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AGNOSTICISME


sentation Imaginative, fut souvent confondue avec la notion d’un tout fini (itlpa ; avait le sens de fin aussi bien que de perfection). La saine philosophie dut lutter pour distinguer : d’une part, l’indéfini du véritable fini, S. Thomas, Contra génies, 1. I, c. XLIIi ; d’autre part, le parfait véritable du fini (entendu au sens d’un tout borné). Voir le P. Th. de Régnon, Métaphysique des causes, 1. VII, c. iv.

2. Le terme absolu et le terme infini comportent pareillement l’indépendance de toute condition (ou relation). Car, d’une part, l’absolu est nécessairement en dehors de toute catégorie, donc en dehors de toute relation logique et de toute relation ontologique : c’est-àdire (au sens de l’école agnostique) qu’il ne peut être conçu ni comme cause, ni comme effet, puisque la cause et l’effet impliquent pareillement une relation. D’autre part, l’infini est conçu en dehors de toute opposition et de toute différence, de toute catégorie et de toute relation causale : car tout élément de ce genre constituerait une limite. Ainsi l’une et l’autre notion représente Ylncondi lionne.

3. Nous ne pouvons rien concevoir que de conditionné.

En effet, toutes les notions que nous pouvons avoir sont définies, c’est-à-dire circonscrites et relatives (en vertu d’une détermination logique ou d’une relation causale). En d’autres termes, nous connaissons toutes choses soit logiquement par une différence qui s’ajoute au genre pour le déterminer, soit physiquement par une relation qui rend solidaires, c’est-à-dire mutuellement conditionnés, la cause et l’effet.

Celte relativité de toute connaissance est un point capital dans le système spencérien. A la suite d’Hamilton, Spencer, Premiers principes, I re part., c. IV, s’efforce de l’établir aussi bien sur l’analyse des produits de la pensée que sur l’analyse de la pensée elle-même. (Nous retrouvons ici le préjugé’de l’inconditionné et le préjugé psychologique de l’empirisme scnsualiste.) — Analyse des produits de la pensée : ils sont tous conditionnés soit au point de vue de la notion logique, conditionnée par sa différence, soit au point de vue de la relation causale. Nous n’avons pas d’autre moyen de connaissance : « Penser, c’est conditionner. » — Analyse de la pensée elle-même : II. Spencer, Premiers principes, p. 65, cite et adopte les considérations suivantes d’Hamilton : « L’inconditionnellement illimité ou l’infini, l’incondilionnellement limité ou l’absolu ne peuvent positivement pas être conçus. On ne peut les concevoir qu’en faisant abstraction des conditions mêmes sous lesquelles la pensée se réalise ; par conséquent, la notion de l’inconditionné est purement négative, négative du concevable même. Par exemple, d’une part, nous ne pouvons concevoir ni un tout absolu, c’est-à-dire un tout si grand que nous ne puissions pas le concevoir comme une partie relative d’un tout encore plus grand ; ni une partie absolue, c’est-à-dire une partie si petite que nous ne puissions aussi le concevoir comme un tout relatif, divisible en parties plus petites. D’autre part, nous ne pouvons positivement pas nous représenter, nous figurer (puisque ici l’entendement et l’imagination coïncident) un tout infini ; car nous ne pourrions le faire qu’en édifiant par la pensée la synthèse infinie des touls finis, et pour cela il faudrait un temps infini… La négation inconditionnelle et l’affirmation inconditionnelle de la limitation, en d’autres termes, l’infini et l’absolu proprement dit*, sont donc inconcevables pour nous. »

Il est à remarquer que dans cette théorie, de l’aveu de H. Spencer lui-même, « l’entendement et l’imagination coïncident, » c’est-à-dire que l’impossibilité de se représenter sensiblement est faussement confondue avec l’impossibilité de concevoir. Cette remarque est décisive contre le système.

Des mêmes vues systématiques, II. Spencer déduit l’inconcevabilité des dernières idées de la religion

(infini et absolu) et des dernières idées de la science (espace, temps, matière, mouvement, force, etc.). Premiers principes, I re part., c. n et m. Il admet pourtant l’objective réalité d’un pouvoir dont l’univers est la manifestation. Il admet également que les idées dernières de la science sont représentatives de réalités incompréhensibles. En d’autres termes, il admet l’objectivité d’un inconnaissable suprême et de divers inconnaissables, d’ordre scientifique. Ainsi, la philosophie de H. Spencer est un réalisme transformé. Voir Ma r Mercier, Les origines de la psychologie contemporaine, p. 128.

IL Critique générale. — Après avoir reconnu quelques vérités partielles plus ou moins sauvegardées, plus ou moins travesties dans le système agnostique, nous en signalerons les côtés faibles et les incohérences : vices de méthode, tenant au caractère général de la doctrine ; contradictions inhérentes aux conclusions finales ; ignorance de la doctrine adverse, avec les critiques injustes et les malentendus qui en sont la conséquence.

L vérités partielles. — Il est vrai que la métaphysique et la science mettent en évidence certaines idées qui ne peuvent être ni définies logiquement, ni connues par déduction (déduction a priori au sens rigoureux). En métaphysique, c’est un adage que les notions simples et communes ne peuvent se définir (par genre et par différence) : Prima simplifia definiri non possunt, et par conséquent ni les transcendentaux, ni les catégories ne sont susceptibles de définitions. Pourtant, l’École les regarde comme connaissables. Ce sont même les plus connaissables. Les premiers universaux, prima universalia (voir S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lxxxv, a. 3), s’obtiennent par connaissance immédiate et leur connaissance est cause de toute autre connaissance. En science, les idées d’H. Spencer valent pleinement en ce sens que toute science suppose une notion suprême, explicative de toutes les autres, et qui ne peut être elle-même expliquée : ou bien cette notion est conçue comme cause suprême, d’où dépendent toutes les autres, ou bien, comme genre suprême, dans une classification spéciale. Mais inexplicable, dans ce sens restreint, n’est nullement synonyme d’inconnaissable ; autrement il faudrait professer la négation de toute connaissance. Voir OlléLaprune, Certitude morale, c. v, § 2.

Il est encore vrai que toutes nos connaissances sont empreintes d’un caractère de relativité, si l’on entend par là une certaine composition de notre concept, qui est une marque de dépendance et de potentialité. Toutes nos conceptions étant puisées dans les choses finies, y contractent un mode essentiel à la représentation de pareils objets : elles sont composées de matière et de forme, de puissance et d’acte. Toute perfection ainsi conçue apparaît comme limitée et participée, en d’autres termes, comme relative et dépendante. Saint Thomas l’a reconnu en étudiant les conceptions relatives à la divinité et les noms qui expriment ces conceptions : Intelleclus noster a sensibilibus sumens initium cognoscendi, non tvanscendit illum modum qui in rébus sensibilibus invenitur in quibus aliud est forma et habens formant, propter composilionem… Unde intelleclus noster quidquid significat ut subsistens, in concretume signifient ; quod vero ut simplex significat, non ut quod est. Et sic in omni nomine, quantum ad modum significandi imperfectio invenitur… Cont. génies, 1. I, c. xxx. En résumé, toutes les conceptions que nom attribuons à Dieu ont un caractère de dépendance et de potentialité. D’où il suit que nous pouvons, conformément à la doctrine aréopagitique, affirmer ou nier leur convenance à la divinité : affirmer leur convenance objective, nier le mode subjectif dont elles sont empreintes. Dionysius recte prunimeinvit negationes esse simpliciier veras, affirmationes incongruas, id est non quidem falsas, sed nec veras nisi aliquo modo : propterea quod, ut vera sit afjirmalio, utrumque rci