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AGNOËTES — AGNOSTICISME

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Christ possédait. Cependant ils affirment tous cette science surnaturelle, et expliquent que la sagesse du Christ a progressé dans sa manifestation plutôt qu’en réalité. — 3. A partir du VIe siècle on affirme contre les agnoètes que le Christ, comme homme, n’a pas été soumis à l’ignorance. Saint Grégoire le Grand formule une distinction qui concilie tous les enseignements antérieurs, en disant que le Christ connaissait le jour du jugement dans sa nature humaine, mais non par les lumières de cette nature. On considère surtout la science surnaturelle qui illuminait l’àme humaine du Sauveur. On continue à présenter le progrès de la science humaine du Christ comme un progrès plus apparent que réel. — 4. A partir du xin siècle, les scolastiques distinguent nettement trois sciences dans l’âme du Christ. Tous admettent que le Sauveur a toujours eu, comme homme, la vision béatifique et qu’en raison de cette vision il n’a jamais rien ignoré au sujet des créatures. Ils formulent des théories très diverses relativement à sa science infuse et à sa science expérimentale. Duns Scot croit à un développement de sa science infuse. Saint Thomas admet seulement un développement de sa science expérimentale pour son intelligence ellemême. D’autres auteurs estiment qu’il n’y a eu aucun développement dans son intelligence et que tout le progrès de sa sagesse dont parle l’Évangile, a été simplement apparent. Ils reconnaissent pourtant qu’en avançant dans la vie, il a expérimenté ce qu’il savait précédemment. Nous avons vu que cette manière de voir avait été formulée par Albert le Grand et par saint Thomas d’Aquin lui-même dans son commentaire sur le Maître des Sentences.

III. La doctrine des agnoètes est-elle une hérésie, UNE erreur, ou une opinion libre ? — Il est inutile de poser cette question pour l’agnoétisme des ariens, qui imputaient de l’ignorance à la nature divine du Sauveur. Cette erreur est sans aucun doute une hérésie ; car il est hérétique de nier l’infinie perfection de l’intelligence divine. La sainte Église croit en effet, suivant les expressions du concile du Vatican, que Dieu est infini en intelligence, en volonté et en toute perfection, intellectu ac voluntate omnique perfeclione infinitum. Constitution Dei Filins, ci.

Mais il s’agit de l’agnoétisme qui attribuait à la nature humaine du Sauveur l’ignorance de certaines choses créées, en particulier du jour du jugement, et qui lui imputait d’avoir eu besoin d’apprendre ces choses. Cet agnoétisme est-il une opinion absolument libre, comme l’ont pensé quelques auteurs de notre temps ?

Nous n’avons pas à examiner ici la valeur des preuves théologiques qu’on oppose à cet agnoétisme. Il en sera question à l’article Science du Christ. Nous avons à nous demander si l’Église a jamais traité la doctrine des agnoètes soit comme une hérésie, soit comme une erreur ; car c’est à l’Église de fixer ce qui est opinion, ce qui est certain et ce qui est de foi dans ses enseignements. Or la doctrine des saints Pères et des théologiens que nous venons d’exposer nous fournit les éléments nécessaires pour la solution de cette question.

Au ive et au v c siècle les Pères qui combattent l’agnoétisme des ariens, relatif à la science divine du Christ, sont, malgré quelques apparences contraires, unanimes à rejeter la doctrine qui attribuerait une ignorance complète à l’àme du Sauveur. Aussi lorsque cette doctrine eut (Hé formulée par les partisans des erreurs nestoriennes et par les thémistiens, fut-elle aussitôt traitée comme une hérésie. Leporius anathématise avec les évêques de l’Afrique et des Gaules l’agnoétisme qu’il avait défendu. Cassien estime qu’on ne saurait le soutenir sans impiété contre la foi. Le cinquième concile le condamne implicitement en frappant l’erreur de Théodore de Mopsueste qui admettait un progrès dans le Christ. Un peu plus tard, on tient la même conduite

vis-à-vis de l’agnoétisme des thémistiens. Il est combattu et anathématise comme une doctrine téméraire par Euloge, patriarche d’Alexandrie. Saint Grégoire le Grand approuve entièrement Euloge et traite les agnoètes d’hérétiques. L’agnoétisme est de nouveau anathématise comme une hérésie dans la lettre synodique de saint Sophrone, patriarche de Jérusalem, qui fut lue au sixième concile œcuménique. On peut donc dire que toute l’Église représentée par le pape saint Grégoire, par les évêques d’Afrique et des Gaules, en Occident, par les patriarches d’Antioche et de Jérusalem et les évêques présents au cinquième et au sixième concile œcuménique, en Orient, a anathématise les agnoètes comme des hérétiques, à la fin du Ve siècle et pendant le vi e. Depuis lors, tous les auteurs ecclésiastiques et tous les théologiens se sont également prononcés contre leur doctrine jusqu’au xixe siècle.

Cette doctrine a donc été rejetée d’un consentement unanime par l’Église depuis la fin du Ve siècle jusqu’au xix e. Le sentiment des agnoètes au sujet de la science humaine du Christ n’est donc pas une opinion libre, mais une doctrine opposée à la foi. Sans doute, il n’a été frappé par aucun jugement solennel d’un pape ou d’un concile ; mais il l’a été par le magistère ordinaire et universel de l’Église, et cela suffit ; car, suivant le concile du Vatican, l’autorité du magistère (voir ce mot) ordinaire et universel de l’Église n’est pas moins grande que celle des jugements solennels des papes ou des conciles. On ne saurait donc tenir l’agnoétisme pour une opinion librement controversée dans l’Église.

Examinons maintenant s’il faut le compter au nombre des hérésies ou simplement le ranger parmi les doctrines erronées et téméraires ? Il a été traité d’hérésie et anathématise dans les documents que nous avons rapportés plus haut. Mais au vie siècle, on ne distinguait pas aussi nettement entre hérésie et erreur, qu’on l’a fait depuis ; et on frappait d’anathème (voir ce mot) les fauteurs d’hérésie aussi bien que les hérétiques. Comme la note d’hérésie ne doit être appliquée qu’aux propositions qui sont en contradiction certaine avec des vérités de foi catholique, il nous semble que la doctrine des agnoètes sur la science humaine du Christ mérite plutôt le nom d’erreur ou de sentiment voisin de l’hérésie, que celui de doctrine hérétique, si l’on veut donner à ces termes le sens strict qui leur est attribué aujourd’hui. Suarez, De incarnatione, disp. XXV, sect. i, n.6, dit que c’est une doctrine téméraire ; Petau, De incarnatione, 1. XI, c. iv, n. 8, lui donne la qualification d’erreur, proche de l’hérésie.

Petau, Dogmata theologica, 1. XI, de i)carnatione, c. i-iv, Paris, 1886, t. vi, p. 409-434 ; Schwane, Dogmengeschichte, 2— édit., Fribourg, 1895, t. ii, p. 366 ; Fribourg, 1882, t. iii, §59, 65, p. 273-276, 292-294 ; Knabenbauer, Ein lùipitel ans dem Leben Jesu, dans Stimmen aus Maria I.aach, janvier et février 1879, t. xvi, p. 1-20, 129-139, résumé dans Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secwtdum Marcum, Paris, 1894, t. ii, p. 355 ; . Stentrup, Christolugia, Inspruck, 1882, t. ii, th. Lxvm-Lxxili, surtout th. lxxiii, p. 1032-1164.

A. Vacant.

AGNOSTICISME. — 1. Exposé des systèmes. II. Critique générale. III. Oppositions de la doctrine catholique et de l’agnosticisme.

I. Exposé des systèmes.

L désignations lauges.

ÉCOLES VOISINES DE L’ÉCOLE STRICTEMENT AGNOST1QIE.

— En un sens très large, on peut entendre par agnosticisme l’ensemble des écoles qui déclarent incorntaissables les objets supra-sensibles. Tantôt il s’agit exclusivement des notions de l’ordre religieux et métaphysique ; la grande masse des sensualisles et des positivistes (par exemple Litlré) les déclare inconnaissables. Voir Positivisme. Tantôt il s’agit des vérités premières en tout ordre de connaissance. Ainsi, c’est une doctrine caractéristique d’écoles en apparence fort diverses que d’opposer le système de nos croyances au système de nos