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AGNEAU DE DIEU — AGNEAU PASCAL

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et portant une croix rouge, agnus ut innocua injusto datus liostia letho. — 4. Vers le milieu du Ve siècle, l’agneau paraît avec le nimbe dans les mosaïques de Saint-Jean de Latran et de Sainte-Pudentienne. Au VIe siècle, il a le même attribut de la sainteté dans la tribune de la basilique des Saints-Côme et Damien, ainsi qu’à Saint-Vital de Ravenne. Plus tard, on lui donna le nimbe crucigère ou monogrammatique, qui signifie Dieu crucifié.

— 5. Une série assez nombreuse de monuments peints ou sculptés reproduit Notre-Seigneur assis ou debout dans l’attitude de l’enseignement et l’agneau à ses pieds. Ce rapprocbement de la réalité et du symbole a pour but d’exprimer la double nature du Sauveur : Jésus est le Verbe divin, l’agneau, l’humanité sainte, victime immolée pour le salut du genre humain. — 6. Mais le symbole de l’agneau a servi surtout à représenter la passion de l’Homme-Dieu. Cette représentation s’est produite successivement sous diverses formes. Nous trouvons à Rome, dans la seconde moitié du IVe siècle, la croix monogrammatique sur la tête de l’agneau. Au Ve siècle, l’agneau, dont la tête est nimbée, porte une croix simple. Une lampe antique, illustrée par M. de Lasteyrie, Mémoires des antiquaires de France, t. xii, pl. v, a la forme d’un agneau, du sein duquel jaillit une source éternelle d’huile pour communiquer aux hommes lumière et sainteté. Pour signifier que c’est par les mérites de sa passion que l’agneau répand ces bienfaits, il a une croix sur la poitrine et sur la tête et cette dernière est surmontée d’une colombe, symbole du Saint-Esprit. Au commencement du vie siècle, l’agneau porte une croix hastée ; il repose sur un livre ou sur la main de saint Jean-Raptiste. D’autres fois, il est couché sur un autel, au pied d’une croix gemmée ; ou bien, il a le liane ouvert et le sang coule de la plaie ainsi que de ses pieds. Une mosaïque le représente debout sur un trône ; son sang qui s’échappe de cinq plaies, se réunit en un seul courant et tombe dans un calice. Le concile in Trullo, tenu à Constantinople en 692, ordonna dans son 82e canon, Mansi, Concil., Florence, 1765, t. xi, col. 977980, de ne plus représenter Jésus-Christ sous la forme d’agneau, mais de substituer la réalité à la figure. Cette substitution, qui avait commencé à se faire librement, se continua de même. Les décrets du concile in Trullo n’ayant pas été approuvés par le Saint-Siège, l’usage ancien persévéra, et on peut légitimement supposer que le décret de Sergius, ordonnant de chanter trois fois à la messe V Agnus Dei, a été une protestation contre la prohibition des grecs. Duchesne, Liber pontijicalis, t. I, p. 381. Cf. Raronius, Annales ceci., an. 692, Rome, 1599, t. viii, p. 613. Nous retrouvons la représentation symbolique du Sauveur sous forme d’agneau dans les siècles suivants, notamment sur les croix processionnelles. — 7. Simultanément dès la fin du VIe siècle, apparaît l’agneau glorieux. Pour célébrer son triomphe, on lui donne un étendard (cette figure est connue sous le nom de croix de résurrection) ; il est ceint d’une ceinture d’or ; il porte une lance, symbole de la sagesse, ou bien, armé d’une croix, il repousse un serpent. Aux viiie et IXe siècles, les visions de l’Apocalypse sont reproduites dans des mosaïques. Ces diverses représentations de l’agneau ont persévéré jusqu’à nos jours sur les monuments chrétiens ; en passant par le moyen âge, elles ont subi quelques modifications de détails ; mais ces changements accidentels n’ont pas détruit le symbolisme primitif. La figure de l’Agneau de Dieu apparaît encore sur des images pieuses, les ornements sacerdotaux, les vases sacrés, de simples objets d’art, et elle rappelle efficacement à l’esprit du chrétien la douceur, la bonté et l’humilité du Sauveur Jésus qui s’est immolé pour nous, mais qui reçoit maintenant, au ciel et dans l’eucharistie, les hommages qu’il a mérités par sa passion.

Cf. Martigny, Étude archéologique sur l’agneau et le Bon Pasteur, Lyon, 1860 ; Id., Dictionnaire des antiquités chré tiennes, 1887, p. 26-29 ; deGrimouard de Saint-Laurent, Guide de l’art chrétien, 1873, t. ii, p. 66-69, 277-280, 338-342 ; L. Cloquet, Éléments d’iconographie chrétienne, 1890, p. 53-56 ; X. Barbier de Montault, Traité d’iconographie chrétienne, 1860, passim ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. i, col. 877-905.

E. Mangenot.

2. AGNEAU PASCAL. -
I. Dans la réalité historique.
II. Comme figure de Jésus-Christ.

I. L’agneau pascal dans la réalité historique. —

C’était un agneau mâle, sans défout, d’un an, que les Israélites mangeaient à la fête de la Pàque. Son immolation a été ordonnée par Dieu pour la première fois, la veille de la sortie d’Egypte. Les Hébreux, opprimés par Pharaon, marquèrent de son sang les poteaux et le linteau supérieur des portes de leurs maisons, et à ce signe l’ange de Jéhovah passa et épargna leurs premiers-nés, tandis qu’il extermina ceux des Égyptiens. Les chairs furent mangées rôties, en entier et à la hâte, avec des pains azymes et des laitues sauvages par des convives qui avaient les reins ceints, les pieds chaussés et tenaient un bâton à la main. Ce repas symbolique devait être renouvelé chaque année après l’arrivée dans la terre promise, en souvenir de la préservation des premiers-nés et de la sortie d’Egypte. Choisie le 10 du mois de nisan, la victime de la Pàque devait être tuée le soir du 14, au déclin du jour, Deut., xvi, 7, de midi à six heures, Talmud de Jérusalem, Pesa/tint, 5, trad. Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 60-61, auprès du tabernacle. Exod., xii, 3-11, 21-27 ; Deut., xvi, 5^7. Aucun de ses os ne devait être rompu. Exod., xii, 46 ; Num., ix, 12 ; Joa., xix, 36. Pour la rôtir, on l’embrochait dans une tige en bois de grenadier qui la transperçait de part en part. Talmud de Jérusalem, Pesahim, 7, p. 93-95. Rien qu’en raison de sa première institution l’immolation de l’agneau pascal n’ait été qu’un simple mémorial de la préservation des premiers-nés et de la sortie d’Egypte, Exod., xii, 26, 27, cependant les rabbins l’ont considérée comme un sacrifice. Talmud de Jérusalem, Pesahim, 5, p. 60, 67, 75-76. Des exégètes catholiques lui ont reconnu aussi ce caractère et l’ont tenue pour un sacrifice à la fois expiatoire et pacifique. Les termes employés, Exod., xii, 27 ; Num., ix, 13, désignent les sacrifices et l’agneau devait avoir les qualités des victimes. Levit., i, 3, 10 ; iii, 6 ; xxii, 22, 27. Si un simple Israélite pouvait l’égorger, les prêtres seuls recueillaient son sang et le versaient sur l’autel. Talmud de Jérusalem, Pesahim, 5, n. 6, p. 76-77. Cf. Danko, Hisloria revelationis divinx Veteris Testarnenti, Vienne, 1862, p. 145.

II. L’agneau pascal comme figure de Jésus-Christ.

— L’immolation de l’agneau pascal avait, en outre, une signification prophétique qui a été indiquée par les écrivains inspirés du Nouveau Testament et enseignée par l’Église dans la tradition écrite et monumentale aussi bien que dans la liturgie.

Nouveau Testament.


Saint Paul recommande aux Corinthiens de ne plus manger le vieux levain de la malice et du péché, mais les véritables azymes de la piété, parce que notre Pàque, c’est-à-dire notre agneau pascal, le Christ, a été immolé. I Cor., v, 7, 8. Saint Pierre conseille aux païens convertis de vivre dans la crainte de Dieu durant le temps de leur pèlerinage, parce qu’ils ont été rachetés par le sang précieux du Christ, agneau immaculé et sans souillure, prévu et préordonné comme victime dès avant la création du monde, manifesté dans les derniers temps seulement à cause d’eux. I Pet., i, 19, 20. L’agneau pascal était donc regardé par les apôtres comme la figure de Jésus-Christ, victime douce et innocente, immolée pour le salut des hommes. Aussi, après avoir raconté que les soldats n’ont pas brisé les jambes de Jésus mort sur la croix, saint Jean observe que ce fait a eu lieu pour réaliser l’ordre divin, relatif à l’agneau pascal : « Vous ne briserez aucun de ses os. » Joa., xix,’M. Knabenbauer,