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AGGEE, II, 7-40 — AGGRAVANTES (CIRCONSTANCES)

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uns prétendent que le passage tout entier n’a rien de messianique. D’autres soutiennent qu’on ne saurait établir le messianisme du passage qu’en maintenant dans son intégrité la traduction de saint Jérôme. L. Reinke et le P. Knabenbauer — pour ne parler que des commentateurs catholiques contemporains — sont, croyons-nous, dans le vrai, quand ils concluent que le texte est à traduire comme ont fait les Septante, et que néanmoins l’ensemble du passage reste messianique. Il est bien vrai qu’il n’est pas directement question ici de la personne même du Messie, mais on y caractérise son temps et son œuvre. Le prophète prédit solennellement que la gloire future et dernière du temple, qu’on relève de ses ruines, sera de voir se réaliser au moins dans ses commencements, l’espérance messianique. Dès lors, une conclusion s’impose à quiconque admet l’inspiration d’Aggée : c’est que le Messie est déjà venu, puisque le temple a disparu depuis l’an 70 de notre ère. Que si on recherche à quelle époque précise et dans quelles conditions la prophétie a pu s’accomplir, il faut convenir que rien dans l’histoire du passé ne répond mieux aux exigences du texte que l’apparition dans le monde d’une religion universelle fondée en Palestine par Jésus de Nazareth et prêchée par ses disciples à toutes les nations de la terre dont l’élite a fini par croire à l’Evangile.

Pesch, Introd. propsed. ad s. theol., t. i, p. 141 ; Van Hoonucker, Les douze petits prophètes, 1908, p. 563-566 ; M. Hetzenauer, Theologia biblica, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. i, p. 598601, et, pour les protestants, Smith, A dictionary of the Bible, t. il, col. 1265.

A. Durand.


AGGRAVANTES(Circonstances) et circonstances qui changent l’espèce du péché.
I. Notion.
II. Application pratique.

I. Notion. —

Tout acte de volonté délibérée a un terme ou objet auquel il se rapporte, qui en est comme la forme extérieure, déterminante et spécificative, d’où il suit que l’acte volontaire est bon, mauvais ou indifférent, suivant que son « objet » est lui-même empreint de l’une de ces trois caractéristiques dans l’ordre de la moralité. Le péché donc est l’acte par lequel l’homme viole sciemment et librement les lois « objectives » de la morale, en laissant s’égarer les complaisances de sa volonté sur un objet entaché d’une immoralité quelconque.

S’il n’y avait jamais qu’un seul objet pour chacune de nos œuvres peccamineuses, leur appréciation morale n’offrirait aucune difficulté. En réalité, les termes de nos volitions sont presque toujours complexes, à cause des nombreuses relations morales que peut présenter simultanément, par ses divers côtés accidentels, une chose apparemment simple en elle-même dans son individualité physique. De là vient que très fréquemment la moralité mauvaise d’une même action (et aussi, par raison inverse, la moralité bonne) se trouve multipliée, suivant la multiple malice que l’homme peut rencontrer et prendre à son compte dans le groupe d’éléments objectifs qui ont été plus ou moins directement visés par lui comme termes de son opération.

D’ordinaire, parmi ces éléments il en est un qui, dans l’intention du pécheur, prime les autres et constitue, pour ainsi dire, la substance morale objective de sa volition ; c’est, si l’on veut, l’objet « primaire », ou simplement, comme disent les théologiens d’un seul mot, l’objet. Les autres, n’étant que d’ordre accidentel, et comme joints par mode de « circonstance » à l’objet primaire, devraient, en stricte terminologie, s’appeler objets « secondaires » ; le langage reçu chez les moralistes leur réserve le nom de circonstances. Ainsi, pour le voleur, le fait de dérober la masse d’or qu’il convoite constitue l’objet de son péché ; si cette masse d’or est un ciboire qu’il lui faut extraire d’un tabernacle, le caractère sacré du ciboire et le lieu du larcin sont des circonstances du crime. S’agit-il du vol d’une somme relativement minime, commis au détriment d’un pauvre ? Là encore, la condition personnelle de celui-ci est une « circonstance », qui peut même, en pareil cas, suffire à rendre mortelle une faute que la légèreté de matière eût permis, en toute autre occasion, de tenir pour vénielle.

Sans doute, le voleur préférerait voler simplement, ailleurs que dans une église ou chez un pauvre ; ces deux circonstances, de lieu et de personne, le gênent ; elles n’entrent point dans son intention principale ; autrement, elles deviendraient à leur tour, et directement, véritables « objets » de sa faute. Il passe outre cependant, aimant mieux voler « ainsi », que ne pas voler du tout ; en conséquence, il accepte, sans l’avoir tout d’abord voulue spontanément par intention primitive, l’immoralité supplémentaire que comportent les circonstances de son vol.

Les modifications que les circonstances peuvent faire subir à la malice principale du péché sont de trois sortes : tantôt elles en augmentent la gravité, sans pourtant la faire sortir de son « espèce », et alors on les appelle aggravantes ; tantôt elles la diminuent, comme il arriverait en cas de vol inspiré par un motif susceptible d’excuse ; tantôt, enfin, elles introduisent une « nouveauté spécifique » dans le péché principal, et on les appelle mutantes speciem, parce qu’elles entraînent une mutation spécifique du péché, laquelle peut être de deux genres différents : mutation « d’espèce théologique », si ce qui n’est en soi que véniel devient mortel par circonstance, et vice versa ; mutation « d’espèce morale », quand, à la violation du précepte mis en cause dans l’objet principal, la circonstance ajoute la violation simultanée d’un autre précepte, et, par là même, un nouveau péché spécifiquement différent du premier.

II. Application pratique. —

La théorie morale des circonstances a son application pratique la plus intéressante dans le traité de la Pénitence. Doit-on déclarer au saint tribunal, outre le péché principal, dans son espèce propre et ses répétitions numériques, les circonstances qui l’ont accompagné en modifiant plus ou inoins sa moralité ? La question doit être diversement résolue suivant la nature des circonstances qui sont en jeu.

1° Il faut observer, tout d’abord, d’une façon générale, qu’il n’y a jamais pour le pénitent obligation de s’accuser d’un mal qu’il n’a pas eu conscience de commettre. Si donc, par inadvertance, ignorance ou erreur non coupable, une circonstance de sa faute, même très aggravante, même mutans speciem, lui a échappé, ou ne s’est pas offerte à son esprit avec la gravité de sa malice propre, il n’a pas à la déclarer, n’ayant de ce chef encouru devant Dieu aucune culpabilité grave dont l’aveu lui soit ordonné par le précepte de l’intégrité de la confession. Cf. Berardi, Praxis confess., n. 51, édit. Bologne, 1887, t. i, p. 18 ; Frassinetti, Abrégé de théol. mor., traité III, diss. IV, n. 7, trad. franc., 2e édit., Tamines, 1894, t. i, p. 162.

2° Pas d’obligation, non plus, de déclarer les circonstances minuentes qui, étant à la décharge du coupable, ne sont point des fautes, ni matière du sacrement de pénitence ; sauf le cas, cependant, où leur narration serait de nature à prévenir des erreurs substantielles dans le jugement du confesseur ; c’est ainsi qu’on doit, non pas « s’accuser », mais faire communication, à titre de renseignement indispensable, des circonstances qui rendent vénielle une faute que le confesseur mal éclairé aurait le devoir de regarder comme mortelle.

3° Tout le monde s’accorde à affirmer la nécessité d’accuser les circonstances mutantes speciem ; soit qu’elles ajoutent au péché principal une autre faute grave spécifiquement distincte, soit que, dans la sphère d’une même espèce morale de péché, elles transfor-