques, d’abord par l’archidiacre, guis, dès le xiie siècle, par le pape lui-même. Les anciens Ordines romains indiquent les personnes à qui le pape en distribuait et le nombre qu’il donnait à chacun suivant sa dignité. Aujourd’hui, le garde-robe pontifical est chargé de préparer les paquets pour la distribution publique. Ces paquets ne sont pas égaux : les grands, destinés aux cardinaux, contiennent une centaine d’Agnus ; les moindres en ont de soixante-dix à quarante. Cette distribution officielle se fait solennellement à la messe après la communion. Le cérémonial n’en a pas varié depuis le xvie siècle. A. Patrizi, Sacrarum cseremoniarum liber, i, 6, Venise, 1516, p. 277. Les Agnus qui sont de reste sont divisés en deux parts. L’une est confiée au caudataire de Sa Sainteté et exclusivement réservée au pape, l’autre au sous-garde-robe, pour être distribuée aux fidèles qui en font la demande. A toutes les époques, les papes ont envoyé des Agnus aux rois et à de grands personnages en témoignage d’amitié. Plusieurs lettres pontificales, qui accompagnent ces envois, ont été conservées. Urbain V envoya, après 1366, à l’empereur de Constantinople, Jean Paléologue, qui était venu le visiter à Avignon, trois Agnus avec une pièce de onze vers latins qui énonçaient poétiquement les vertus que l’Église attribue à ces objets pieux. Le cardinal Jacques de Pavie adressa, au nom de Paul II, une lettre d’envoi à Elien Spinola. Henri II, roi de

DICT. DE TIIÉOL. CATHOL.

France, reçut des Agnus de la part de Jules III, et Janus Vitalis, poète de Palerme, célébra ce cadeau pontifical en élégants vers latins. Le 20 avril 1586, Sixte V envoya au doge de Venise, Pascal Cicogna, un bref qui est un véritable traité sur les Agnus. Le 4 janvier 1630, Urbain VIII écrivait à son neveu, Thaddée Barberini, qui avait donné à la reine de Hongrie un Agnus consacré par saint Pie V. Par une faveur spéciale, le pape accordait à cette princesse une indulgence plénière à gagner, à l’occasion de cet Agnus et moyennant des conditions déterminées, les dimanches et fêtes de précepte. Mgr le sous-garde-robe donne, sur simple présentation d’une demande apostillée, les Agnus, dont il a la garde et qu’il conserve dans son oratoire privé. La donation est entièrement gratuite. On y joint une feuille imprimée qui expose sommairement, en latin ou en italien, la nature et les vertus des Agnus. Nous connaissons une formule imprimée en 1662 par la chambre apostolique. Celle qu’on distribue aujourd’hui a été éditée pour la première fois en 1752 par ordre de Benoit XIV ; elle a probablement été composée par ce pape luimême. Elle reproduit des vers latins, attribués au jésuite André Frusio, sur les effets produits par les Agnus. Benedicti XIV Bullarium, Venise, 1768, t. iii, p. 253-254. Cette formule est réimprimée par la chambre apostolique, chaque fois que des Agnus sont bénits par le pape. On en trouve la traduction française dans Béringer, Les indulgences, leur nature et leur usage, Paris, 1890, t. i, p. 416-418.

VI. Symbolisme.

D’après les documents précédemment mentionnés et d’après les prières mêmes de leur bénédiction, les Agnus Dei ont, dans la pensée et suivant la volonté de l’Église, une signification symbolique qui leur donne une importance spéciale. Tous les éléments dont ils se composent ont été choisis et déterminés à dessein en vue de représenter les mystères de l’agneau sans tache. La cire naturelle, produite par les abeilles, figure le corps, la chair, l’humanité du Sauveur. Elle doit être pure, blanche et vierge, afin de rappeler la conception immaculée de Jésus dans le sein de Marie, qui était vierge et mère tout ensemble. On y imprime la forme de l’agneau pour représenter à la fois l’agneau offert par Abel, le bélier substitué à Isaac, les agneaux immolés chaque jour en holocauste dans l’ancienne alliance, l’agneau pascal, qui étaient tous des figures de l’agneau de Dieu, occis pour le salut du genre humain. Aussi l’agneau, dont l’empreinte se voit sur la face principale des Agnus, est nimbé, parce qu’il est saint ; son nimbe est en forme de croix, parce qu’il est l’Homme-Dieu crucifié ; lui-même est vivant et debout, parce qu’il est l’agneau vainqueur, ou couché comme agneau du sacrifice, mais ressuscité et portant l’étendard de la victoire. Sous ses pieds, se trouve le livre fermé et scellé, dont lui seul peut ouvrir les sceaux. Les Agnus sont plongés dans l’eau bénite pour les purifier et en faire des choses saintes. Le baume et le saint chrême sont mêlés à cette eau pour signifier, le premier, le parfum des vertus dont Jésus-Christ a été le modèle accompli, et le second, la charité, et pour faire des Agnus des objets, non seulement bénits, mais consacrés. Cette immersion fait encore des Agnus le symbole des nouveaux baptisés, devenus, par la vertu du sacrement, blancs et sans tache comme des agneaux, vainqueurs aussi de la mort et du péché et pouvant chanter le joyeux alléluia de la résurrection. C’est pour cela que la consécration de ces Agnus a lieu d’ordinaire dans la semaine de Pâques et que leur distribution est faite au jour auquel les néophytes déposaient autrefois les habits blancs, symbole de l’innocence baptismale. Enfin, les Agnus Dei portent au revers l’image des saints, parce que les saints ont imité les exemples de l’agneau, qu’ils partagent son triomphe, forment sa cour au ciel et sont devenus nos modèles.

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